Interventions

Evaluation et contrôle du Gouvernement

Débat sur l’évolution de la santé psychique dans le contexte de la crise sanitaire et les réponses qui y sont apportées par nos politiques publiques

Les annonces faites en clôture des assises de la santé mentale révèlent un choix que nous jugeons très regrettable : celui de ne pas s’appuyer sur le service public. Il est vrai que les services de la santé psychique sont en grande souffrance : ils manquent cruellement de moyens et ont été dégradés par des choix politiques, ceux du sous-financement, alors qu’ils devraient être le levier d’une ambitieuse politique de santé psychique. Au contraire, c’est une approche gestionnaire du soin qui a été retenue. Nous le répétons, la santé ne doit pas être une marchandise.

Pourtant, c’est précisément le sens de la réforme du financement des activités de psychiatrie, qui modifiera le mode de financement de la psychiatrie publique, déjà chroniquement sous-financée, en remplaçant la dotation globale par la tarification à l’acte. Ce mode de financement s’inspire de la tarification à l’activité (T2A), déjà généralisée dans le monde hospitalier, qui consiste à mesurer l’activité des établissements pour calculer les ressources allouées. Cette mesure, de l’aveu même des médecins psychiatres, imposera sans nul doute un certain type de pratiques destinées à maximiser le nombre de patients.

Cette politique publique de santé organise, disons-le, un marché particulièrement juteux du soin, et les plateformes s’en frottent les mains ; elles reçoivent même parfois des récompenses et autres prix de l’innovation. Cette approche s’inscrit dans le cadre de l’individualisation des prestations, qui laisse sur le bas-côté une réponse collective à une problématique à la fois sociale et médicale, mais aussi une problématique de société – on voit en effet combien la déshumanisation de pans entiers de nos vies est elle aussi à soigner.

Face à une demande de soins accrue, les moyens humains et les capacités d’accueil sont en baisse, et les mesures politiques qui sont prises ne sont pas à la hauteur, tant s’en faut. L’annonce par Emmanuel Macron de la création de 800 postes dans les centres médico-psychologiques adultes et infanto-juvéniles est cruellement insuffisante face aux files d’attente qui s’allongent dans ces structures publiques de consultation gratuite pour toute personne en souffrance psychique ; de plus, elle est peu opérationnelle s’agissant des postes et de celles et ceux qui peuvent s’y présenter.

D’autre part, la situation des services pour la santé psychique des enfants et des jeunes n’est pas seulement dégradée ; elle est en détresse. Je pense aux CMP dont les professionnels disent partout combien ils ont du mal à répondre aux besoins, au point que des drames finissent par se profiler. Or ces structures de proximité permettent de bien connaître les patients qui y sont traités. Selon les chiffres enregistrés par l’hôpital Robert-Debré, les tentatives de suicide chez les mineurs de moins de 15 ans en septembre et octobre 2021 ont doublé par rapport à la même période en 2019.

Le manque d’attractivité du métier de psychologue scolaire a un fort impact sur la santé des enfants scolarisés. Le concours de psychologues de l’éducation nationale offre peu de places. La France est en situation de sous-effectifs. Selon le rapport Moro-Brison de 2016, on comptait à l’époque un psychologue pour 1 600 élèves alors que la moyenne européenne était d’un psychologue pour 800 élèves, et même un pour 600 élèves en Finlande. Il convient donc de renforcer l’attractivité de la profession de psychologue scolaire, en revalorisant les rémunérations et les carrières et en augmentant le nombre de postes ouverts.

Cet effort doit en même temps participer d’une autre approche de la santé psychique. Ce n’est pas aux patients de s’adapter au monde tel qu’il est – d’autant plus qu’il a tendance à marcher sur la tête. Il faut au contraire fournir un soin humanisé qui s’adapte aux patients.

Il convient également de nommer des psychologues de l’éducation nationale comme conseillers techniques des DASEN, les directeurs académiques des services de l’éducation nationale, afin de prendre plus systématiquement en compte la dimension psychologique des difficultés au sein de l’école.

Enfin, la santé psychique des étudiants et étudiantes s’est elle aussi aggravée pendant la crise sanitaire. Non seulement le chèque psy n’est pas à la hauteur des besoins, mais il est si faiblement rémunéré qu’il accroît la précarité des jeunes psychologues.

Je conclurai en saluant tous les personnels qui, depuis plusieurs années, sonnent l’alerte en ne se contentant pas de dire que ça ne va pas, mais en disant plutôt que ça va très mal dans ce secteur. Ils demandent un soin humanisé de proximité. À cet égard, je salue notamment l’initiative du « printemps de la psychiatrie ». (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Mme Chantal Jourdan applaudit également.)

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