Le débat qui nous occupe ce soir est l’occasion de faire le bilan de la gestion de la crise sanitaire. L’évaluation des mesures prises successivement par le Gouvernement depuis mars 2020 pour freiner l’épidémie a fait l’objet de deux commissions d’enquête distinctes à l’Assemblée nationale et au Sénat, auxquelles il faut ajouter le rapport de ma collègue Marie-George Buffet pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse.
Ces travaux ont bien montré les défaillances de l’exécutif dans la gestion de la crise, qu’il s’agisse du déploiement des masques, de l’accès aux tests ou de son pilotage trop centralisé. Ils dénoncent la paupérisation de notre système de santé qui s’est trouvé insuffisamment armé en lits et en personnels, en raison des politiques successives de compression des dépenses publiques.
Plus de quinze mois après le début de cette épreuve, le bilan humain est lourd : 110 000 personnes sont décédées du covid-19 et plus de la moitié des personnes hospitalisées continuent de souffrir de symptômes divers, regroupés sous le terme de « covid long ». S’y ajoutent les impacts délétères des confinements sur notre vie quotidienne, nos interactions sociales et la santé mentale.
Si l’épidémie a mis à rude épreuve la société tout entière, j’insisterai principalement sur l’impact de la crise sanitaire pour deux catégories de la population particulièrement exposées : les personnes âgées en perte d’autonomie et les jeunes. Les premiers ont été touchés par une surmortalité excessive, tandis que les seconds subissent une dégradation de leurs conditions d’existence préjudiciable pour leur santé mentale.
La situation critique des EHPAD était connue de longue date et la crise n’a fait qu’aggraver les difficultés quotidiennes : manque de moyens publics, sous-effectifs, conditions de travail dégradées, absence de médicalisation. C’est sur ce terrain abîmé que la crise sanitaire a prospéré. Les EHPAD ont payé un lourd tribut. Lors de la seule première vague, 29 933 personnes sont décédées des suites de la covid-19, dont près de la moitié étaient des résidents en EHPAD.
Ce drame sanitaire s’est doublé d’une détresse sociale et psychologique au sein des établissements, avec des conditions de vie dégradées pour les personnes âgées. Les mesures de confinement ont renforcé leur sentiment d’isolement et limité leurs contacts sociaux. Les interdictions des visites des familles, si importantes pour ces personnes, ont constitué une épreuve supplémentaire.
Tous ces constats doivent nous interpeller, monsieur le ministre. Ils traduisent l’impuissance et l’isolement dans lesquels ont été placées les personnels et les gestionnaires de ces structures. Des moyens nouveaux sont nécessaires pour embaucher massivement, dans l’optique d’atteindre un taux d’encadrement de six soignants pour dix résidents et de revaloriser les conditions de travail. Il est temps de reconnaître l’utilité sociale des métiers du soin et de l’aide à domicile, en révisant les grilles salariales bloquées depuis des années autour du SMIG – salaire minimum interprofessionnel garanti – : c’est un préalable indispensable à leur attractivité.
Il est nécessaire d’avancer sur la médicalisation des EHPAD en renforçant la présence de médecins coordonnateurs.
Plus largement, nous ne pouvons plus éluder la nécessité de changements profonds dans la prise en charge de la perte d’autonomie, aujourd’hui à bout de souffle. Il est indispensable de faire évoluer le modèle des EHPAD avec comme priorité le « prendre soin ».
S’agissant de la jeunesse, les constats sont aussi sévères. Privés d’interactions sociales, empêchés de poursuivre leur scolarité dans des conditions normales, confrontés à la précarité économique et même alimentaire, les jeunes ont subi une forte dégradation de leur santé mentale.
Malgré plusieurs annonces gouvernementales destinées à l’accompagnement des jeunes, le compte n’y est pas. Les jeunes restent exposés au risque de pauvreté faute de bénéficier d’une protection sociale minimale. Je pense bien sûr à la nécessité d’ouvrir le revenu de solidarité active (RSA) aux jeunes dès 18 ans. L’accès aux soins, notamment aux consultations psychologiques, n’est pas suffisamment garanti en raison d’une pénurie de médecins dans les écoles et les universités. Le « chèque psy » apparaît comme un pansement sur une jambe de bois. Nous appelons au contraire à la reconstruction de la médecine scolaire et universitaire, seule manière de déployer une politique de prévention efficace.
Cette intervention est accompagnée de plusieurs propositions et ne se contente pas de dresser le bilan des mois que nous venons de vivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)