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Débat sur l’application de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Nos collègues du groupe Socialistes et apparentés nous ont proposé de débattre ce soir de l’application de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Cette loi, chacun s’en souvient, devait être la traduction des propositions formulées par la Convention citoyenne pour le climat en juin 2020. À l’époque, tous les organismes et associations concernés, du Conseil économique, social et environnemental (Cese) aux membres de la Convention citoyenne, du Haut Conseil pour le climat au Conseil national de la transition écologique (CNTE), du Réseau action climat (RAC) à la Fondation Abbé-Pierre, avaient souligné les graves insuffisances du texte au regard des engagements climatiques de la France.

La loi avait en effet laissé à l’abandon des propositions structurantes, transformant des mesures d’interdiction en simples incitations ou renvoyant aux calendes grecques des réformes pourtant urgentes, par exemple en matière de rénovation de l’habitat. Parmi les mesures passées à la trappe figuraient notamment la taxe sur les dividendes destinée à financer la transition écologique, la réduction de la TVA dans les transports publics et les investissements dans le secteur ferroviaire, l’accélération de la rénovation énergétique des logements, la réquisition facilitée des logements et des bureaux vacants, ou encore la renégociation de l’Accord économique et commercial global avec le Canada (CETA) et des traités de libre-échange en vue d’y inscrire les objectifs climatiques prévus dans l’accord de Paris. Nous avions alors souligné qu’à nos yeux, le principal écueil du texte résidait dans le fait qu’il se résumait à une longue série de mesures d’ajustement qui, bien qu’utiles pour certaines, ne permettraient pas à la France d’opérer un véritable tournant écologique.

Nonobstant ce constat, si nous nous penchons aujourd’hui sur l’application de cette loi, c’est que plusieurs questions font débat. J’en ai retenu trois.

La première concerne l’extension de l’obligation d’instaurer des ZFE à toutes les villes de plus de 150 000 habitants. Les ZFE ont fait l’objet d’un récent rapport d’information de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, qui a pointé les graves insuffisances du dispositif issu de la loi d’orientation des mobilités et formulé des recommandations rejoignant les critiques que nous émettions à l’égard du dispositif. Le déploiement des ZFE et, a fortiori , leur élargissement à l’ensemble des villes de plus de 150 000 habitants évinceront en effet des centres-villes les populations périurbaines et rurales si des mesures vigoureuses d’accompagnement social ne sont pas mises en ?uvre, comme le développement de l’offre de transports publics urbains et la gratuité des trajets. L’acceptation d’un tel dispositif, profondément injuste socialement, passe aussi par l’augmentation et le meilleur ciblage du bonus écologique et de la prime à la conversion, afin de réduire le reste à charge des ménages modestes achetant un véhicule neuf. Force est malheureusement de constater que les moyens budgétaires nécessaires ne suivent pas.

Le deuxième sujet de préoccupation a trait à l’objectif Zéro artificialisation nette à l’horizon 2050, assorti d’un jalon intermédiaire visant à réduire de moitié, d’ici à dix ans, la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers par rapport aux dix dernières années. Là encore, si nous partageons cette ambition, nous estimons qu’elle méconnaît gravement les réalités du terrain et la diversité des dynamiques démographiques et économiques des territoires, notamment ruraux, ainsi que les réponses à apporter aux besoins de logement des ménages.

Enfin, la troisième mesure à illustrer les lacunes de la loi « climat et résilience » concerne l’interdiction de louer certaines passoires thermiques. Celle-ci ne vise à ce stade que 191 000 logements, majoritairement chauffés au fioul ou au gaz. Si nous avons soutenu cette disposition, nous ne pouvons que déplorer l’absence de mesures d’accompagnement des bailleurs les plus fragiles – je connais plusieurs d’entre eux dans ma circonscription. Nous étions en effet nombreux, sur ces bancs, à insister sur la nécessité de déployer un mécanisme de financement de la rénovation de l’habitat beaucoup plus ambitieux que le dispositif existant.
Nous restons convaincus que la loi « climat et résilience » pèche par son manque d’ambition, dont témoigne notamment l’absence de mesures d’accompagnement des collectivités et des particuliers, l’État n’assumant pas les responsabilités, notamment financières, qui devraient lui incomber si nous voulons réussir la transition écologique.

Pour conclure, certains citeraient René Char, qui disait que « l’inaccompli bourdonne d’essentiel ». Pour ma part, je serai beaucoup plus sobre, en soulignant simplement que l’essentiel reste à faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

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