C’est un sujet compliqué, même s’il est de plus en plus vulgarisé. L’intelligence artificielle est au cœur de tous les débats contemporains, de l’éducation à la santé, en passant par la finance, la création artistique ou la grande distribution. Cette technologie promet une nouvelle époque – certains la disent dramatique, d’autres l’espèrent heureuse –, un temps nouveau marqué par le progrès technique, dont Aristote disait, si je me souviens bien, qu’il ne vaut que s’il est partagé par tous, l’automatisation ou la simplification des tâches et des processus. Si elle nous est présentée comme un instrument d’émancipation – ce que vous avez su nuancer –, l’intelligence artificielle sera plus probablement employée comme une arme des grandes puissances impériales, qu’elles soient étatiques ou financières. Et vous avez raison de dire, monsieur Cavada, que cela a déjà commencé, sur le plan financier. Il est fort possible que les États soient très vite dépassés.
Nous le savons, à travers OpenAI et DeepSeek, ce sont les États-Unis d’Amérique et la République populaire de Chine qui s’affrontent dans une nouvelle course technologique qui devient forcément, dans le contexte de tensions bellicistes croissantes, une course à l’armement.
Des sociétés comme OpenAI ou Google participent en effet au développement de l’intelligence artificielle à des fins militaires. Selon les révélations du Washington Post ou du Guardian, les outils d’intelligence articificielle de Google ou Microsoft auraient été utilisés par l’armée israélienne lors de ses opérations dans la bande de Gaza depuis 2023.
En France, le ministre des armées a annoncé le 19 janvier dernier un accord entre l’agence ministérielle pour l’intelligence artificielle de défense et la start-up Mistral AI. Dans ce contexte de fuite en avant du complexe militaro-industriel, quels sont, selon vous, les garanties éthiques et les gardes-fous déployés aujourd’hui par les principaux acteurs de l’intelligence artificielle et les États afin d’encadrer strictement, si tant est que ce soit possible, l’utilisation de cette technologie dans le domaine militaire et de défense ? Vous avez parlé des questions électorales ; nous restons sensibles, pour ce qui nous concerne, à la maîtrise absolue de l’arme nucléaire. Plus l’intelligence artificielle se rapprochera de cette arme de dissuasion, plus cette dernière pourra être remise en cause et plus il apparaîtra nécessaire de nous en séparer.
Evaluation et contrôle du Gouvernement
Débat : Mutations liées à l’intelligence artificielle : quelle stratégie pour la France et l’Europe ?
Publié le 5 mars 2025
Jean-Paul
Lecoq
Député
de
Seine-Maritime (8ème circonscription)