Donner une famille à un enfant lorsque son projet de vie correspond à l’adoption, tel est le dessein qui est formulé par cette proposition de loi, et je salue le travail de Mme la rapporteure sur ce texte.
Nous faisons malheureusement chaque année le constat que très peu d’enfants sont adoptés dans notre pays. Madame la rapporteure, vous évoquez le nombre de 950 enfants adoptés alors qu’on compte plus de 2 700 pupilles de l’État et 14 000 agréments donnés à des familles à même d’accueillir et d’élever un enfant. Cette proposition de loi tente d’apporter des réponses à cette situation humainement inacceptable ; elle contient plusieurs avancées, que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine tient à saluer.
Tout d’abord, nous partageons la conviction qu’il n’existe pas un seul modèle familial dans notre société, mais des familles plurielles, toutes garantes de stabilité et de protection pour des enfants. L’ouverture du droit à l’adoption pour les couples pacsés et en concubinage accompagne les ouvertures de notre société, et nous nous en réjouissons. Des enfants pourront être accueillis au sein de couples de même sexe, en concubinage ou pacsés, et se trouver ainsi au sein de familles aimantes. L’exclusion de certaines familles en raison de leur composition ou de leur statut conjugal n’existera plus sur un plan légal.
Il faudra toutefois veiller à ce que des discriminations ne s’opèrent pas tout au long des démarches et des étapes préalables au choix des familles candidates à l’adoption.
Nous partageons également la volonté de mieux valoriser l’adoption simple, afin de permettre aux enfants adoptés de conserver le lien d’origine de leur filiation ainsi que leurs droits au sein de leur famille biologique. Nous sommes attentifs, comme vous l’avez souligné, madame la rapporteure, au fait que le consentement des familles qui confient leur enfant, celui-ci devenant ainsi pupille de l’État, doit être éclairé.
L’écart d’âge maximal de cinquante ans entre l’adoptant et l’enfant adopté paraît justifié pour assurer un lien le plus longtemps possible.
Au-delà de ces avancées certaines et nécessaires, il demeure quelques réserves et un point de désaccord.
Le rétrécissement de l’activité des organismes autorisés pour l’adoption aux enfants adoptables à l’étranger et non plus en France représente, à notre sens, une erreur. Quand bien même peu d’enfants nés dans notre pays seraient confiés à des OAA, les résultats prouvent que ceux-ci sont en mesure de trouver une famille à un enfant, y compris lorsqu’il s’agit d’enfants à besoins spécifiques. Lorsque des organismes démontrent leur utilité et leur compétence, il paraît dommage de s’en priver, surtout lorsqu’il s’agit de répondre à l’intérêt supérieur de l’enfant et de lui donner une famille.
J’entends les arguments de Mme la rapporteure, qui justifie cette mesure par le caractère plus protecteur pour l’enfant du statut de pupille de l’État. Mais si l’ambition est atteinte, n’est-il pas préférable pour un enfant de trouver une famille sans avoir eu besoin d’en passer par ce statut ?
Par ailleurs, dans votre rapport coécrit avec Mme la sénatrice Corinne Imbert, intitulé « Vers une éthique de l’adoption. Donner une famille à un enfant », vous déplorez les disparités qui existent entre les départements, dont dépendent les services de l’aide sociale à l’enfance. En effet, les procédures et traitements des enfants à adopter varient sensiblement d’un département à l’autre. Par exemple, le projet pour l’enfant n’est pas systématiquement mis en œuvre. De même, tous les départements n’ont pas installé la commission pluridisciplinaire chargée d’examiner la situation des enfants confiés à l’ASE.
En outre, des difficultés perdurent quant à la mise en place de certaines mesures prévues par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant.
La protection de l’enfance est un sujet majeur dans notre pays, et qui mérite des moyens conséquents. Je m’inquiète des inégalités qui touchent des enfants dont la situation est déjà particulièrement fragile et douloureuse. En matière de protection de l’enfance, aucune carence n’est acceptable ; la rupture d’égalité que nous connaissons ne l’est pas davantage. Le rôle de l’État – j’ai eu l’occasion de le dire à M. le secrétaire d’État – doit être revalorisé dans ce domaine.
Je m’interroge également sur le changement de prénom possible sans consentement de l’enfant avant ses 13 ans. Le prénom fait partie de l’identité de chacun d’entre nous. C’est à ce prénom que nous répondons depuis notre naissance. En changer n’est pas un acte purement symbolique, surtout pour des enfants qui se sont construits parfois avec peu de repères.
Malgré ces réserves, la proposition de loi prend comme boussole l’intérêt de l’enfant pour protéger et renforcer les droits de ceux confiés à l’adoption. C’est pourquoi le groupe de la Gauche démocrate et républicaine le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)