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Travail : orientation et formation professionnelle tout au long de la vie

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie transpose notamment l’accord national interprofessionnel sur le développement de la formation tout au long de la vie professionnelle, la professionnalisation et la sécurisation des parcours professionnels.
Si nous nous retrouvons sur la plupart des constats faits par le Gouvernement et sur l’objectif général de rénover le dispositif de la formation professionnelle, nous pensons qu’il est regrettable que le Gouvernement ait attendu la crise pour présenter un texte relatif à la formation professionnelle en contraignant les partenaires sociaux à une négociation à marche forcée.
Nous jugeons en outre que la majorité présidentielle ne peut s’exonérer de sa part de responsabilité dans la situation actuelle, notamment en ce qui concerne le déficit de compétences relevé dans les entreprises, les inégalités d’accès à la formation au détriment notamment des moins qualifiés, ou l’immense besoin de formation nécessaire à l’élévation générale des niveaux de qualification.
Ainsi, nous ne cessons de déplorer depuis plus de deux ans votre politique de formation initiale et vos attaques répétées contre le service public d’éducation, ou votre politique de l’emploi, qui a consisté pour l’instant à ne proposer que de travailler plus et, si possible, le dimanche.
Malgré quelques avancées concédées en commission des affaires sociales, nous sommes encore en décalage sur les réponses à apporter.
Pour nous, la qualification d’un salarié se comprend comme le résultat d’un parcours comprenant formation initiale, formation continue, expérience professionnelle et expérience sociale. À cet égard, nous regrettons notamment que ne soit pas inscrit dans le projet de loi le « droit à la formation initiale différée » pour les salariés sortis du système scolaire sans diplôme.
Nous constatons en effet que vous organisez la régression des dépenses publiques d’éducation, dont on ne parle pas beaucoup. En 1993, avec une scolarisation moindre et un investissement des collectivités territoriales nettement inférieur à ce qu’il est aujourd’hui, la France consacrait 7,8 % du produit intérieur brut à l’école, contre 6,8 % en 2006 par exemple. Ce désinvestissement n’est pas une preuve d’efficacité puisque le Haut conseil de la population et de la famille a rappelé que, chaque année, 150 000 jeunes sortent sans qualification du système scolaire et que le diplôme a un effet protecteur important pour l’accès à l’emploi.
Il est ainsi regrettable que le Gouvernement ne s’attelle pas à mettre en œuvre de la loi d’orientation de 1989, qui prévoit qu’aucun jeune ne doit sortir du système scolaire sans, au minimum, le premier niveau de certification reconnu sur le marché du travail ou, à défaut, un accompagnement dans l’année qui suit pour que cet objectif soit atteint. Et aujourd’hui, il refuse d’allouer des moyens pour qu’aucun travailleur ne soit plus sans qualification !
Dans ces conditions, le volet consacré à l’emploi des jeunes, que vous avez intégré in extremis en commission, risque fort de ne pas résister à l’épreuve de la réalité. Pour ce qui est de l’alternance, nous savons en effet que les jeunes rencontrent d’immenses difficultés à trouver des entreprises pour les accueillir. Mais les moyens que vous proposez de mettre en œuvre pour y remédier manquent visiblement d’ambition.
En particulier, le projet de loi issu de la commission fixe à 2012 et à 2015 les horizons de réalisation des engagements que l’État « pourrait » – j’insiste sur le conditionnel – demander dans le cadre de conventions passées avec les entreprises. Au regard du développement sans précédent du chômage des jeunes, qui a augmenté de 41 % en un an selon les chiffres du ministère de l’économie, nous pensons qu’il y a urgence à fixer, mais surtout à respecter des objectifs – et ce texte aurait pu en être l’occasion.
Je déplore la disposition introduite par le rapporteur à l’article 13, concernant le financement des missions locales qui dépendrait de leurs résultats en matière d’insertion professionnelle. Si je ne conteste pas que les missions locales aient à faire preuve d’ambition en ce domaine, je soutiendrai la suppression de cette mesure qui me paraît extrêmement dangereuse, parce qu’elle fait fi des inégalités territoriales que l’on peut rencontrer dans l’accès à la formation et à l’emploi et qu’elle risque de pénaliser les missions locales des territoires qui ont le plus besoin de l’intervention publique.
Avec ce texte, nous pouvions espérer la création d’un nouveau statut du travail salarié qui assure à chacun la continuité de son contrat de travail en même temps que la garantie de son salaire et de ses droits associés : protection sociale, retraite, formation professionnelle, à laquelle nous estimons que doivent être consacrés au moins 10 % du temps travaillé, soit au total quatre années de formation pour quarante années de travail salarié. Nous jugeons que la portabilité du droit individuel à la formation est une première étape, et nous nous félicitons que ce droit ait été étendu au-delà des seuls salariés en CDI, grâce à l’adoption de l’un de nos amendements en commission, mais cela reste toutefois très insuffisant.
Vous créez un fonds dit de sécurisation des parcours professionnels, mais l’organisation de ce fonds par le regroupement des organismes paritaires collecteurs agréés – une quinzaine contre près d’une centaine aujourd’hui – nous fait craindre que l’intention du Gouvernement ne soit de ponctionner les 27 milliards d’euros actuellement destinés à la formation professionnelle, afin de servir une politique de l’emploi qui devrait uniquement relever du budget de l’État ! C’est en effet la méthode à laquelle vous avez déjà recouru avec le 1 % logement, le regroupement des organismes collecteurs ayant été organisé par la loi afin de compenser le désinvestissement de l’État dans les politiques publiques du logement, de la rénovation urbaine et de l’amélioration de l’habitat.
Cette logique, qui consisterait à organiser la sécurisation du chômage plutôt que de l’emploi, faciliterait en outre la déculpabilisation de certains patrons sans morale qui trouvent déjà prétexte dans la crise pour procéder à des vagues de licenciements. Il est vrai que vous seriez ainsi en cohérence avec votre décision de repousser, il y a quelques semaines, notre proposition de loi visant à interdire les licenciements dans les entreprises qui réalisent des profits, versent des dividendes ou reçoivent des aides publiques !
Pour les députés communistes, républicains et du parti de gauche se pose également la question de la dissolution de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes dans Pôle emploi avec le transfert des personnels avant le 1er avril 2010.
Cette décision fait planer de graves menaces sur le service public de la formation professionnelle puisque certaines des missions de l’AFPA ne seront pas pérennisées. C’est le cas par exemple de l’accompagnement psychologique des chômeurs de longue durée, que seule l’AFPA assure aujourd’hui, avec la qualité que l’on connaît.
Sur le terrain, cette réforme d’inspiration libérale devra s’adapter aux constructions, déjà engagées, de réseaux publics régionaux de formation professionnelle. Ces structures, qui associent l’ensemble des organismes de formation répondant à des critères de gestion d’utilité sociale, se sont en effet créées récemment, sous la forme de services économiques d’intérêt général, afin de jeter les bases de services publics régionaux de formation professionnelle refusant clairement de s’inscrire dans le secteur uniquement marchand. Comment comptez-vous travailler avec ces structures ?
La labellisation d’un réseau d’organismes offrant un ensemble de services d’orientation aux personnes nous fait également douter de votre volonté d’organiser un véritable service public de l’orientation.
Vous proposez de créer un centre d’appel téléphonique qui y serait dédié, mais pensez-vous réellement qu’une conversation de quelques minutes permettra d’informer, d’orienter et d’accompagner annuellement les quelque 500 000 salariés et 200 000 demandeurs d’emploi visés par la loi ? Ces derniers, qui ont fait l’expérience du numéro d’appel surtaxé ayant accompagné le lancement de Pôle emploi, pourraient en sourire si le sujet n’était pas aussi sérieux. Il est manifeste que d’autres mesures doivent être proposées.
Nous attendons enfin que vous répondiez à notre demande de prise en compte des problèmes spécifiques aux travailleurs handicapés – nous avons insisté sur ce point en commission –, sans vous retrancher derrière la seule mise en œuvre d’un cadre général favorable.
Vous l’aurez compris : les députés communistes et républicains du parti de gauche espèrent que la discussion permettra de satisfaire aux nombreuses exigences qu’ils formulent encore, évitant ainsi qu’ils ne s’opposent à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
 

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Marie-Hélène
Amiable

Députée des Hauts-de-Seine (11ème circonscription)
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