Statut de l’élu (2ème lecture)
Publié le 8 décembre 2025Depuis 2020, près de 13 000 élus locaux ont démissionné de leur mandat. Si, parmi ces démissions, celles des maires restent minoritaires, leur nombre a néanmoins largement augmenté : on compte en effet 1 500 démissions de maires entre 2020 et 2023, soit deux fois plus que sur la période 2004-2014. Ces chiffres témoignent d’une fragilisation de l’engagement local, d’une véritable crise des vocations, largement due aux conditions dégradées d’exercice des mandats locaux. Rappelons à cet égard, à la veille des élections municipales, que 83 % des 4 900 maires interrogés au printemps 2024, dans le cadre d’une enquête menée par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), estimaient que leur mandat était « usant pour leur santé ».
Cette crise se nourrit d’un ensemble de facteurs : surcharge de responsabilités, inflation normative, difficultés à concilier vie professionnelle et personnelle et engagement public, recrudescence des menaces et des violences, reconversion professionnelle difficile, mais aussi et surtout un désengagement continu de l’État dans un contexte marqué par les restrictions budgétaires et l’absence de compensation de l’inflation.
Disons-le clairement : le désengagement de l’État et l’affaiblissement des services publics de proximité dans les territoires sont en grande partie responsables du mal-être des élus locaux. Dans de nombreux territoires, les élus doivent pallier le recul de l’État et des services publics et assumer des fonctions de gestion, de médiation, de confrontation à l’urgence sociale, qui dépassent souvent largement le cadre de leurs mandats.
Si cette proposition de loi ne tend évidemment pas à résoudre toutes ces difficultés, elle entend, en tout cas, reconnaître pleinement l’engagement des élus locaux. De nombreux rapports parlementaires, en particulier celui de Sébastien Jumel et Violette Spillebout, ont souligné l’existence d’un large consensus politique au sujet du malaise des élus et la nécessité de revaloriser leur statut et de renforcer leur protection, pour mieux répondre aux attentes des citoyens.
Nous réitérons notre soutien aux objectifs poursuivis et aux avancées importantes permises par ce texte : généralisation de la protection fonctionnelle, validation des acquis de l’expérience, revalorisation des indemnités, bonification des retraites, accompagnement à la reconversion professionnelle, prise en charge des frais de garde et de transport, création d’un statut de l’élu étudiant, facilitation des conditions d’exercice du mandat des élus en situation de handicap, pour ne citer que les principales.
Cependant, nous réaffirmons notre opposition au resserrement de la définition du délit de prise illégale d’intérêts. Ce délit vise à garantir la probité publique et à empêcher la survenue de conflits d’intérêts susceptibles de conduire à des infractions plus graves comme la corruption ou le trafic d’influence. En réduisant son champ d’application, on fragilise son caractère préventif et on affaiblit, par conséquent, son intérêt même.
Aussi, plutôt que de chercher à redéfinir, en le restreignant, le délit de prise illégale d’intérêts, nous considérons qu’il faudrait donner la priorité à la prévention des risques et à la formation des élus pour sécuriser leur action tout en préservant les principes fondamentaux de la lutte contre la corruption.
En définitive, en dépit du fait que ce texte ne réglera pas, à lui seul, toutes les difficultés – en particulier le manque de diversité sociale des élus, qui constitue toujours un enjeu très important –, il marque une étape importante dans la reconnaissance et la valorisation de l’engagement local. Nous le voterons, malgré les quelques réserves que je viens d’exprimer au sujet du délit de prise illégale d’intérêts.