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Soutien de l’Assemblée nationale à l’Ukraine et condamnation de la guerre menée par la Russie

Chers collègues de la majorité, par cette résolution, vous entendez apporter votre entière solidarité au peuple ukrainien dans sa lutte contre l’envahisseur. Les députés de mon groupe ne peuvent que soutenir cette solidarité indispensable. Je constate cependant que les attendus de cette résolution n’apportent rien de nouveau et la limitent dans une dimension symbolique qui n’est pas à la hauteur de ce que notre assemblée, si elle avait un peu d’ambition, pourrait préconiser à l’exécutif.

En effet, la France accomplit déjà quasiment tout ce que vous demandez, qu’il s’agisse du soutien humanitaire à l’Ukraine, de l’accueil des réfugiés, de l’envoi d’aide, notamment militaire, de la dénonciation des faux référendums menés dans les régions du Donbass et de Donetsk, du renforcement de l’Otan ou de l’autonomie militaire européenne.

Après neuf mois de guerre, cette résolution n’aurait-elle pas dû prendre en considération l’avenir du conflit et faire scintiller les lumières de la paix ? Il semble qu’elle ne mentionne l’avenir qu’au prisme de la reconstruction du pays, laquelle est attendue avec intérêt par les majors français et européens du BTP. D’ailleurs, le 13 décembre prochain, l’exécutif tiendra une conférence visant, entre autres objectifs, à soutenir la reconstruction des infrastructures du pays.

Mais avant de reconstruire, ne faut-il pas construire ce qui est prioritaire, à savoir la paix ? (MM. Stéphane Peu et Frédéric Maillot applaudissent.) Je veux faire miens ces mots du pape François : « La paix ne peut se vendre ni s’acheter : elle est un don à recevoir avec patience et à construire ’’artisanalement’’ par des petits et grands gestes… » Construisons la paix, car Poutine aura beau couper toutes les fleurs, il n’empêchera pas le printemps. Construisons la paix, car c’est elle qui permettra aux Ukrainiennes et aux Ukrainiens, ainsi qu’aux conscrits russes, de retrouver, si j’ose dire, une vie normale. (M. Aurélien Saintoul applaudit.)

Ce texte présente d’autres lacunes : rien n’est écrit en signe de solidarité avec le peuple russe qui souffre le martyre par la faute de Vladimir Poutine, rien ne fait état des multiples emprisonnements politiques en Russie, qu’il s’agisse des pacifistes ou des mères de famille qui protestent contre la guerre ou la conscription des jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)

La guerre détruit des vies, mais elle détruit également la planète. Pensez aux restes des explosifs qui pollueront les sols ukrainiens ! Nous aurions pu demander à l’exécutif d’engager des moyens pour assurer leur déminage et leur nettoyage. Cela permettrait, là encore, de préparer l’avenir.

La mise en place d’une cour pénale internationale, dont vous faites la demande, est une mesure essentielle que nous approuvons. Reste que nous devons lever un obstacle : la France a drastiquement limité sa compétence universelle qui lui permet d’arrêter un criminel de guerre étranger sur son sol. En effet, quatre règles strictes doivent être observées avant de déférer ce dernier en justice : l’obligation de prouver la résidence habituelle du suspect en France ; le principe de double incrimination, qui prescrit que l’on ne peut juger un individu que si la peine est reconnue également dans son pays d’origine ; le principe du monopole des poursuites, en vertu duquel seul le ministère public peut se saisir d’une telle affaire ; l’inversion du principe de complémentarité, impliquant que la France ne peut poursuivre le suspect que si la Cour pénale internationale (CPI) a décliné sa compétence.

Ces quatre verrous font de la France un paradis pénal. Mon collègue Jean-Paul Lecoq avait alerté la commission des affaires étrangères sur ce sujet, qui a fini par émettre l’idée d’une réforme permettant à la France de prendre toute sa part dans le processus de justice internationale qui s’imposera.

Enfin, cette proposition de résolution aurait pu indiquer que la France allait tout mettre en œuvre sur le plan politique pour imposer un cessez-le-feu et l’ouverture de pourparlers de paix. Consolider la paix, c’est concevoir un cadre de sécurité collective incluant tous les pays européens, y compris la Russie et l’Ukraine. Car la Russie, même dirigée par un homme aussi dangereux que Vladimir Poutine, restera toujours un voisin : la géographie est implacable ! Seul le peuple russe pourra, de ses propres mains, briser les lourdes chaînes dont il est prisonnier. (M. Stéphane Peu applaudit.)

Si cette résolution était véritablement tournée vers l’avenir, elle devrait encourager l’exécutif à travailler, plus qu’il ne fait déjà, à un cessez-le-feu immédiat en Ukraine et à l’ouverture de négociations, sous l’égide de l’ONU. À ce titre, pourquoi ne pas mobiliser une force d’interposition internationale ?

Nous nous désolidarisons de plusieurs considérants et attendus, notamment en ce qui concerne l’Otan, l’autonomie stratégique européenne et le ton belliqueux employé. Toutefois, nous réaffirmons avec force la souveraineté pleine et entière du peuple ukrainien. Nous devons déterminer collectivement ce que l’Ukraine va faire des territoires disputés et décider s’il y a lieu ou non de l’intégrer à l’Union européenne.

Cette résolution, nous allons tout de même la voter. Nous enverrons, de fait, un signal de solidarité au peuple ukrainien. Mais cela nous oblige à redoubler d’exigence sur les demandes que notre assemblée formule à l’exécutif : il faut que le Parlement présente des propositions fortes et qu’il soit ainsi respecté.
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et SOC, ainsi que sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

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