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Simplifier l’ouverture des débits de boissons en zone rurale -PPL

Cette proposition de loi, que soutiennent les députés communistes et ultramarins, vise à pérenniser un dispositif dérogatoire au droit commun qui a été expérimenté pendant trois ans, entre 2019 et 2022, et qui autorisait, dans les communes de moins de 3 500 habitants, à créer une licence IV par simple déclaration auprès du maire de la commune. Sans cette dérogation, l’ouverture d’un nouvel établissement muni d’une licence IV est interdite par la loi ; une ouverture n’est possible que par transfert, après rachat de la licence à un propriétaire souhaitant s’en défaire.
L’expérimentation de 2019, prévue par l’article 47 de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, répondait au besoin de faciliter la revitalisation des zones rurales. De fait, selon l’Insee, 59 % des communes rurales ne disposent plus d’aucun commerce de proximité et 50 % des habitants de ces communes doivent parcourir environ 2,2 kilomètres pour trouver une boulangerie. Dramatique pour les personnes vieillissantes ou à mobilité réduite, l’isolement décourage les plus jeunes de rester ou de s’installer dans les campagnes. Il y a un siècle, la France comptait 500 000 cafés ; aujourd’hui, il n’en reste plus que 35 000. Sept communes sur dix n’ont pas, ou plus, de bistrot ou de café.
La question du maintien des commerces de proximité en milieu rural ne relève pas d’une simple problématique de développement économique. Il s’agit aussi et surtout d’une question de lien social et de proximité.
Selon le rapport réalisé pour la Fondation de France et publié en février 2024 par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, l’isolement et la solitude constituent de véritables problèmes auxquels sont confrontés les habitants des territoires ruraux. Ce rapport signalait ainsi que les zones rurales économiquement fragilisées par la désindustrialisation et le chômage de masse « comptent parmi les territoires où les relations sociales sont les plus affaiblies ».
Selon un autre rapport, datant de 2019, sur la solitude des personnes âgées en France, la moitié environ des personnes âgées vivant en milieu rural ne sortent pas quotidiennement de leur domicile et un quart d’entre elles passent des journées entières sans parler à personne.
Bien sûr, comme ont pu le dire certains de mes collègues, il ne manque pas que des bistrots dans les petites communes. Il manque des services publics. Il manque des soignants. C’est vrai, mais le débat que nous avons aujourd’hui pour décider si nous favoriserons la création de bistrots dans les petites communes ne confisque en aucun cas celui concernant une présence accrue des services publics et de soignants en tout lieu du territoire, pas plus qu’il ne fait oublier nos revendications en la matière. Favoriser la création de bistrots dans les petites communes n’empêche pas de se mobiliser dans le même temps contre les fermetures de classes.
Cela étant précisé et pour revenir plus spécifiquement à l’objet du texte qui nous occupe, je regrette que nous ne disposions d’une évaluation précise ni pour l’expérimentation conduite entre 2019 et 2022 (M. Gérard Leseul applaudit) ni pour le programme 1 000 cafés. Également mis en œuvre en 2019, ce dernier visait à développer des cafés en zones rurales selon les modalités de l’économie sociale et solidaire.
Enfin, le texte ne reprend pas l’interdiction de transférer les licences au-delà de l’intercommunalité, disposition pourtant prévue dans le cadre de l’expérimentation pour éviter la « fuite » des licences IV hors des petits villages ou petites villes vers des agglomérations plus denses et dynamiques. Si nous entendons véritablement soutenir la revitalisation des petites communes rurales sur le long terme à travers cette proposition de loi, elle doit comporter une telle mesure de protection. Pour le dire autrement, assouplir le dispositif encadrant la création d’une licence IV dans les zones rurales est une bonne chose, à condition d’aller jusqu’au bout de la logique en permettant à la commune de garder la main sur cette licence. Tel est le sens des amendements que nous défendrons au cours du débat à venir.
Très attachés à tout ce qui favorisera le développement des territoires ruraux, les députés communistes et ultramarins voteront en faveur de la proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)

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