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Sécurité publique

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi est présenté comme une réponse au mouvement de protestation des policiers qui a débuté à l’automne dernier, à la suite de la dramatique agression de quatre d’entre eux à Viry-Châtillon.
Notre groupe tient d’abord à saluer le travail des forces de l’ordre, particulièrement éprouvées depuis les attentats et la mise en œuvre de l’état d’urgence. Il souhaite rendre hommage à leur dévouement au service de nos concitoyens.
Ce projet de loi, qui a été élaboré dans un contexte particulier et difficile, fait aujourd’hui l’objet d’un examen en procédure accélérée, à quelques jours de la fin de la législature. Je ne suis pas sûr que cela favorise un débat suffisamment éclairé, sachant aussi que les principales revendications des forces de l’ordre sont avant tout matérielles et salariales.
Cela étant précisé, j’en viens au fond du texte.
La première évolution concerne l’élaboration d’un cadre commun d’usage des armes pour les policiers, les gendarmes, les douaniers et les militaires déployés sur le territoire national pour exercer des missions de sécurité intérieure.
Nous nous interrogeons sur l’utilité et la portée de cette mesure puisque la jurisprudence nationale et européenne a déjà considérablement unifié le régime applicable à la police et à la gendarmerie, en exigeant en particulier que soient réunis les critères d’absolue nécessité et de proportionnalité, quel que soit le cas de recours aux armes. L’Union syndicale des magistrats, dans ses observations sur le projet de loi, rappelle d’ailleurs que le droit jurisprudentiel en matière de légitime défense « est empreint des notions de nécessité absolue et de proportionnalité applicables indistinctement aux policiers et aux gendarmes. Ainsi, la différence de régime juridique apparaît purement théorique et dépourvue d’incidence pratique ».
De même, la mission indépendante de réflexion sur la protection fonctionnelle des policiers et des gendarmes présidée par Mattias Guyomar et instituée en juin 2012 conclut que « les critères de la légitime défense priment finalement la question du respect des cas légaux d’ouverture du feu puisque, quoi qu’il en soit du respect du cadre légal, l’atteinte à la vie doit toujours, sous le contrôle des juges, être strictement proportionnée à la menace qui la justifie ».
J’ajoute que l’extension de l’usage des armes par les forces de l’ordre a fait l’objet de plusieurs initiatives parlementaires ces dernières années, qui ont toutes été rejetées, le Gouvernement considérant alors, au regard des jurisprudences convergentes et constantes de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de cassation, que l’harmonisation était déjà réalisée, de fait, dans l’ordre juridique français.
À vrai dire, le dispositif proposé n’apporte pas de protection supplémentaire mais il pourrait donner l’illusion aux policiers qu’ils pourraient user plus facilement de leurs armes alors même que les principes de la légitime défense, absolue nécessité et proportionnalité, resteront primordiaux.
Enfin, pour notre part, nous sommes opposés à toute extension à des fonctionnaires de police municipale, police nationale et police municipale ayant des missions diamétralement différentes. C’est pourquoi nous sommes satisfaits que la commission des lois ait supprimé une disposition introduite par le Sénat et qui allait dans ce sens.
La deuxième évolution proposée vise à protéger l’identité des agents de la police et de la gendarmerie lorsque sa révélation constitue un danger pour eux-mêmes ou pour leur famille. Alors que l’anonymat est aujourd’hui limité aux questions de terrorisme et aux unités spécialisées, il sera étendu à de nombreuses procédures. Or, selon une jurisprudence constante de la CEDH sur le respect des droits de la défense, imposé par le troisième paragraphe de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’anonymat des témoins appartenant aux forces de l’ordre doit répondre à des exigences de nécessité et de proportionnalité et ne doit être utilisé que dans des circonstances exceptionnelles.
L’autorisation de l’anonymat sera délivrée par un responsable hiérarchique d’un niveau suffisant, défini par décret. Comme le souligne le défenseur des droits, « cela constitue un changement majeur par rapport à l’autorisation actuellement délivrée en matière de terrorisme, qui relève du procureur général près la cour d’appel de Paris. Ici, l’autorisation sera seulement communiquée au parquet. En outre, la qualité du responsable hiérarchique reste à définir par décret ».
Là aussi, nous sommes dubitatifs. Les conditions de délivrance de l’autorisation par un supérieur hiérarchique et l’étendue du champ d’application de cette mesure permettront-elles réellement de garantir le caractère exceptionnel de l’anonymat qu’exige le respect des droits de la défense ? Je serais heureux de vous entendre sur ce point précis, monsieur le ministre.
Le texte propose par ailleurs de doubler les peines encourues en cas d’outrage à toute personne dépositaire de l’autorité publique, en les alignant sur celles qui sont prévues en cas d’outrage à magistrat. L’objectif de cette mesure, adoptée au Sénat, est la protection et le respect des forces de l’ordre. Cependant, comme l’a précisé la mission présidée par Hélène Cazaux-Charles, le taux de réponse pénale pour les outrages atteint déjà 95,5 % : on peut s’interroger sur l’utilité d’une telle disposition.
Nous sommes par ailleurs défavorables à la réduction du nombre d’assesseurs dans la composition de la cour d’assises spéciale et réservés quant à l’élargissement des prérogatives des agents de surveillance de l’administration pénitentiaire.
En revanche, nous approuvons l’expérimentation tendant à la création d’un volontariat militaire d’insertion et nous saluons l’expérimentation d’une double prise en charge des mineurs en danger par l’aide sociale à l’enfance et la protection judiciaire de la jeunesse, qui permet de réaffirmer la possibilité pour la PJJ d’intervenir en assistance éducative.
Pour conclure, compte tenu de l’ensemble de ces réflexions, réserves et interrogations, les députés du Front de gauche s’abstiendront sur ce projet de loi, à condition toutefois, bien sûr, que l’équilibre du texte tel qu’il est issu de la commission des lois ne soit pas remis en cause à l’issue de nos travaux.

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Marc
Dolez

Député du Nord (17ème circonscription)
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