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Santé : médicament (ratification de l’ordonnance n° 2007-613)

Monsieur le Président, Mme la Ministre, Mes Chers collègues,
Ce projet de loi vise à transposer dans le droit français 5 directives européennes portant sur un sujet essentiel : la qualité et la sécurité des produits de santé.
D’apparence technique, ces directives recouvrent des sujets importants. Si elles comportent un certain nombre d’avancées réelles, elles suscitent également des interrogations sur certains points fondamentaux auxquelles, je l’espère, nos débats permettront de répondre. Je pense notamment à la question de la délivrance des autorisations de mise sur le marché des médicaments vétérinaires.
Les objectifs de l’ordonnance que vous nous proposez de ratifier par l’adoption de l’article 1 sont, il faut le reconnaitre, tout à fait légitimes.
Il s’agit de rattraper le retard de la France en la matière vis-à-vis des autres pays membres de l’Union Européenne et d’éviter, avec la mise en place de ces normes, un recours en manquement devant la Cour de Justice des Communautés Européennes.
Il s’agit surtout de renforcer la qualité et la sécurité des produits de santé. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Je pense par exemple aux mesures prises pour renforcer les contrôles sur les produits d’origine humaine et sur les établissements qui les gèrent. Ces dispositions devraient, à condition que l’on y mette les moyens nécessaires, permettre de mieux prévenir d’éventuelles infections.
Je me félicite également du renforcement des sanctions en cas de non-respect du droit relatif à la conservation et la délivrance des produits sanguins labiles et de la nouvelle classification des substances et préparations chimiques, qui prend mieux en compte les risques allergisants et toxiques pour l’homme.
Je note également une clarification des critères de refus, suspension ou modification des AMM et parmi eux, la mesure du rapport bénéfice-risque.
On peut regretter cependant, que cette dimension ne soit toujours pas prise en compte pour la délivrance initiale des AMM.
Il est également regrettable que les contrôles post-AMM ne soient pas renforcés et plus fréquents.
Lors des débats sur la loi du 26 février dernier, dont ce texte est la suite logique, j’avais fait part de nos inquiétudes sur deux points :

  •  l’assouplissement des conditions de délivrance initiale des AMM au détriment d’un renforcement des contrôles de pharmacovigilance
     
  •  et les dispositions permettant au gouvernement de légiférer par ordonnance.
    Force est de constater que ces préoccupations restent, malheureusement, d’actualité.
    En effet, je constate que certains critères ne sont toujours pas pris en considération pour la délivrance des AMM. Je pense notamment à la « valeur thérapeutique ajoutée », qui favoriserait la recherche et l’innovation.
    J’en viens maintenant au contenu précis de l’ordonnance concernant la délivrance des AMM.
    Plusieurs dispositions posent problème.
    Tout d’abord, l’article 31 prévoit qu’une AMM initiale soit délivrée pour 5 ans par l’Afssaps, elle prévoit également que cette AMM pourra être renouvelée pour une durée illimitée, de surcroit, dans des conditions que nous ignorons puisque fixées par décret en Conseil d’Etat.
    Cette disposition m’apparait contradictoire avec le renforcement des normes de sécurité et de qualité prévues par les directives.
    Certes, l’Afssaps peut décider de procéder à une réévaluation des effets thérapeutiques du médicament. Mais ne serait-il pas plus pertinent, toujours dans le but d’assurer qualité et sécurité des produits pharmaceutiques, qu’une réévaluation soit réalisée, sinon de manière systématique, au moins après un certain délai ?
    Attribuer des autorisations de mise sur le marché illimitées dans le temps ne me paraît, ni efficace, ni sécurisant. Quelle entreprise en effet, procèdera d’elle-même, par volontarisme et soucis de la santé publique, à des contrôles si le médicament en question dispose d’une AMM illimitée ? C’est évidemment illusoire.
    Par ailleurs, ces contrôles devraient également prendre la forme d’études comparatives afin de définir les molécules les plus performantes dans le cadre d’avancées thérapeutiques et d’éviter ainsi la profusion de médicaments bénéficiant d’une AMM injustifiée, soit parce que de nombreuses spécialités existent dans la même classe thérapeutique, soit parce qu’ils ne présentent aucune vertu thérapeutique nouvelle.
    Ne pas limiter les AMM dans le temps, c’est permettre la mise en concurrence sur le marché, de produits devenus obsolètes, avec d’autres, plus performants.
    Vous le savez, Madame le Ministre, les médicaments ne sont pas des marchandises comme les autres. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous légiférons aujourd’hui.
    Aussi je trouve anormal d’offrir un chèque en blanc aux grandes industries pharmaceutiques qui, bien évidemment, ne placent pas les considérations de santé publique dans leurs objectifs prioritaires. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement ayant pour objet de réviser l’AMM tous les cinq ans.
     
    Dans le même esprit, l’article 32 de l’ordonnance nous préoccupe. Il permet l’attribution d’une AMM dite « provisoire », dans des circonstances « exceptionnelles ». Si l’on peut concevoir une telle dérogation, il faut tout de même mesurer qu’elle ouvre une sérieuse brèche dans les garanties de qualité et de sécurité que l’on est en droit d’attendre.
    En effet, certains médicaments pourront être mis sur le marché sans que tous les critères définis par la loi ne soient respectés ou vérifiés… C’est sans doute un cadeau apprécié des entreprises pharmaceutiques mais assurément pas une avancée pour la santé publique !
    Mme la Ministre, je pense sincèrement que ces renouvellements illimités et ces délivrances d’AMM provisoires, traduisent un manque de rigueur qui peut s’avérer dangereux.
    Concernant les autres articles du projet de loi :
    A l’article 1 bis, il nous est demandé de vous autoriser à légiférer par ordonnance. Je conçois parfaitement qu’il faille gagner du temps vu l’agenda chargé du parlement. Il reste que cette pratique est très contestable et qu’elle ne doit pas devenir la règle pour la transposition des directives européennes comme pour tout autre sujet.
    Les citoyens sont conscients du fait que les normes, les directives, les traités européens ont des conséquences sur leur vie quotidienne et que les moyens démocratiques dont ils disposent pour influer sur ces politiques sont insuffisants.
    Alors qu’avec vos amis du gouvernement, vous continuez de refuser d’organiser un référendum sur le traité modificatif pour leur permettre de s’exprimer, vous demandez maintenant à leurs représentants au parlement de renoncer à discuter les directives européennes de manière approfondie. C’est beaucoup Mme le Ministre…
    Nous ne pouvons que voter contre cet article 1 bis.
    J’en viens maintenant à la question du système de récolte et de redistribution des médicaments non utilisés via l’association Cyclamed.
    Si l’Etat a choisi de mettre en place un tel système, il n’en a malheureusement assumé ni le financement, ni le fonctionnement.
    Il s’est déchargé de cette mission sur des associations, financées pour la plupart par les laboratoires privés, et leurs activités ont cohabité sans réelle coordination, sans cohérence.
    Faute d’une mission de service public, ce système n’a pas répondu aux objectifs fixés, tant environnementaux que d’aide aux pays en difficulté.
    En effet, selon l’OMS et le Haut Commissariat aux réfugiés, le tri de ces médicaments n’est pas toujours réalisé correctement. Ils peuvent donc présenter des risques pour les populations concernées. Ils sont, de surcroit, souvent inadaptés aux pathologies rencontrés dans les pays destinataires.
    Non utilisés, ils doivent être détruits par un procédé spécifique d’incinération ce que, faute de moyens, les pays destinataires ne peuvent prendre en charge. 
    Il semble donc que ce système ne soit pas adapté aux besoins recensés.
    L’article 6 de ce projet de loi envisage de prolonger le délai prévu pour sa suppression.
    Si cette disposition est contestable et ce système inadapté, nous ne pouvons pour autant nous contenter de sa simple suppression.
    Nous pensons que le gouvernement devrait proposer de travailler, en concertation avec les associations, organisation et citoyens mobilisés sur ces actions de solidarité, les bases d’un autre système qui permettrait de maintenir une collecte des MNU et qui instaurerait un tri efficace, en fonction de leur date de péremption et de leur pertinence vis-à-vis des pathologies des populations qui en sont les destinataires.
    Telles sont, Mme la Ministre, mes chers Collègues, les remarques et propositions que je voulais formuler sur ce texte.
    Ainsi, s’il contient d’indiscutables avancées, des insuffisances fortes persistent. Notre vote sur l’ensemble sera déterminé à la lumière des débats et des amendements adoptés.
     
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Jacqueline
Fraysse

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