La justice des mineurs manque cruellement de moyens, non d’autorité. Du reste, le titre même du texte dont nous débattons se fonde sur des données faussées et des arguments démagogiques, très éloignés des réalités de la jeunesse – y compris des jeunes en conflit avec la loi. Le nombre de mineurs mis en cause dans le cadre d’une procédure pénale diminue depuis plusieurs années. Et la justice des mineurs n’est pas laxiste, non ! Les peines sont non seulement plus fréquentes, mais plus sévères ; on dénombre désormais environ 800 mineurs incarcérés, contre 700 aux cours des dernières années. Les faits graves commis par des mineurs, qui plongent dans une indicible douleur des familles endeuillées, sont rares et déjà condamnés avec sévérité. Comment éviter ces faits graves ? Telle est la question qui nous est posée. Rappelons qu’en 2023, sur plus de 179 000 adolescents poursuivis, 178 ont été condamnés pour crime, par une cour d’assises des mineurs.
J’ai entendu répéter que la jeunesse devenait de plus en plus violente. Que la violence soit de moins en moins tolérée par la société constitue une bonne nouvelle ; reste que la délinquance des mineurs n’est pas plus violente qu’auparavant. Sans remonter à 1945, où la criminalité était extrêmement importante, regardons les chiffres des dernières années : le nombre de mineurs mis en cause dans des affaires violentes a été de 20 171 en 2023, contre 23 583 en 2018. Voilà les faits, sur lesquels nous devrions nous pencher avant d’aborder la question de la jeunesse délinquante ! Seulement, ces chiffres ne peuvent pas servir l’offensive réactionnaire contre les droits des enfants qui, sous prétexte d’un laxisme judiciaire, vise à faire primer le répressif sur l’éducatif, sur l’excuse de minorité, sur le principe de relèvement ; une offensive réactionnaire qui appelle à juger les enfants comme des adultes, au risque d’une répétition de la violence.
De plus, la prévention et la protection de l’enfance sont largement sous-dotées. De tous les départements monte un cri d’alarme : faute de moyens humains et financiers, au moins 3 335 mesures de placement ne sont pas exécutées, sans parler de celles qui le sont mal, ni plus généralement des problèmes de la jeunesse. Je pense en particulier à la santé psychique : le nombre de suicides commis par des jeunes explose dans notre pays ! Voilà ce à quoi il faudrait s’attaquer, y compris pour faire diminuer la violence. Mais c’est vrai, monsieur Attal,…
Mme Dominique Voynet
Il est parti se coucher !
Mme Elsa Faucillon
…quoi de mieux qu’un texte démagogique et simpliste pour répondre à un problème complexe ? Non seulement vous ne vous êtes pas attaqués aux vrais problèmes, mais vous avez acté à l’été 2024, alors que vous étiez premier ministre démissionnaire, la suppression de 500 postes du personnel socio-éducatif au sein de la protection judiciaire de la jeunesse.
Dans votre exposé des motifs, vous faites référence à une séquence particulièrement triste pour notre pays, qui a commencé par le meurtre d’un enfant, Nahel. Les discours politiques sur ce drame ont été émaillés de nombreux stéréotypes, pourtant démentis par les chiffres ministériels relatifs aux révoltes de juin 2023. Je relève aussi que, lorsque les enfants délinquants sont ceux de ministres, on plaint les parents ;…
M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Où avez-vous vu ça ?
Mme Elsa Faucillon
…lorsqu’il s’agit de familles populaires, on les fustige, au lieu de les accompagner. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Hervé Saulignac et Mme Dominique Voynet applaudissent également.)
L’ordonnance de 1945, que vous ne cessez de démonter, était d’une modernité et d’une intelligence incroyables.
M. Hervé Saulignac
Elle a raison !
Mme Elsa Faucillon
Elle a permis de faire reculer la criminalité des jeunes. Vous scandez le mot de fermeté, alors que vous organisez l’inefficacité de la justice et la récidive. Vous instrumentalisez les drames – seulement certains, d’ailleurs, car les suicides survenus dans des foyers de l’ASE ne suscitent de votre part aucune réaction ; vous continuez sur la même lancée. Ne tentez pas de vous draper de responsabilité : face aux drames qui touchent les jeunesses de notre pays, vous êtes irresponsables !
J’espère vraiment que, de même que la commission a supprimé les articles 4 et 5 de la proposition de loi, nous en éliminerons, à la faveur de nos débats dans l’hémicycle, les dispositions non seulement démagogiques…
Mme Liliana Tanguy
C’est vous la démagogue ! Sur quoi vous fondez-vous ?
Mme Elsa Faucillon
…mais dangereuses pour les jeunesses de notre pays, c’est-à-dire les articles 1er, 2 et 3. Bien évidemment, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine se battra contre ce texte, et votera contre. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)