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Respect des principes de la République

Conforter le respect des principes de la République, c’est une ambition que les députés communistes ne peuvent que partager. Je profite toutefois de ces quelques minutes pour vous faire part de notre déception, non tant devant ce que contient ce texte que devant ce qu’il ne contient pas.

Nous sommes déçus parce que, dans son discours des Mureaux, le Président avait su diagnostiquer avec justesse certains des grands maux de notre République et ouvrir des pistes sérieuses pour réparer, soigner, guérir. Nous ne retrouvons pas cette inspiration dans un projet de loi qui, en traitant les effets et non les causes, passe à côté de l’essentiel. Ce faisant, vous risquez d’ouvrir la porte à une dangereuse exploitation de ce beau débat par ceux dont le dessein est de faire de la laïcité un instrument d’exclusion et de discrimination, alors qu’elle garantit au contraire, par une stricte séparation entre institutions publiques et organisations religieuses, l’exercice des libertés essentielles de conscience et de culte, ainsi que l’égalité de tous devant la loi, sans distinction de croyance ou de convictions.

Nous contestons d’autant moins la nécessité d’affermir ce principe de laïcité qu’il fut inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946, ensuite intégré au bloc constitutionnel de 1958, sous l’impulsion du député communiste Étienne Fajon, futur directeur de L’Humanité, et concrétisé au sein du statut de la fonction publique grâce aux ministres communistes Maurice Thorez à la Libération puis Anicet Le Pors en 1983. Notre attachement à la laïcité vient de loin ; il n’est pas le fruit d’une conversion subite. Il ne nous fait pas perdre de vue le fait que notre pacte républicain repose sur plusieurs grands principes inscrits à l’article 1er de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. » Les auteurs d’un texte équilibré se seraient attachés à renforcer tous ces principes : or ce projet de loi bancal manque l’objectif affiché d’une loi protectrice de la République.

Prenons le temps de nous remémorer les propos souvent cités, rarement entendus, de Jean Jaurès : « La République doit être laïque et sociale mais restera laïque parce qu’elle aura su être sociale ». Oui, le péril est grand, mais faute de soins apportés à nos quartiers, où nous avons laissé croître la ségrégation sociale, faute de mixité, faute d’une école de la République qui assure partout sa mission, afin que, selon la formule de Proudhon, « sur la tête de l’enfant viennent converger tous les rayons de l’esprit humain ».

Ils ne sont pas des territoires perdus de la République mais, trop souvent, des territoires abandonnés par elle : j’en suis témoin chaque jour en Seine-Saint-Denis.

Le projet séparatiste de quelques-uns, s’il n’a aucune excuse, se nourrit d’autres séparatismes, de ruptures d’égalité. Dans mon département, un élève de l’école publique, entre le cours préparatoire et la troisième, aura passé sans enseignant l’équivalent d’une année scolaire : je vous assure qu’une telle situation contribue plus puissamment que bien des discours séparatistes à discréditer l’école publique.

Pourtant, les salariés de Seine-Saint-Denis, c’est-à-dire la France qui se lève tôt et qui travaille dur, comptent parmi les premiers contributeurs à la sécurité sociale de notre pays. Leur département occupe le troisième rang en matière de TVA perçue, ce qui fait de lui l’un des principaux producteurs de la richesse nationale. En contrepartie, il s’y trouve moins de tout : moins de policiers, moins de magistrats, moins d’enseignants, moins de médecins que partout ailleurs sur le territoire national ! (M. Alexis Corbière applaudit.)

Que dire de la crise sanitaire ? Comment les habitants peuvent-ils comprendre la République et sa promesse d’égalité lorsqu’ils découvrent que leur mortalité a augmenté plus fortement que dans tout autre département, et qu’ils comptent cependant trois fois moins de lits de réanimation par tête ? Ayons le courage de le reconnaître : il existe un séparatisme des conditions, une ségrégation sociale et territoriale, lorsque certains quartiers ont tout et d’autres rien. En 1999, Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’intérieur, nous alertait sur la dégradation de la mixité sociale en Île-de-France. Vingt-deux ans plus tard, tout indique que la situation a largement empiré : c’est désormais un véritable apartheid social qui fragilise notre pacte républicain et voit prospérer les promoteurs du séparatisme. Nous ne les combattrons pas efficacement tant que nous n’aurons pas résolu cette question. C’est elle que votre texte aurait dû traiter si vous aviez réellement voulu conforter les principes d’une République laïque et sociale. En ce début d’examen de ce projet de loi, il nous importait d’en souligner le caractère déséquilibré, qui répond bien peu aux espoirs suscités par le discours du Président de la République aux Mureaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.)

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