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Discussions générales

Réseau culturel de la France à l’étranger

François ASENSI
Monsieur le Président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avec plus de 1500 implantations, de statut public et privé, la France dispose d’un outil unique au monde pour valoriser notre langue et nos œuvres, au service de la diversité culturelle.
Je me félicite aujourd’hui de notre débat sur ce réseau, à l’initiative du groupe RRDP, à la suite du remarquable rapport publié en décembre 2013 par nos collègues François Loncle et Claudine Schmid.
Pour les députés du Front de gauche, ce débat est nécessaire à plus d’un titre.
Tout d’abord, je voudrais dire un mot sur les récentes réformes inachevées et globalement décevantes.
Dans le cadre de la RGPP, une première étape engagée en 2009 a vu la fusion des services de coopération et d’action culturelle, les SCAC, et des établissements à autonomie financière, les EAF, avec un gain incontestable en matière de lisibilité et de pilotage, même s’il a suscité des difficultés pour les agents et s’il s’est inscrit dans un objectif de baisse des dépenses.
Concernant la loi sur l’action extérieure de 2010, notre groupe a regretté un rendez-vous manqué. Le rattachement expérimental à l’Institut français était voué à l’échec, avec la confusion des missions, la perte de la défiscalisation et le coût de la réforme.
Aujourd’hui, l’Institut français réclame une redéfinition de ses missions. Des pistes intéressantes sont proposées par la Cour des comptes, comme le renforcement des saisons culturelles et des actions menées avec plusieurs postes du réseau.
Pour autant, je crois que nous sommes nombreux à convenir qu’après ces réformes multiples et parfois peu cohérentes, le temps est venu de la stabilité.
Tâchons désormais d’améliorer la vision et le pilotage. Je souscris pleinement à l’idée de renforcer le pilotage interministériel.
J’en viens au budget famélique dédié à ce réseau.
Le ministère des affaires étrangères a subi plus que d’autres une véritable saignée budgétaire depuis les années 1990. Ce constat est encore plus accablant pour le réseau culturel, avec 7 % de crédits de fonctionnement en moins depuis 2007 et une chute de 25 % des crédits d’intervention. En écho au cri d’alarme lancé par Bernard de Montferrand en 2010, l’effort de la France s’est affaissé à 190 millions d’euros, contre 288 millions pour le Goethe Institut et 242 millions pour le British Council.
Comment ne pas percevoir une forme d’incohérence entre des ambitions affichées au plus haut niveau et des moyens de plus en plus limités ?
Il n’est pas possible d’aller plus loin dans ces restrictions budgétaires, sauf à renoncer à l’universalité de notre réseau ou à faire de nos antennes culturelles de simples guichets de vente au service d’une vision purement marchande de notre culture.
L’effort de rationalisation auquel appelle le rapport de la Cour des comptes n’est que l’autre face de cette politique d’austérité qui menace notre réseau. Je regrette que le rapport se borne à défendre le statu quo budgétaire alors qu’il faudrait dégager de nouveaux moyens.
Pour terminer, je regretterai le manque de vision de notre politique culturelle à l’étranger.
La politique extérieure de la France a toujours été liée à la diffusion de ses arts et de ses idées hors des frontières. C’était notre manière de peser sur la conduite des affaires du monde.
De cette ambition culturelle et politique, qui au cours de l’histoire a été tantôt aliénante, tantôt émancipatrice, que reste-t-il aujourd’hui ?
Au nom d’une doctrine peu consolidée de la « diplomatie d’influence », la culture se voit rabaissée à un simple véhicule des intérêts économiques de nos multinationales. Nombre des préconisations abordées aujourd’hui sont imprégnées de cette vision utilitariste et court-termiste de la compétition économique de tous contre tous, qui a pourtant mené à la crise actuelle du capitalisme financier.
Conséquence de cette vision, les missions de service public du réseau culturel vont s’éroder à mesure qu’il devra faire appel à des sources de financement privées pour pallier le désengagement de l’État.
Nous sommes tout aussi inquiets des perspectives de fermeture d’antennes du réseau culturel. Qu’il faille s’adapter à l’émergence de nouvelles puissances, c’est une évidence, mais cela ne doit pas conduire à sacrifier la francophonie. Nous refusons que l’Afrique soit délaissée au motif de son faible niveau de développement économique, car ce continent, berceau de l’Humanité, représente aussi son futur.
Pour les députés communistes et du Front de gauche, le réseau culturel français, riche du dévouement et du professionnalisme de ses agents, doit contribuer à un monde multipolaire et créer les conditions du dialogue entre les cultures, au service d’un projet de paix et de progrès.
André CHASSAIGNE
Question : Réduction budgétaire
Madame la secrétaire d’État, je pose cette question au nom de M. François Asensi, qui ne pouvait rester jusqu’à la fin de ce débat.
Les récentes réformes intervenues dans le sillage de la révision générale des politiques publiques et des réductions budgétaires ont touché de plein fouet les agents du réseau culturel.
Je tiens à saluer ici leur travail remarquable et à relayer leurs inquiétudes.
Entre 2008 et 2012, les effectifs ont baissé de plus de plus de 20 %. C’est considérable ! Au sein des postes culturels, la précarité s’est renforcée, tout comme le recours aux agents contractuels. Les recrutés locaux demeurent dans une situation défavorable. Le rapport dont nous débattons note d’ailleurs « la rotation importante de certains personnels » au détriment de la cohérence des projets.
Plus fondamentalement, il existe un malaise lié à l’avenir du réseau culturel qui se trouve menacé par les restrictions budgétaires.
Le 21 avril dernier, une large partie des personnels de l’Institut français s’est mise en grève en raison de la dégradation de ses conditions de travail et de l’absence de visibilité sur les missions de l’établissement.
À l’étranger, les redéploiements envisagés ou à venir de certaines antennes culturelles suscitent un émoi légitime : Venise, Porto, Groningue, Dresde, Praia… Le chiffre d’une vingtaine de fermetures a été évoqué, particulièrement en Europe, alors même que l’affaissement du projet européen nécessite une présence continue. La tentation est grande de se reposer sur les Alliances françaises, qui sont de droit privé, pour exercer cette mission essentielle. La Cour des comptes évoque même un « substitut du réseau culturel public ».
Madame la secrétaire d’État, quelles réponses apportez-vous face à ces inquiétudes ? Confirmez-vous les fermetures d’antennes envisagées et, dans cette hypothèse regrettable, quelles seront les garanties de reclassement pour les agents et les recrutés locaux des centres menacés ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Comme je l’ai dit tout à l’heure, monsieur le député, le réseau s’adapte de manière constante en fonction des priorités politiques et thématiques qui conduisent notre politique d’influence et de coopération. C’est pour cette raison, en particulier, que nous adaptons notre dispositif en Europe.
Cela se traduit, certes, par la fermeture de quelques antennes – un peu plus d’une dizaine d’ici à 2017. Il ne s’agit cependant pas de suppressions, mais d’adaptations au sein d’un même pays.
Cette démarche permet également de redéployer des moyens humains dans les zones géographiques prioritaires, notamment dans les pays émergents. Des mesures adaptées sont prévues pour accompagner les agents locaux concernés par les fermetures.
L’essentiel, nous en conviendrons tous, est de conserver un réseau mobile et réactif qui utilise tous les atouts : agents, antennes culturelles, alliances françaises, mais aussi, comme l’a indiqué M. François Loncle, tous les amoureux de la culture et de la langue françaises.
Pour répondre à votre préoccupation, il est donc important de redire que, si des fermetures sont prévues, elles s’accompagnent de redéploiements dans une même zone géographique.

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