Comme le rappellent les auteurs de cette proposition de loi, le rapport publié par l’Observatoire national des violences en milieu de santé en novembre 2022 recense, pour l’année 2021, pas moins de 19 328 actes de violence. Plus de la moitié de ces actes relèvent de violences physiques ou de menaces avec arme et près de 30 % concernent des insultes ou des injures. Nous partageons sans aucune réserve l’indignation suscitée par ces violences. Nous exprimons notre pleine solidarité avec les personnels soignants victimes d’agressions inacceptables. Il est insupportable que ceux qui soignent ou qui participent au système de soins soient eux-mêmes exposés à la violence, dans l’exercice même de leur mission d’intérêt général.
Cependant, nous sommes en désaccord avec les auteurs de la proposition de loi quant aux causes de ces violences et, par conséquent, quant aux mesures à prendre. Le texte propose une explication unique : le manque de fermeté. Selon cette logique, la crise que traversent les services de santé serait avant tout une crise d’autorité. Il suffirait donc de durcir les sanctions, de renforcer l’arsenal répressif du code pénal, pour dissuader les individus de passer à l’acte. Cette approche repose sur la représentation selon laquelle l’individu calculerait rationnellement les coûts et les bénéfices d’une agression avant de la commettre. Balivernes ! Le rapport de l’ONVS le montre clairement, les violences naissent d’abord de situations de tension systémique. En 2021, le principal déclencheur d’agressions, lié à 51,4 % des cas, réside dans la prise en charge du patient.
Cette catégorie inclut les reproches touchant à la qualité ou à la rapidité de la prise en charge, ou encore les comportements violents de patients en état de détresse. Le deuxième motif recensé est le refus de soins dits de nursing – des soins d’hygiène et de confort, distincts des soins médicaux. Cette situation met en évidence l’épuisement professionnel croissant du personnel ainsi que le manque de personnel, mentionné dans plus de 20 % des déclarations. Enfin, le troisième facteur d’agression est le temps d’attente jugé excessif, notamment dans les services d’urgences. Ces faits ne pointent pas vers une crise d’autorité, mais bien vers une crise du système de santé lui-même.
Je le répète, nous, députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, condamnons les violences – toutes les violences – subies par le personnel soignant et non soignant. Je ne parle pas seulement de la violence physique ou verbale visée par le texte, celle qui apparaît au grand jour, mais aussi de la violence sociale, celle qui s’évanouit dans l’obscurité des bureaux, celle qui supprime des maternités, des postes et des lits d’hôpitaux d’un simple trait de plume. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Le texte n’en dit pas un mot. C’est bien dommage, car c’est d’elle que naissent la plupart des maux touchant les soignants.
Nous partageons la volonté affichée d’envoyer un message de soutien aux soignants. Je tiens à faire une petite incise ô combien révélatrice de la situation globale. La plus grande clinique privée du département du Cher, située au cœur de ma circonscription, appartient au groupe Elsan, qui gave ses actionnaires, notamment les fonds de pension nord-américains. Les personnels soignants et non soignants, épuisés, doivent se battre pour obtenir une juste rémunération. Tous les bénéfices remontent vers le groupe Elsan et rien vers celles et ceux qui triment sans relâche pour l’accueil et la prise en charge de patients – je pense notamment à l’oncologie.
La direction de cette clinique est si inflexible qu’elle met en péril des vies, retardant des interventions chirurgicales urgentes, accusant les personnels en grève de provoquer le chaos. C’est cela, la réalité de notre système de santé !
Une fois ce texte voté, qu’est-ce qui changera réellement dans la vie quotidienne de nos soignants ? Certes, le dépôt de plainte sera plus facile, mais à part cela, rien. Les établissements de santé seront toujours sous tension, les équipes toujours aussi épuisées et les patients sujets à des attentes interminables dans des couloirs surchargés.
Cette situation risque de perdurer au vu des annonces du gouvernement pour le prochain budget : 40 milliards d’économies sans toucher aux recettes.
L’année blanche dont la petite musique commence à tintinnabuler signifierait une perte de 8 à 10 milliards d’euros pour la santé. Ce serait un véritable massacre pour les malades et pour les personnels. Face à cette chronique d’une déliquescence annoncée, notre seule certitude est que l’avenir du monde du soin se jouera lors du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Dans ces conditions, la présente proposition de loi n’aura pas la portée attendue et relève surtout du symbole. Pour ces raisons, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine n’approuvera ni ne s’opposera à ce texte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Discussions générales
Renforcer la sécurité des professionnels de santé
Publié le 25 juin 2025
Nicolas
Sansu
Député
de
Cher (2ème circonscription)