Interventions

Discussions générales

Renforcement droits, protection et information des consommateurs

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ma première interrogation en découvrant ce projet de loi dédié aux consommateurs a porté sur son intérêt, sur son apport palpable dans le contexte actuel, dans le quotidien du peuple de France. Quelle est son utilité réelle, alors même que l’actualité est à l’envolée du chômage et de la pauvreté, au surendettement des ménages, au renforcement de la grande précarité ?
Qu’apporte-t-il concrètement pour les Françaises et les Français, alors même que la politique du Gouvernement a conduit à un véritable gel des bas salaires et à une diminution programmée des retraites, pourtant déjà inférieures au seuil de pauvreté pour plus d’un million de nos aînés ?
Ce projet de loi aborde-t-il sur le fond la question du droit à l’énergie, alors que la facture énergétique de nos concitoyens a connu une hausse de 12 % en un an, alors que les loyers des plus modestes ont bondi de 40 % en dix ans, et que les prix des produits alimentaires connaissent des augmentations à deux chiffres ?
Bien sûr, on peut répondre en se disant qu’il n’y a pas d’efforts inutiles et qu’à l’image de Sisyphe, vous vous faites les muscles, monsieur le ministre ! Mais n’y a-t-il pas quelque indécence à vouloir apporter, en réponse à ces phénomènes d’une ampleur inégalée, des mesures si dérisoires au regard des attentes des Français ? Car, il faut bien le dire, les besoins des populations sont énormes, et les décisions à prendre doivent être à la hauteur !
Certes, prendre l’angle du seul consommateur pour légiférer est une astuce bien pratique pour les gouvernements : au lieu d’augmenter les revenus et les salaires, on prétend faciliter la consommation en favorisant une « meilleure information » ou en rationalisant les prix.
Vous me permettrez, monsieur le ministre, de démonter cette mécanique.
D’une part, le consommateur considéré comme un « homo economicus » est, la plupart du temps, captif. La rationalisation des prix et une bonne information ne modifient qu’à la marge la consommation, tant les consommateurs sont dépendants d’un certain nombre de biens de consommation courante. C’est le miroir aux alouettes de la société marchande, cette société qui fabrique les goûts, les envies, les désirs, de façon à ce que les consommateurs « courent vers leur servitude comme s’il s’agissait de leur salut », pour reprendre une formule de Spinoza.
D’autre part, en refusant toute augmentation des revenus et en ne s’attaquant pas aux mécanismes de fabrication des prix, on laisse intacts les marges et les profits des grands groupes, particulièrement ceux de la grande distribution ou de l’industrie agroalimentaire.
Légiférer pour les seuls consommateurs, c’est nier l’existence de rapports de force au sein du processus de production, et faire comme si chaque acteur économique, atomisé, en était réduit à faire de petits calculs coûts-avantages ! Nous avons bien là, malheureusement, la confirmation de ce cri de Philippe Kourilsky : « La définition d’homo economicus est scandaleuse : "parfaitement rationnel, parfaitement informé et ne suit que son propre intérêt" . »
Nous ne saurions trouver notre compte dans cette vision libérale de l’économie, qui ne tend qu’à préserver le système actuel plutôt qu’à le remettre en cause. Pourtant, au vu des turbulences et des destructions qu’il génère, comme la situation présente le démontre, il serait temps de changer de paradigme ! Faut-il rappeler – j’en prends à témoin mon collègue Marc Dolez – que c’est ce que propose le Front de gauche ?
M. Marc Dolez. Absolument !
M. André Chassaigne. La pierre de touche de ce projet de loi consacré à la consommation est le préjugé selon lequel la concurrence est vertueuse. Monsieur le secrétaire d’État, vous défendez l’idée selon laquelle la fameuse concurrence libre et non faussée, sacralisée par le traité de Lisbonne, que le peuple français a rejeté, permet de baisser les prix.
M. Daniel Fasquelle, rapporteur. C’est faux ! Il n’est pas question de cela dans le traité.
M. André Chassaigne. Examinons les faits. Cette idée est-elle validée dans la réalité ? Je ne vous surprendrai pas en répondant immédiatement : non. En effet, le consommateur, comme j’ai déjà essayé de le montrer, n’a bien souvent pas le choix de consommer les biens et services qu’il achète.
Votre gouvernement a beau, par exemple, dérembourser de plus en plus de médicaments, la demande ne refluera pas dans les mêmes proportions, parce que les gens n’ont pas le choix. Encore que ! Aujourd’hui, la situation est telle que beaucoup rognent sur leurs dépenses de santé, quitte à rester malades. C’est en particulier le cas d’un nombre grandissant de jeunes, comme le constatent les missions locales auprès de ceux qu’elles accueillent.
Nous touchons là à la définition des libertés selon Amartya Sen, prix Nobel d’économie. Les libertés individuelles ne sont pas la liberté. Celle-ci est le grand principe, tandis que les libertés individuelles, dont celle de consommer, sont les choix dont l’individu dispose dans la réalité. On est libre d’acheter du pain mais, si l’on n’a pas d’argent, on ne l’est pas vraiment. Avec 10 % de chômeurs, c’est autant de personnes qui, parmi la population, sont d’une certaine manière privées de libertés. Décidément, Louise Michel avait bien raison quand elle disait : « Ce n’est pas une miette de pain, c’est la moisson du monde entier qu’il faut à la race humaine, sans exploiteur et sans exploité. »
Quant aux entreprises, surtout les plus grandes, elles ont les moyens et donc la liberté de contourner les règles de concurrence. Les exemples en sont quotidiens. Sur tous les marchés oligopolistiques, les ententes entre les gros acteurs permettent à ceux-ci de maintenir un niveau de prix élevé. La déréglementation laisse libre cours aux stratégies prédatrices et aux appétits financiers des actionnaires. La libéralisation a démantelé toutes les entreprises publiques susceptibles de maintenir des prix bas et attractifs pour tous, laissant le champ libre au secteur privé et à sa gloutonnerie.
Voilà pourquoi nous contestons ce cliché d’une concurrence qui serait facteur de progrès. La concurrence a pour effets, à long terme, de saper la solidarité et de dresser les acteurs économiques et les peuples les uns contre les autres, puisqu’elle en fait des adversaires dans le cadre de la grande compétition mondiale pour la rentabilité.
Puisque ce projet de loi aborde la question des opérateurs de téléphonie, chacun peut constater qu’en ce domaine la concurrence n’a pas eu les effets escomptés. Avec l’ouverture des marchés, les prix n’ont évidemment pas baissé, puisqu’ils connaissent au contraire une augmentation constante. Les pratiques qui ont cours se situent bien souvent à la limite de la publicité mensongère, comme en témoignent l’utilisation du mot « illimité » pour qualifier des forfaits qui ne le sont pas, ou encore le bridage du débit 3G des terminaux, ainsi que les atteintes délibérées à la neutralité des réseaux.
Ces pratiques commerciales sont monnaie courante. Or, à l’autre bout de la chaîne, les grandes entreprises savent faire jouer à plein la concurrence : concurrence entre les territoires pour marchander leur implantation et chasser les primes auprès des collectivités territoriales ; mais aussi, bien évidemment, concurrence entre les salariés. Elles savent délocaliser pour trouver moins cher ailleurs en termes d’implantation et de coût du travail. Mais dès qu’il s’agit de se concurrencer entre elles, elles oublient leurs stratégies prédatrices et deviennent expertes dans l’art des arrangements et des entraves au fonctionnement du marché. Ce système hypocrite marche sur la tête ! Disons plutôt que cette approche schizophrénique occulte tout simplement une maladie bien plus prédatrice : l’addiction au profit.
Ce projet de loi obligera-t-il les grands groupes à cesser leurs pratiques malhonnêtes, qui n’ont d’autre objectif que de plumer un peu plus les ménages et d’accroître les marges ? Non, bien entendu. Il ne changera rien à la situation et les lobbyistes des groupes du CAC 40 s’en frottent déjà les mains. Nous avons au moins une certitude : il n’empêchera pas les groupes les plus importants de dégager ces profits qui nous donnent le tournis. Faut-il citer les résultats, au premier semestre 2011, en pleine crise, de quelques géants des télécommunications ? Pour le meilleur de la génération numérique, Vivendi, 2,558 milliards d’euros et une hausse de plus de 100 % des profits en six mois ; 1,945 milliard d’euros pour France Télécom, pourtant en baisse conjoncturelle ; seulement 391 millions d’euros pour le pauvre Bouygues ! Je pense au regretté Allain Leprest, disparu en août dernier, qui dit si bien : « Le fric, le tout-fric, la joncaille, les biffetons et les talbins . »
Parmi les mesures proposées, l’essentiel consiste dans une meilleure rédaction des contrats qui lient les consommateurs aux prestataires en matière de téléphonie, d’électricité et de souscription de garantie. Pour le reste, c’est plutôt la pente inverse qui est suivie, puisque vous persistez dans votre objectif condamnable de dépénalisation du droit des affaires,…
Mme Laure de La Raudière. C’est faux !
M. André Chassaigne. …allégeant les sanctions pour les délinquants en col blanc, quand la petite délinquance des quartiers se voit, elle, réprimée chaque jour davantage.
Ainsi, en matière de commerce électronique, de transport de marchandises, de non-respect des obligations d’information ou des règles de publicité de prix, ou encore en matière de publicités illicites pour des opérations de vente réglementées, ce texte assouplit les sanctions et remplace la réponse pénale par des amendes. Au prétexte de faciliter les sanctions, vous les rabotez ! Que n’avez-vous la même mansuétude pour les autres délits ?
Mme Laure de La Raudière et M. Daniel Fasquelle, rapporteur. C’est faux !
M. André Chassaigne. Vous rectifierez si je me trompe.
En matière de logement, les seules dispositions du texte sont celles consistant à rendre obligatoire la publication de la superficie des biens à louer sur l’annonce ainsi que l’affichage de l’appartenance d’une agence immobilière à un réseau. Pourtant, il faut le dire, crise du logement et crise du pouvoir d’achat sont intimement liées. L’habitat est le premier poste de dépenses des ménages. En 2010, les Français ont consacré 297,7 milliards d’euros au logement. Chaque ménage a ainsi dépensé en moyenne 9 800 euros pour se loger en 2010, contre 9 500 l’année précédente. Les Français y consacrent 25 % de leur revenu disponible brut, soit deux fois plus que pour l’alimentation et les transports. Et encore s’agit-il d’une moyenne ; on est vraisemblablement plus proche des 50 % pour les familles modestes et les étudiants. En 2010, les dépenses courantes de logement ont augmenté de 4,2 %, soit trois fois plus que l’inflation.
Quand on connaît l’ampleur de la crise du logement, la hausse vertigineuse des prix du parc privé – plus 22,5 % pour l’ancien à Paris – et le poids des charges locatives sur le budget des familles, on se dit qu’on ne vit pas dans le même monde que le Gouvernement. Aussi, soucieux de faire des propositions concrètes en la matière, avons-nous déposé des amendements visant à permettre l’encadrement des loyers et des prix de vente des biens immobiliers.
Sur un autre versant, ce projet de loi donne plus de pouvoir à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Nous soutenons cette démarche, mais les moyens humains et financiers de ce service sont si faibles qu’une telle évolution porte en définitive le risque de l’impunité pour les fraudeurs. Les budgets alloués à la répression des fraudes sont en constante diminution et la direction ne peut faire face à des missions toujours plus nombreuses. Les personnels de la DGCCRF se sont d’ailleurs fortement mobilisés sur ces questions, notamment lors du vote de la loi de modernisation de l’économie en 2008. La priorité devrait être de leur donner les moyens techniques et budgétaires suffisants pour qu’ils puissent effectuer correctement leurs missions.
Et puisqu’il faut bien détendre l’atmosphère, en l’absence dans cet hémicycle de musique de supermarché, je pense à cet instant aux Tontons flingueurs,devenu un film culte du cinéma français, et plus particulièrement aux propos de maître Folace sur la commercialisation du « Vitriol », boisson pour hommes : « On a dû arrêter la fabrication, il y a des clients qui devenaient aveugles. Ça faisait des histoires . » (Rires.) Je me demande si la liberté de fait laissée aujourd’hui aux marchands du temple n’aurait pas asséché la verve de Michel Audiard dans cette affaire de distillerie clandestine.
Soyons justes cependant et sortons de l’image réductrice des Tontons flingueurs : le rapporteur et vous-même, monsieur le secrétaire d’État, avez fait preuve d’une réelle ouverture et d’une volonté de dialogue que nos débats devraient confirmer. Votre projet de loi comporte aussi des points positifs. Citons l’extension de la notion d’indication géographique protégée aux produits non alimentaires. Il est certain que les savoir-faire français liés à nos territoires doivent être mieux protégés dans la mondialisation. À force de déréglementer et d’intensifier toujours et partout la concurrence, c’est notre patrimoine productif qu’on détruit. L’extension de l’IGP aux produits manufacturés est un bon signal, mais veillons – je m’adresse plus particulièrement à M. le rapporteur – à ce que cette protection supplémentaire ne nuise pas aux industriels et artisans qu’elle est censée aider.
M. Daniel Fasquelle, rapporteur. Absolument !
M. André Chassaigne. Ainsi, un certain nombre de produits ne sont pas nécessairement produits dans la région dont ils ont la dénomination.
M. Daniel Fasquelle, rapporteur. C’est vrai !
M. André Chassaigne. Ils ne doivent pas perdre leur appellation pour autant, sans quoi des filières entières de production pourraient s’en trouver fortement pénalisées.
M. Daniel Fasquelle, rapporteur. Évidemment !
M. André Chassaigne. L’objectif de cette loi serait-il de porter un coup fatal à la production de la toile de coton vichy hors de la ville de Vichy ; de la porcelaine de Sèvres hors de la ville de Sèvres ; du couteau laguiole hors du village de Laguiole ? Faudrait-il interdire la fabrication du mouchoir de Cholet hors de Cholet ; du cristal de Baccarat hors de Baccarat ; de la dentelle au fuseau de Chantilly hors de Chantilly ? Et pourquoi pas – je pense au lapsus de notre collègue François Brottes tout à l’heure – interdire la fabrication du préservatif hors de Condom dans le Gers ? (Rires.)
Mme la présidente. Il fallait le faire, monsieur Chassaigne, mais pourriez-vous poursuivre sur le fond ?
Mme Laure de La Raudière. On est heureux de constater l’unité de l’opposition à ce sujet !
M. André Chassaigne. Je reprends donc, madame la présidente.
Ce projet de loi brille aussi par ses omissions. Ainsi, les débats en commission l’ont montré : vous n’avez pas l’intention de sévir face aux pratiques scandaleuses de certaines entreprises. La philosophie « consommatrice » qui est à l’œuvre dans votre texte consiste à considérer que, tant que les consommateurs sont censés être bien informés, les industriels peuvent leur faire avaler n’importe quoi. Selon cette logique, ils pourraient même vendre des yaourts au mercure pourvu que cet ingrédient soit indiqué sur l’étiquette ! (Exclamations.)
Un tel positionnement n’est pas satisfaisant. Ce projet de loi ne dit rien des réels problèmes rencontrés par les ménages aujourd’hui : rien sur le surendettement ; rien sur les frais bancaires abusifs ; rien sur l’envolée des loyers et la spéculation immobilière ; rien sur le prix de l’essence ou de l’alimentation !
Sur ce dernier point, il y aurait pourtant fort à faire, alors que les prix alimentaires augmentent de façon continue, à un rythme annuel de 2 %, avec des fluctuations allant – rendez-vous compte – jusqu’à plus 13,5 % pour les produits frais ! Ces hausses injustifiées des prix de vente aux consommateurs de produits indispensables grèvent chaque année un peu plus le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes. Mais les agriculteurs, eux, n’en sentent pas les effets, soumis qu’ils sont à une dégradation récurrente des prix d’achat de leur production.
Vous savez, monsieur le secrétaire d’État, que cette situation a été entretenue par des choix législatifs, ceux de votre gouvernement, qui offrent désormais toutes les garanties aux distributeurs pour faire pression à la baisse sur les prix d’achat et favoriser un accroissement des marges, au détriment des consommateurs. En effet, leur domination sans partage sur la valeur ajoutée a été plus que facilitée par la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, dite loi Chatel, et par loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, si chère à l’actuelle présidente du FMI !
Grâce à votre majorité, la déréglementation des relations commerciales, avec notamment la consécration du principe de libre négociation des conditions générales de vente, a considérablement affaibli les producteurs dans les négociations. Les pratiques contractuelles de la grande distribution avec ses fournisseurs, introduisant une multitude de services optionnels, contribuent aujourd’hui à minimiser les risques et les contraintes afférentes aux actions intermédiaires avant la mise en rayon.
Ces pratiques garantissent une politique de marges commerciales exorbitantes. Parallèlement, les mêmes distributeurs organisent à leur guise une politique active d’importation et de promotion, en fonction de l’arrivée des productions françaises sur les marchés, pour faire pression à la baisse sur les prix d’achat.
Les consommateurs, eux, n’ont pas le choix. Ils voient toujours les prix des produits s’envoler. Comment justifier qu’en cet été 2011, un kilo de prunes acheté 1,20 euro au producteur ait été vendu 2,60 euros sur les étals des hypermarchés ? Comment justifier qu’un kilo de tomates acheté 45 centimes le kilo au producteur français soit retrouvé à 2 euros sur les étals ? Comment justifier que le kilo de poires soit revendu deux à quatre fois son prix d’achat, passant de 1,50 euro à 3 ou 5 euros ?
Le laisser-faire du Gouvernement dans ce domaine, combiné à la rapacité des distributeurs, trouve son aboutissement dans le relevé annuel des bénéfices nets des grands groupes français de la distribution. Sur le dos des producteurs et des consommateurs, le résultat net du groupe Carrefour s’est élevé à 568 millions d’euros en 2010 – plus d’un demi milliard ! –, à 437 millions d’euros en 2009, et il était même de 1,5 milliard d’euros en 2008 ; celui du groupe Auchan s’est établi à 705 millions d’euros en 2010 et à 727 millions d’euros en 2008 ; celui du groupe Casino était de 529 millions d’euros en 2010 ; celui du groupe Mousquetaires-Intermarché de 165 millions d’euros.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez mille fois raison : pour les droits, la protection et l’information des distributeurs, votre gouvernement a frappé fort .
Mais puisque vous avez la ferme volonté de faire contrition – je n’ose dire de vous racheter –, en apportant des réponses avec ce texte, sans doute serez-vous disposé à faire cesser ce racket en soutenant l’adoption de mon amendement visant à instaurer un coefficient multiplicateur entre les prix d’achat et les prix de vente des produits alimentaires ? Vous montrerez alors votre détermination, non pas à faire de l’affichage politique, mais bien à agir efficacement à la fois pour améliorer les revenus de nos agriculteurs et pour garantir le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Contrairement au ministre de l’agriculture il y a déjà deux ans, je suis persuadé que vous ne m’inviterez pas à patienter et à m’en remettre aux brillantes négociations entamées par le Président de la République sur la modération des marges ! Vous ferez ainsi mentir cette devise que d’aucuns, esprits mal-pensants, attribuent à votre gouvernement : « La curée pour les puissants et la faim pour les plus pauvres ! »
Les débats en commission ont aussi abordé la question de l’action de groupe. Les députés communistes, républicains, citoyens et du Parti de gauche sont favorables à cette disposition.
Permettez-moi de citer un exemple remontant à 2005 : cette année-là, plus de 400 000 consommateurs ont payé, de façon injustifiée, 3 euros par mois pendant six mois en matière de téléphonie mobile. Or, personne n’engagera un contentieux pour 18 euros, alors même que globalement le préjudice a été chiffré à plus de 7 millions d’euros ! L’opérateur a spolié les consommateurs de 7 millions d’euros, et il ne risque rien, car personne ne saisira la juridiction compétente.
Si nous ne faisons rien, les pratiques de ce genre seront appelées à se multiplier. Et c’est d’ailleurs déjà le cas ! Ne citons pas ici l’exemple de cet opérateur dans le secteur de l’énergie qui gonfle artificiellement les mensualités de ses clients pour dégager indûment de la trésorerie. Le nombre des recours adressés au médiateur de l’énergie sur ce problème précis a d’ailleurs explosé.
Pour remédier à ces entorses – et le mot est faible –, nous avons déposé un certain nombre d’amendements reprenant l’idée d’une action de groupe à la française, avec une saisine élargie et un champ d’application ambitieux.
Vous le voyez, des solutions sérieuses existent pour améliorer le pouvoir d’achat des salariés.
A contrario, ce projet de loi cache, sous son emballage et son étiquetage, les ingrédients du vrai programme de la droite en matière de consommation, notamment l’instauration de la TVA sociale. Vigoureusement défendue par Jean-François Copé, chef de l’UMP, et par Valérie Pécresse, porte-parole du Gouvernement,…
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Et par Manuel Valls.
M. André Chassaigne. Effectivement, vous n’en avez pas l’exclusivité, et je le regrette.
Vigoureusement défendue, disais-je, par Jean-François Copé et Valérie Pécresse,…
M. Daniel Fasquelle, rapporteur. Et toujours Manuel Valls.
M. André Chassaigne. …cette TVA sociale devrait figurer dans le programme de Nicolas Sarkozy pour 2012. Il s’agit de remettre en cause la protection sociale fondée sur le travail pour taxer les consommateurs. La taxe la plus injuste du dispositif fiscal français serait ainsi considérablement augmentée. Une étrange façon, monsieur le secrétaire d’État, de promouvoir la consommation...
Le programme de la droite, c’est aussi le pacte de dumping social franco-allemand, visant à corroder un peu plus les salaires, les retraites et les prestations sociales dans notre pays.
Il nous faudra combattre ces attaques contre le pouvoir d’achat populaire. Mais plus généralement, et très au-delà des propositions avancées dans ce texte, c’est l’ensemble du système qu’il convient de « reformater » pour enfin permettre une augmentation du pouvoir d’achat et donc de la consommation.
SMIC à 1 700 euros, salaire maximum, augmentation immédiate des bourses d’étude, élargissement des droits sociaux aux jeunes majeurs, remboursement à 100 % des dépenses de santé, blocage des loyers : ce programme, vous l’avez tous compris, c’est celui du Front de gauche. Il est autrement plus ambitieux, monsieur le secrétaire d’État, que le texte que nous examinons aujourd’hui !
La meilleure parade contre la vie chère, c’est aussi et surtout l’existence de services publics dynamiques sur tous les territoires.
À titre d’exemple, toujours dans le programme du Front de gauche, il est proposé de créer un pôle financier public. Quel meilleur levier qu’une forte prise de participation de l’État dans notre système financier pour permettre enfin la suppression des frais bancaires indus qui grèvent le pouvoir d’achat des Français ?
De la même façon, il faut revenir sur le démantèlement des grandes entreprises publiques qui assuraient une haute qualité de service public. L’existence d’un opérateur de téléphonie public aurait permis de maintenir une politique tarifaire avantageuse pour les populations. Dans le cadre même du marché, qui vous est cher, cette pression sur les prix aurait, de plus, forcé les autres opérateurs à pratiquer des tarifs attractifs.
Il en est de même en matière d’énergie, de transport, de santé : la meilleure garantie pour le pouvoir d’achat et contre la vie chère, c’est l’existence de services publics développés.
Les logiques de solidarité et de financement collectif sont les seules à même d’entraver la spirale inflationniste que suscitent la marchandisation et la course au profit.
Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, les députés communistes, républicains, citoyens et du Parti de gauche auraient pu marquer une opposition globale et, disons-le, idéologique à ce texte. Mais le choix de l’abstention devrait marquer notre prise en compte des avancées, même minimes, de ce projet de loi, et votre prise en compte, aux côtés de Daniel Fasquelle, de certaines de nos propositions d’amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Merci de cette position.
M. Daniel Fasquelle. Et de cette aimable conclusion.

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)
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