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Discussions générales

Renforcement de la stabilité économique et de la compétitivité du secteur agroalimentaire (CMP)

Déposée en février, la présente proposition de loi portait à l’origine deux mesures distinctes : la prolongation du relèvement du seuil de revente à perte expérimenté depuis six ans et la suppression de l’encadrement des promotions sur les produits DPH entré en vigueur il y a un an. À la suite des travaux menés dans les deux chambres, le texte a profondément évolué.
Fort heureusement, la CMP a remis en cause le cadeau sans contrepartie à la grande distribution qu’aurait constitué la suppression de l’encadrement des promotions sur les produits DPH. La prolongation de cet encadrement jusqu’en 2028, assortie d’une hausse du plafond maximal à 40 %, est bienvenue, en particulier pour les PME, nombreuses dans ce secteur.
Cependant, les PME appellent notre attention sur une autre urgence : la nécessité de mieux les protéger avant le prochain cycle de négociations commerciales. En effet, si rien n’est entrepris avant cet automne, souligne notamment la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (Feef), la situation économique des PME continuera à se dégrader à bas bruit, ce qui aura de lourdes conséquences pour notre économie et pour les territoires.
J’en viens à la prolongation du dispositif SRP + 10, expérimenté depuis le vote de la loi Egalim 1, en 2018. Son effet bénéfique sur la rémunération des producteurs n’a jamais été démontré. Pour que l’on tente d’évaluer le dispositif, la loi Egalim 3 de 2023, dite loi Descrozaille, avait prévu que chaque distributeur communique au gouvernement des informations à ce sujet. Or le rapport d’évaluation remis par le gouvernement l’an dernier n’a fait que constater l’impossibilité pour les distributeurs de rendre compte de l’usage du surplus de chiffre d’affaires qu’ils ont ainsi réalisé depuis 2019.
L’effet inflationniste du dispositif sur les prix des denrées alimentaires étant avéré –⁠ l’UFC-Que choisir avance le chiffre de 470 millions à 1 milliard d’euros par an depuis six ans –, notre assemblée a tenté de renforcer les moyens de contrôle et d’évaluation. Elle a notamment proposé que l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPMPA) publie chaque trimestre le niveau des marges brute et nette réalisées par chaque fournisseur et distributeur dont le chiffre d’affaires est supérieur à 350 millions d’euros. Nous regrettons que cette disposition ait été supprimée par le Sénat et n’ait pas été reprise par la CMP. De même, nous regrettons le recul sur le montant des sanctions applicables aux distributeurs qui ne joueraient pas le jeu de la transparence –⁠ celle-ci n’est pas, convenons-en, la première qualité dont il font preuve !
Le motif qui vaut que nous conservions le SRP + 10 est donc moins son efficacité que le risque induit par son éventuelle suppression. Il s’agit d’éviter un nouvel épisode de guerre des prix, dans un contexte très tendu : un cycle de négociations très dur cette année, une crise agricole durable, des tensions toujours très fortes sur le pouvoir d’achat des Français.
Nous soutiendrons la prolongation du SRP + 10, mais sans illusion. Il ressort en effet de nos débats que nous ne tirons pas de leçon de son échec, qui tient d’abord à la persistance d’un rapport de force totalement déséquilibré dans les négociations commerciales entre les agriculteurs, les industriels transformateurs et la grande distribution. Nous avons la conviction que les dispositions que nous examinons cet après-midi ne modifieront pas en profondeur ce rapport de force.
L’occasion nous avait pourtant été offerte de faire un grand pas vers l’adoption de véritables outils publics d’encadrement des marges grâce au vote en première lecture, ici même, de l’excellent amendement d’André Chassaigne instaurant un coefficient multiplicateur entre le prix d’achat et le prix de revente des produits agricoles et alimentaires. Naturellement, le Sénat s’est empressé de l’évacuer et la CMP n’a pas souhaité le reprendre, ce que je regrette. Malheureusement, le Grand Soir de la régulation n’est pas encore pour aujourd’hui… Pourtant, seul un outil d’intervention public de ce type permettrait de sécuriser le retour aux producteurs d’une partie de la valeur ajoutée, tout en protégeant les consommateurs des pratiques spéculatives des grandes et moyennes surfaces.
Malgré l’obstination libérale à cause de laquelle on ne fait qu’effleurer le problème de la répartition de la valeur ajoutée, malgré la protection dogmatique du secret des affaires dont bénéficient des agents économiques qui continuent de dominer les échanges commerciaux en matière agricole et alimentaire, nous voterons les modestes avancées prévues par ce texte. (M. le rapporteur applaudit.)

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Julien
Brugerolles

Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)
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