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Discussions générales

Règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2010 : Motion de rejet préalable

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, exception faite du discours du président de la commission des finances, le vôtre et celui du rapporteur général ont été très lénifiants.
M. François Baroin, ministre. Avez-vous bien dit « lénifiants » ?
M. Jean-Pierre Brard. Oui, monsieur le ministre, j’ai dit non pas « léninistes », mais bien « lénifiants ».
M. Jean-Michel Fourgous. Avec vous, nous aurons confondu !
M. Jean-Pierre Brard. Vous n’avez pas à confondre, monsieur Fourgous, il vous suffit de prendre votre dictionnaire, vous qui bûtes du lait montreuillois auquel vous êtes particulièrement infidèle aujourd’hui, ce que vous regretterez, je l’espère, dans l’au-delà et jusqu’à la fin des temps.
M. le président. Je vous en prie, monsieur Brard !
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, on me demande de ne pas interpeller mes collègues, mais je viens moi-même d’être interpellé.
M. le président. Ne répondez pas ! Nous vous écoutons.
M. Jean-Pierre Brard. Le rapporteur général a égrené les lignes du budget un peu comme les vieilles bigotes égrènent leur chapelet. Mais, à la fin, on n’est pas du tout plus avancé qu’au début.
Vous nous avez assurés de la réussite totale du plan de relance. On se demande ce qui serait arrivé en cas d’échec. Enfin, tout va bien.
Heureusement, à propos de la Grèce, le président de la commission des finances s’est montré beaucoup plus précis que vous en évoquant un prêt. Vous savez bien, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, que vous aidez non pas la Grèce mais ses créanciers : les banquiers français, allemands et suisses, sans oublier les marchands d’armes allemands et français. En envoyant quelques milliards au gouvernement grec, vous permettez surtout aux banquiers et aux marchands d’armes de rentrer dans leurs sous, mais vous n’aidez pas du tout le peuple grec que vous contribuez au contraire à plumer.
Nous devons ici dresser le bilan de l’exercice budgétaire de l’année 2010. Ce bilan, le neuvième d’une période toute UMP depuis 2002, le quatrième d’un gouvernement tout sarkozyste, nous offre un bien triste spectacle. C’est celui d’une France livrée en pâture aux diktats des financiers, des marchés comme vous dites, celui d’une France asservie par l’intérêt de quelques privilégiés, celui d’une France aux services publics amputés.
Monsieur le ministre, tout à l’heure, vous vous vantiez du nombre d’emplois supprimés. Je ne sais pas si votre emploi du temps vous laisse quelques loisirs, mais je sais que, de temps en temps, vous rentrez à Troyes. Je vous recommande de ne pas prendre l’autoroute. Parce que quand vous prenez l’autoroute, vous voyez certes les péages, mais vous ne voyez pas la France profonde, là où, aujourd’hui, dans le moindre village, flottent au vent des banderoles qui protestent contre les fermetures de classes. Quel est le collègue de l’UMP qui oserait dire le contraire ? La preuve, c’est que même le Président de la République, de façon complètement hypocrite, a décidé de geler les fermetures de postes d’enseignants jusqu’à l’élection présidentielle. Et il faudrait que les Français soient bien jobards pour croire à la réalité de cette promesse dès lors que l’échéance sera dépassée, si, par malheur pour nous, le Président de la République était réélu.
La France dont nous parlons, nous, c’est la France des salariés et retraités méprisés. C’est la France à l’égalité et à la fraternité constamment bafouées par vos politiques. On croirait assister, peu à peu, à une métamorphose de notre République française en oligarchie. Eh oui, monsieur Jean-François Lamour ! Vous qui êtes un spécialiste du sabre, vous avez probablement recommandé à Nicolas Sarkozy de sabrer les finances publiques. La différence est que votre sabre vous a permis de remporter une médaille pour la France, alors que celui du Président de la République est en train de faire sombrer notre pays.
Non content de saper les fondements de la société française, votre gouvernement nous accable d’un déficit historique. Il est définitivement chiffré, pour l’année 2010, à 148 milliards d’euros, alors qu’il devait être de 117,4 milliards selon la loi de finances initiale. Triste record ! Monsieur le ministre, vous avez voulu être bref et synthétique – certainement pour ne pas nous accabler de discours –, et vous en avez oublié l’essentiel, qui est que vous n’avez pas réduit mais aggravé le déficit.
Le rapporteur général du budget, qui est un élu de la banlieue parisienne, où l’on sait ce que parler veut dire et où l’on connaît le sens des mots, n’a pas parlé de déficit. Il a parlé de « dégradation du solde structurel ». Allez donc voir Mme Michu à la sortie de la boulangerie, par exemple à Troyes, monsieur le ministre, et demandez-lui ce qu’est la « dégradation du solde structurel ». Si vous lui demandez si le pain est bien cuit ou pas, elle saura vous répondre. Mais je suis sûr que, dans le cas d’espèce, le langage du rapporteur général est complètement abscons. Et d’ailleurs, c’est son but : surtout, ne pas faire comprendre la réalité de la politique du Gouvernement, mais continuer l’enfumage.
Il ne faut pas faire mystère sur l’origine de la dette. La dette n’est pas tant un problème de dépenses qu’un problème de ressources. Elle est la résultante de votre politique de cadeaux faits aux plus fortunés. À cet égard, monsieur le ministre, je vous reposerai tout à l’heure la question que je vous ai posée à vingt-deux reprises.
M. François Baroin, ministre. Ah oui !
M. Jean-Pierre Brard. Je vois que vous savez de quoi je veux parler. Oui, je vous ai interrogé à vingt-deux reprises au sujet de Mamie Liliane. J’y reviendrai tout à l’heure, afin de vous laisser du temps pour préparer la réponse.
Une politique clientéliste ne doit pas fonder une doctrine fiscale. Didier Migaud, le premier président de la Cour des comptes, n’a pas dit autre chose en présentant, le 22 juin dernier, le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Il disait : « L’impact sur les comptes publics de réformes telles que la RGPP ne doit plus être annulé par de coûteuses baisses d’impôts : même s’il s’agit de mesures de natures différentes, le coût de la baisse de la TVA sur la restauration équivaut budgétairement aux économies permises par le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique d’État pendant huit ans. »
J’ai bien vu, monsieur le ministre, lors de mes précédentes interventions, que vous n’étiez pas un grand familier des théories de Marx, d’Engels ou des « économistes atterrés ». Je vous remettrai à l’occasion d’une prochaine séance une version en manga des œuvres de Marx. Il s’agit de vous en faciliter la lecture, pour que vous maîtrisiez enfin ces concepts fondamentaux de l’économie politique. Et je vois que je vais être obligé, sur mes propres deniers, d’en acheter un deuxième exemplaire pour Jean-François Lamour, puisque je mesure combien sa curiosité s’éveille à l’économie politique. Vous l’avez lu, monsieur le ministre ? Mais alors, permettez-moi une question impertinente. Vous l’avez lu, c’est bien, mais l’avez-vous compris ?
M. François Baroin, ministre. Pas de la même manière que vous.
M. Jean-Pierre Brard. Parce que si vous l’avez lu mais que vous ne l’avez pas compris, cela ne nous avance pas beaucoup. Mais alors, bénévolement, je vous propose de vous faire une explication de texte à titre particulier.
M. François Baroin, ministre. Est-ce bien nécessaire ?
M. Jean-Pierre Brard. Mais bien sûr que c’est nécessaire ! Parce que, quand je vois les propositions que vous faites, je me dis que vous avez des marges de progression pour traduire les concepts dans la réalité.
Mais afin de ne pas vous indisposer, je vais faire référence à un économiste que vous préférez sans doute aux « économistes atterrés ». Il s’agit de Milton Friedman, qui a dit : « Si les dépenses s’élèvent à 2 000 milliards et les rentrées fiscales à 1 500 milliards, qui donc paie les 500 milliards de différences, une fée ou le père Noël ? »
Grâce à l’UMP nous avons la réponse. Il suffit de modifier quelques chiffres et la question sera adaptée à la situation française. Ce n’est ni une fée ni le père Noël, les 148 milliards de déficit sont payés par les Français les plus pauvres et les plus précaires, par ceux qui n’ont que leurs salaires acquis à force de travail, leurs maigres retraites, pour survivre et leurs yeux pour pleurer lorsque les factures s’amoncellent.
La diminution du montant des retraites, le déremboursement des médicaments, la réduction drastique du nombre de fonctionnaires, les fermetures de services publics, la diminution du nombre de policiers, ou l’augmentation des tarifs de l’énergie sont pour vous autant d’occasions de faire payer aux Français les errements de votre politique.
Vous ne faites rien pour combler les inégalités et vous allez même jusqu’à les accentuer. Le RPR de Jacques Chirac – dont vous étiez très proche, monsieur le ministre, dans une jeunesse qui n’est pas si lointaine – était le découvreur de la « fracture sociale ». L’UMP de Nicolas Sarkozy est le créateur de la « facture fiscale ». On prend aux plus pauvres pour payer les cadeaux fiscaux que l’on fait aux privilégiés de la naissance et de l’argent.
Ce renversement de la charge de l’impôt des pauvres et des classes moyennes vers les plus fortunés est mené au mépris de nos principes constitutionnels. Je n’en veux pour preuve que l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui prévoit, je le rappelle à l’attention de nos collègues de l’UMP, qui l’ont oublié : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés ». La répartition de l’impôt en fonction de la faculté contributive de chacun est passée sous les fourches caudines de votre politique partisane.
Je tiens à rappeler que depuis 2002, la dette de la France a grossi de 700 milliards d’euros, ce qui signifie que 43 % du montant total de la dette actuelle est directement imputable à la gestion de l’UMP sur les huit dernières années. Vous êtes loin d’avoir géré la France à la manière d’un bon père de famille. Le bouclier fiscal, la réforme de l’ISF, la modification des droits de succession, la loi TEPA, ou bien encore la niche Copé, ce sont ces mesures qui ruinent la France et qui expliquent le déficit et la dette.
D’autres mesures participent également à creuser le déficit de notre pays. C’est le cas des nombreuses privatisations que vos gouvernements ont faites. Le cas le plus éloquent est certainement celui de la privatisation des sociétés d’autoroutes de 2002, 2004 et 2005. Vous avez préféré vendre immédiatement au rabais ces sociétés aux grands groupes du BTP, plutôt que de percevoir de manière certaine le quadruple de la somme en attendant la fin des concessions. C’est ce qui s’appelle privatiser les profits.
Ce type de politique est en œuvre à grande échelle aujourd’hui en Grèce. Tout est bon pour piller le pays. Après la cession d’une partie du port du Pirée, va-t-on assister à la vente sur eBay du Parthénon, monsieur le ministre ? Les plans drastiques d’austérité et de privatisation conduisent l’État grec vers une faillite certaine. Les biens qui assuraient les plus grandes recettes ayant été cédés au privé, vous ne réservez au peuple grec que de la misère et du désespoir.
Les politiques d’austérité menées à grande échelle sur la planète hypothèquent l’avenir. L’ONU, dans son rapport annuel sur la situation sociale dans le monde, confirme cette analyse en écrivant : « Les mesures d’austérité prises par certains pays comme la Grèce et l’Espagne face à un endettement public excessif menacent non seulement l’emploi dans le secteur public et les dépenses sociales, mais rendent la reprise plus incertaine et plus fragile ».
On remarquera également que la politique d’austérité n’a qu’une cible, la réduction des dépenses publiques directement utiles à nos compatriotes. Dès lors qu’il s’agit de mener des coupes claires, il apparaît hors de question de rogner sur les dépenses militaires, il n’est personne pour s’y atteler. Cela s’est vu en Grèce, pays où 2,8 % du PIB sont consacrés aux dépenses militaires, soit le deuxième ratio le plus élevé de la planète, derrière les États-Unis. Et cela s’observe également en France, où des troupes sont engagées en Afghanistan au moins jusqu’à l’été 2014, et en Libye, où vous venez d’entamer une action militaire – dans laquelle nous sommes de plus en plus seuls – pour la modique somme de 1 million d’euros par jour.
Votre majorité dilapide donc l’argent public par l’octroi de cadeaux entre amis, mais elle accompagne, de surcroît, cette politique de mesures d’austérité. Vous cherchez, c’est votre croisade, à réduire peu à peu le rôle de l’État à celui d’un raisin sec, ce qui fragilise les ménages en difficulté.
Vous pensez que déréguler, privatiser, financiariser l’économie et amoindrir le rôle de l’État, c’est faire preuve de modernité, et vous y voyez matière à autosatisfaction. En fait, il n’en est rien. Marx disait – écoutez bien, cela va compléter votre culture générale : « Ce qui distingue l’ère nouvelle de l’ère ancienne, c’est que le fouet commence à se croire génial. » Vous voyez qu’il y a là matière à réflexion. Ce serait un bon sujet de philosophie pour le prochain baccalauréat.
M. Jean-François Lamour. Eh bien voilà, ils ont le sujet !
M. Jean-Pierre Brard. Oui, ils ont le sujet pour l’année prochaine. Je suis content d’avoir le soutien de notre collègue Jean-François Lamour. Cela ouvre de grandes perspectives pour le futur. Je parle de vos évolutions à vous, bien sûr, monsieur Lamour. Je vois que vous cherchez la reconversion, et une terre d’accueil.
Votre politique, monsieur le ministre, n’est qu’un énième rejeton des politiques néolibérales menées, entre autres, par Margaret Thatcher ou Ronald Reagan, dont on peut voir les conséquences sociales et économiques désastreuses en Angleterre ou en Irlande.
Depuis 2007, vous n’avez eu que le mot « réforme » à la bouche. Savez-vous ce que disait Jaurès, monsieur le ministre ? Et je sais que vous êtes un homme cultivé, vous. Ce n’est pas le cas de tout le monde au Gouvernement, comme vous le savez. Je vois votre sourire approbateur. J’aurai la charité de ne pas citer de nom, parce que je vous mettrais en difficulté, n’est-ce pas ?
M. François Baroin, ministre. Ce n’est pas le sujet, surtout.
M. Jean-Pierre Brard. Oui, oui, « ce n’est pas le sujet ». On s’en sort comme on peut ! J’apprécie toujours votre habileté à vous maintenir en équilibre sur le fil de funambule où vous excellez sans cesse.
Jaurès, donc, disait que « toute réforme ne vaut que comme degré vers le but suprême ». Je suis sûr que vous êtes d’accord avec cela, monsieur le ministre. Et le but suprême que vous poursuivez est pervers. La preuve en est vos réformes marquées du sceau de l’inégalité !
Le projet de loi de finances rectificative pour 2011 en est la preuve criante. La suppression du bouclier fiscal, qui va rapporter, seulement dans deux ans, 700 millions d’euros, n’est qu’une manœuvre médiatiquement habile pour redonner, sous la table 1,8 milliard d’euros aux plus riches ! Je le répète parce que nos discours, ici, n’ont qu’une utilité : percer le mur du silence, pas seulement pour ceux qui sont dans les tribunes, mais aussi pour ceux qui nous regardent sur internet et ailleurs. Et les journalistes n’ont pas compris, lors du dernier débat, la façon dont cela se déroule.
Alors, pour la vingt-troisième fois, monsieur le ministre : est-il vrai que Mamie Liliane va toucher le jackpot, et que grâce à l’application immédiate de la réforme de l’ISF, plus la suppression du bouclier fiscal différée de deux ans, elle ne paiera que 10 millions d’impôts en 2012 au lieu de 40 millions cette année ? Allez-vous répondre à ma vingt-troisième interpellation, ou par votre silence, allez-vous confirmer combien vous êtes loyal et dévoué à cette vieille Mamie qui devrait vous être bien reconnaissante ?
Mes chers collègues, Nicolas Sarkozy et son Gouvernement, confits dans le dogme libéral, ont entrepris une démolition minutieuse et systématique de nos services publics. Au nom de la nouvelle religion d’État, l’exclusion du déficit, le Gouvernement s’arroge tous les droits pour mener sa politique de casse et de classe.
Ceux qui souffrent de la disparition de nos services publics, ce sont non pas les nantis, auxquels vous obéissez au doigt et à l’œil, mais bien les petites gens et les classes moyennes qui utilisent tous les jours les services collectifs.
Cessez de prendre les Français pour des imbéciles ! Ils se rendent compte que le contrat social, base de notre société démocratique, est quotidiennement bafoué par la majorité actuelle. Ils s’en rendent compte quand les classes de leurs enfants ferment ou quand il n’y a personne pour remplacer un professeur malade. Ils s’en aperçoivent lorsqu’il n’y a pas de lit disponible dans les hôpitaux pour les accueillir ou lorsque des services hospitaliers ferment. Ils le subissent lorsque pour déposer une plainte, le tribunal le plus proche est à une heure de route, ou lorsqu’il n’y a plus de bureau de poste dans leur village.
Vous violez sciemment les fondamentaux mêmes de la République en menant une politique en faveur des privilégiés. Le 4 août 1789, les constituants ont abrogé les privilèges. Voilà qu’en quatre ans de régime sarkozyste, sa Majesté a réussi à en instaurer de nouveaux ! Monsieur Chartier ne dit plus rien, parce qu’il sait bien que c’est vrai, et qu’il a du mal à assumer ses votes.
M. Jérôme Chartier. Je vous trouve surtout très long ! Il y a trop de digressions.
M. Jean-Pierre Brard. C’est parce que je vous tends le miroir, afin que vous puissiez vous y voir. J’entends bien, monsieur Chartier, que vous finissez par vous faire peur, et vous prenez conscience de la cruauté de la politique que vous soutenez fidèlement.
De quel droit voulez-vous conditionner l’octroi du RSA à un travail d’intérêt général non rémunéré ? Dois-je vous rappeler, monsieur le ministre, que l’esclavage a été aboli en 1848 ! À l’inverse, lorsqu’il s’agit des puissants, vous n’avez pas hésité à sauver les banques en leur prêtant vingt milliards d’euros. Aujourd’hui, les banques spéculent sur les dettes souveraines des États membres de l’Union européenne et mettent à genoux les peuples d’Europe. Vous n’avez pas hésité non plus à accorder une aide de trois milliards d’euros à PSA lorsque son carnet de commandes a fortement diminué. Aujourd’hui, PSA, après avoir donné – paraît-il – des garanties à vous et à M. Besson, vient de refuser de s’engager pour maintenir le site d’Aulnay.
Autre exemple de l’injustice de votre politique : lors des débats sur la réforme de l’ISF, un amendement que j’avais déposé, et Mme Brunel avait déposé le même, visait à faire débuter l’assujettissement à l’ISF à partir de un million d’euros. M. le rapporteur général a osé nous répondre : « Ce serait vraiment mesquin de conserver une première tranche pour des contribuables obligés de faire une déclaration pour payer 300 euros d’impôts » ! Il faut avoir un sacré culot pour dire des choses pareilles.
En revanche, monsieur le rapporteur général, vous n’avez pas hésité une seconde à rétablir un abattement de 300 euros par enfant à charge pour les assujettis à l’ISF. Ces millionnaires auraient les moyens de rouler en Ferrari ou en Porsche, mais pas de payer 300 euros d’impôts en plus ! On comprend maintenant pourquoi votre compère Charles Amédée de Courson les qualifiait dernièrement de « pauvres riches ». Ce coup de pouce, cette mesure que vous avez qualifiée de justice familiale, vous n’avez eu aucun état d’âme pour l’accorder à vos amis, mais cela vous arrache le cœur de le faire pour les familles qui subissent les gênes de votre politique et les privations.
Écoutez bien, mes chers collègues, de l’argent il y en a, beaucoup même ! Le Conseil des prélèvements obligatoires, dans un rapport d’octobre 2010, a évalué à 66 milliards d’euros le coût des niches sociales bénéficiant aux entreprises. À côté de cette somme, les huit milliards consacrés au RSA, qui permettent à plus d’un million de foyers de vivre, paraissent dérisoires.
Vous voulez nous faire croire qu’il n’y a pas d’argent pour le financer, mais la réalité est que vous ne voulez pas toucher au pactole de vos amis. Et pourtant, il est urgent d’aller le chercher. Et je crois pouvoir dire que lorsque la gauche reviendra au pouvoir, l’année prochaine j’espère, nous serons de ceux qui pousseront pour aller chercher cet argent qui dort dans les coffres-forts, ou plutôt qui fructifie sur les marchés. M. Lamour connaît de tels cas dans sa circonscription.
M. Jean-François Lamour. Pas dans ma circonscription !
M. Jean-Pierre Brard. Chez M. Giscard d’Estaing, alors ? Si vous le dites, vous vous connaissez mieux que moi, j’apprécie que vous ne vouliez pas assumer la politique en faveur des riches de votre Gouvernement et que vous passiez l’oursin à M. Giscard d’Estaing qui, j’en suis sûr, apprécie beaucoup votre délicatesse ! (Sourires.)
À chaque réforme que vous avez entreprise, vous n’avez eu de cesse d’expliquer aux Français qu’il n’y avait pas d’autres solutions. Un auteur que vous devez apprécier tout autant que moi, monsieur le ministre, parce qu’il maniait à la perfection les imparfaits du subjonctif, et parce qu’il écrivait des choses fortes, Romain Rolland a écrit : « La fatalité, c’est l’excuse des âmes sans volonté ».
M. François Baroin, ministre. Très joli !
M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas seulement joli ; c’est profond, c’est vrai, c’est révolutionnaire. Je comprends que vous ayez tout de suite le grand frisson.
M. François Baroin, ministre. Je ne le voyais pas là ! (Sourires)
M. Jean-Pierre Brard. Mais on peut le voir dans beaucoup d’endroits ! J’imagine que pour les milliardaires, la perspective que nous venions au pouvoir avec les autres forces de gauche, armés de propositions fortes, provoque le grand frisson. Nous pensons qu’une autre politique est possible, une politique sociale, économique et écologique, plus juste et au service de l’intérêt général.
Afin de sortir de la faillite du système actuel, soutenu et mis en œuvre par l’UMP et ses amis les puissants, la seule question qui vaille est la suivante : faut-il rafistoler le système, ou faut-il rompre avec celui-ci ?
Dans l’immédiat, des mesures urgentes doivent être prises : contrairement aux dires de M. Fillon, ce ne serait pas une erreur économique d’augmenter le SMIC. À croire que Matignon et la ville de Sablé-sur-Sarthe sont isolés du reste de la France. Quel mépris de la condition salariée ! Cette déclaration du Premier ministre est une insulte à l’égard du peuple français. Des salariés et des familles entières n’ont pour se loger, se nourrir, se vêtir que le SMIC. Ce SMIC est d’un montant de 1 070 euros. Avec un tel revenu, on ne vit pas, on survit.
Les personnes qui ont de faibles ressources consacrent l’intégralité de leurs revenus à la consommation et à leurs loyers. Cet argent participe donc au fonctionnement de notre économie, ce qui n’est pas le cas de celui des grandes fortunes qui placent leur argent en bourse et alimentent la spéculation financière. La vraie faute économique, c’est la politique fiscale du Gouvernement, ce n’est certainement pas d’augmenter immédiatement le SMIC à 1 600 euros comme le Front de gauche le propose dans son programme.
Il est également urgent de créer une agence publique de notation européenne comme le préconisent « les économistes atterrés ». Nous devons nous libérer du joug des agences Fitch, Moody’s et Standard & Poor’s, qui, on ne sait sur quels critères, dégradent les notes de solvabilité des États européens. Ces agences, détenues par les puissants de la finance tels Warren Buffett ou Marc Ladreit de Lacharrière, sont financées directement par les banques et leurs gros clients. Or, ce sont ces mêmes banques qui profitent actuellement des difficultés de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne.
Nicolas Sarkozy, en 2008, a feint de s’attaquer au problème, lorsqu’il disait : « Les agences de notation doivent être sanctionnées, car elles n’ont pas fait leur travail ». Qu’a-t-il fait dans ce sens ? Il a décoré en 2010 Marc Ladreit de Lacharrière, l’actionnaire majoritaire de Fitch, de l’Ordre national de la Légion d’honneur. Voilà comment le Président de la République punit les coupables, les fautifs, les incompétents, les incapables ! Oui, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas l’ignorer, puisque cette décoration a dû être remise sur votre contingent, peut-être sans vous demander votre avis : les relations amicales, il les règle lui-même. Vous voyez, il y a des choses scandaleuses !
Mes chers collègues, 93 % des produits notés AAA en 2006 et 91 % de ceux de 2007 ont été dégradés depuis au statut de créance pourrie. Cela devrait vous faire réfléchir sur les agences de notation et sur les amitiés coupables du Président de la République.
L’augmentation du SMIC et la création d’une agence publique de notation européenne sont des exemples de mesures qui peuvent être mises en œuvre immédiatement.
Monsieur le ministre, le système que vous placez sur un piédestal n’est ni plus ni moins que la négation de notre devise républicaine. Entre rafistoler et rompre avec le système, notre groupe choisit de rompre. Le sujet n’est pas d’améliorer la situation actuelle ; c’est d’en sortir.
Je dirai simplement que notre pays a le rayonnement, le poids historique et le poids politique pour être à l’initiative. Tout cela est une question de choix politiques, comme le disait Romain Rolland, il est clair, monsieur le ministre, que nous ne faisons pas les mêmes choix que vous. Les Français le savent, et vous le signifieront le moment venu. En attendant, je vous demande, mes chers collègues, de voter notre motion.

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Jean-Pierre
Brard

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