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Réformer l’adoption

Depuis le décret du 18 janvier 1792, introduisant l’adoption dans le droit français, jusqu’à la loi de 2016, dix-sept lois ont réformé l’adoption. Ces réformes suivent les évolutions de la société, mais doivent aussi, et surtout, prendre les dispositions nécessaires pour rendre notre système aussi protecteur que possible du bien-être des enfants reconnus pupilles de l’État.

Dans son exposé des motifs, la proposition de loi affirme la volonté d’agir en faveur de « l’intérêt supérieur de l’enfant et la volonté de donner une famille à l’enfant et non l’inverse ». Nous partageons cet objectif. Le texte s’appuie sur les préconisations du rapport, rendu public le 1er octobre 2019, issu des travaux menés par la rapporteure Monique Limon et la sénatrice Corinne Imbert. Je salue leur travail sérieux, ainsi que les nombreuses et riches préconisations issues de leur rapport.

Je regrette néanmoins les conditions dans lesquelles la représentation nationale examine une réforme aussi importante que celle de l’adoption. Nous parlons de l’avenir d’enfants délaissés et d’enfants nés sous le secret : un sujet aussi sensible mérite que les parlementaires prennent le temps d’y travailler sereinement, pour y apporter des réponses adaptées. Malheureusement, une fois encore, nous examinons une proposition de loi qui n’est assortie ni d’une étude d’impact, ni d’un avis du Conseil d’État. Comment nous assurer que les mesures que nous voterons n’auront pas d’effets négatifs, mal évalués en raison d’un examen trop rapide ? Pourquoi avoir choisi d’enclencher la procédure accélérée, nous privant de plusieurs navettes entre les deux chambres, propices à affiner les mesures ?

Ces questions paraissent légitimes, alors que Mme la rapporteure a modifié sa proposition initiale par plusieurs amendements en commission des lois. À vouloir trop vite légiférer, on se prive aussi de l’apport des acteurs associatifs.

Pourtant, le texte vise trois objectifs majeurs : faciliter et sécuriser l’adoption, tout en améliorant le fonctionnement des conseils de famille ; renforcer le statut de pupille de l’Etat ; améliorer les autres dispositions relatives au statut de l’enfant. Nous partageons pleinement ces objectifs, et la quasi totalité des dispositions prévues par la proposition de loi nous paraissent aller dans le bon sens.

Nous nous félicitons ainsi de l’ouverture du droit à l’adoption aux couples en concubinage et pacsés, et non plus aux seuls couples mariés : la proposition de loi mettra fin à des différences de traitement entre les couples hétérosexuels et homosexuels mariés, et les couples hétérosexuels et homosexuels non mariés. Le texte consacre par ailleurs le double lien de l’enfant, afin de valoriser l’adoption simple. Enfin, le renforcement des droits des pupilles de l’État constitue une mesure importante pour les droits de l’enfant.

Toutefois, le rapport de Caroline Limon et Corinne Imbert nous alerte sur la non-application de la loi de 2016 dans certains départements. Il appartient à l’État de la faire respecter partout dans le territoire. Nous nous inquiétons que la présente loi ne soit pas non plus appliquée, si l’État ne confère pas les moyens afférents aux départements.

Nous nous interrogeons également sur plusieurs articles, tels qu’ils ont été rédigés à l’issue de l’examen en commission. L’article 9, qui autorise à modifier le prénom de l’enfant sans son consentement jusqu’à l’âge de 13 ans, pose ainsi problème quant à l’identité de l’enfant. Le prénom est un élément d’identification, et représente une part non négligeable de l’identité. Quel motif pourrait nécessiter un changement brusque du prénom de l’enfant, sans son consentement, jusqu’à l’âge de 13 ans ?
L’article 9 bis pose également question. Lors de séparations, il permet aux femmes qui ont accompagné leur compagne dans une PMA, sans porter l’enfant, d’adopter ce dernier malgré le désaccord de la mère ayant porté l’enfant. Ce sujet aurait dû être tranché lors de l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique. Or il ne l’a pas été ; nous devons donc en débattre à nouveau dans l’hémicycle, bien que le texte soit examiné dans des conditions rapides et sans commission spéciale, contrairement au projet de loi relatif à la bioéthique.

Nous regrettons également que le Gouvernement cherche, une fois de plus, à passer outre le Parlement, avec son amendement n° 491 visant à l’autoriser à légiférer par voie d’ordonnance. Nous désapprouvons cette méthode – devenue une habitude –, qui ne nous permet pas de remplir notre rôle de parlementaires.

Pour toutes ces raisons, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine arrêtera son vote à l’issue des débats, en espérant que ceux-ci apporteront toutes les réponses nécessaires pour légiférer positivement sur un sujet complexe mais essentiel pour tant d’enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

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Marie-George
Buffet

Députée de Seine-Saint-Denis (4ème circonscription)

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