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Ratification accord entre l’Union européenne et le Japon

J’essaie une nouvelle fois, car je crois avoir fait avancer mes idées ; certains les ont reprises, et nous avons une deuxième chance de corriger les choses.

Si la Commission européenne et les États membres de l’Union européenne n’ont tiré aucune leçon des conséquences sociales et environnementales des précédents accords de libre-échange, ils ont, en revanche, très vite appris à contourner les peuples pour les faire adopter. En effet, par crainte de voir la ratification d’un traité leur passer sous le nez, comme ce fut le cas pour l’accord mixte de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, à la suite de l’opposition de la Wallonie, la Commission européenne et le Gouvernement ont adopté une nouvelle stratégie. Dorénavant, les accords de libre-échange mixtes qui demandent une ratification du Parlement européen et des parlements nationaux, cela n’existe plus ; l’Union européenne préfère découper les accords, comme c’est le cas ici avec l’accord de libre-échange entre le Japon et l’Union européenne. C’est le retour des accords non mixtes. Comment ? En séparant tous ces accords en deux ; d’un côté, les accords commerciaux, qui sont de la compétence exclusive de l’Union européenne ; de l’autre, ce qui doit être ratifié par les Parlements nationaux.

Résultat : aucun débat à proprement parler n’a eu lieu sur l’accord de libre-échange à l’Assemblée nationale ni au Sénat ; aucun rapport parlementaire n’en a étudié les effets politiques, économiques, sociaux et écologiques. Les citoyens ne sont pas tenus au courant des implications de l’entrée en vigueur d’un tel accord. Ainsi, d’un côté, l’Union européenne peut continuer à négocier les accords commerciaux dans la plus grande opacité, sans se soucier des considérations des peuples pourtant directement affectés par ses décisions ; de l’autre, elle peut remettre à plus tard tous les sujets brûlants pouvant ralentir la ratification, et notamment la question de la protection des investissements et des mécanismes de règlement des différend, qui feront l’objet d’un futur accord. Ratifiez déjà cela, chers collègues, on parlera de ce qui fâche plus tard ! Mais ce n’est pas grave : l’accord sera entré en vigueur entre-temps. En choisissant de découper les accords de petits morceaux, les dirigeants européens ont validé un processus d’approbation court et totalement non démocratique.

Cette méthode n’est pas acceptable, chers collègues. Et la stratégie de l’enfumage ne s’arrête pas là : pour faire passer la pilule de l’accord de libre-échange, l’Union européenne propose en parallèle un accord de partenariat stratégique avec le Japon qui esquive adroitement toutes les questions économiques et commerciales. Ce sont les deux faces d’une même pièce, comme je l’ai démontré tout à l’heure : un accord économique de libéralisation des échanges et un accord politique, plein de belles intentions, affiché pour faire passer le reste.

L’enjeu de ce partenariat stratégique est ainsi de renforcer la coopération entre l’Union européenne et le Japon dans plus de quarante domaines et de promouvoir les valeurs communes à l’Union européenne et au Japon. Mais de quelles valeurs parle-t-on ? Car, au-delà de l’affichage positif, si l’on creuse, on se demande pourquoi nous n’avons pas été plus fermes dans les négociations. Il semblerait que nous ayons cédé sur presque toutes nos supposées valeurs : sur la question des droits humains et des libertés fondamentales, le Japon n’a pas ratifié les deux conventions fondamentales de l’OIT, la première sur la discrimination en matière d’emploi et de profession, et l’autre sur l’abolition du travail forcé. Le pays régresse – pas progresse, régresse ! – fortement en matière d’égalité hommes-femmes ; il ne respecte pas ses engagements relatifs à la convention internationale des droits de l’enfant lorsque ceux-ci sont privés de tout contact avec l’un de leurs parents au Japon. Dix ans de discussions sur ce traité, et une régression sur les valeurs ! C’est bien la preuve que le traité ne fait pas progresser les choses.

Quelles sont nos valeurs communes sur les questions environnementales, lorsque l’on sait que le Japon est le principal marché de bois illégal au monde et que rien n’est prévu pour y remédier dans l’accord ? Quelles sont nos valeurs communes en matière de pêche, alors que le Japon a repris celle, à visée commerciale, de la baleine depuis deux ans et que rien n’a été fait pour l’empêcher ? Vous ne me ferez pas croire que les négociateurs ignoraient cette évolution il y a deux ans, ce n’est pas vrai ! Qu’ont-ils fait ? Rien ! Qu’ont-ils dit ? Rien ! Ni le Gouvernement, ni les négociateurs européens.

Cet accord aurait pu servir de modèle. Ce matin, vous nous rétorquez finalement qu’il vise à remédier aux problèmes soulevés par l’accord de libre-échange avec le Japon, alors qu’il ne prévoit aucune contrainte concernant le respect de l’environnement et des droits fondamentaux.

Face à la stratégie malhonnête déployée par l’Union européenne pour faire adopter ces outrages commerciaux, aux lacunes et aux incohérences de cet accord, Bruno Fuchs indiquait tout à l’heure que celui-ci est le résultat de plus de dix ans de négociations. Je ne le nie pas. Le secrétaire d’État indique quant à lui que, depuis quatre ans que cette majorité est arrivée au pouvoir, elle essaie de faire bouger les lignes, en prévoyant des contraintes supplémentaires, en matière d’environnement, entre autres. Mais alors, pourquoi ne pas croiser les approches et repasser les dix ans de travail sur l’accord au crible de cette nouvelle position française ?

Il faut que le Parlement aide l’exécutif, puisque, si celui-ci est lié par sa signature, la ratification est encore en cours.

Nous pouvons donc, en rejetant cet accord, donner la clé au Gouvernement pour inviter les négociateurs à le passer au crible des valeurs de notre pays.

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Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)
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