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Pt Sénat orientation et programmation du ministère de l’intérieur - LOPMI

Le projet de loi que nous examinons ce soir est un texte de programmation, mais aussi un texte d’orientation. Or nous le disons sans détour : selon nous, ces orientations ne permettront d’améliorer ni la sûreté de nos concitoyens ni le lien de confiance entre les forces de l’ordre et la population.

Au fond, ce projet de loi est à l’image des lois sécuritaires qui se sont accumulées depuis vingt ans, à raison d’une tous les deux ans, sans véritable évaluation. Il s’inscrit dans la continuité de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, que le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES n’est pas le seul à avoir contesté. Le présent projet de loi entérine la politique du chiffre et la mise en danger de nos libertés fondamentales ; il réaffirme des consignes politiques qui visent à se protéger du peuple, surtout quand certains contestent ou qu’ils ne semblent pas nés sous une bonne étoile.

Monsieur le ministre, vous avez obtenu un arbitrage très favorable de Bercy. Plus de la moitié des crédits du ministère seront consacrés à sa révolution numérique avec le déploiement de la vidéosurveillance, des caméras-piétons et des frontières connectées. Notons que cet équipement dit de pointe ne remplacera jamais une présence humaine de proximité. Nous manquons pourtant d’agents de proximité.

Le rapprochement entre le ministère de l’intérieur et les citoyens devait faire partie des objectifs principaux du texte. Rappelons que le Beauvau de la sécurité a eu lieu après l’arrestation et le tabassage de Michel Zecler, dont nous gardons tous en mémoire les images terrifiantes, et après qu’Emmanuel Macron a reconnu les problèmes liés au contrôle au faciès et les violences policières. Malheureusement, le projet de loi ne tire nullement les conséquences des déclarations du Président de la République et ne prend pas les mesures qui pourraient permettre de rétablir le lien de confiance entre la police et la population. Le texte amplifie la dématérialisation du ministère au moment même où son évaluation dans les services publics a démontré qu’elle engendre l’exclusion d’un grand nombre de nos concitoyens.

S’agissant du rapprochement entre le ministère de l’intérieur et les citoyens, le point 2.6 du rapport annexé – « S’assurer que le ministère de l’intérieur ressemble davantage aux Français » – est non seulement imprécis, mais stigmatisant. Rien n’est fait concrètement pour améliorer les rapports entre la police et la population à l’exception de l’organisation de stages pour les enfants de 11 ans au sein de la gendarmerie nationale. Pour les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine, la confiance ne se décrète pas, elle se gagne. Le moteur de la confiance, c’est l’égalité. Les habitantes et les habitants des quartiers populaires demandent la sûreté et le respect de leur droit à la dignité (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR-NUPES, SOC et Écolo-NUPES), tout comme les hommes et les femmes racisés – j’utilise à dessein ce terme sociologique, plus rigoureux que le vocabulaire approximatif du rapport annexé !

En décembre 2020, je l’ai dit, le Président de la République a reconnu l’existence des contrôles au faciès et de violences de la part de certains policiers. Le projet de loi ne donne aucune suite à ces propos. Pis, il semble adopter ce dangereux slogan scandé devant nos portes : « Le problème de la police, c’est la justice. » Nous condamnons fermement cette logique qui imprègne le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi). (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

Les amendements déposés par le groupe GDR et par les députés de la NUPES tentent, en dépit des contraintes imposées par l’article 40 de la Constitution, de dessiner les contours d’une police qui protège mieux, faite de gardiens de la paix plutôt que de forces de l’ordre. Vous ne serez pas surpris que nous y défendions le déploiement d’une véritable police de proximité, dotée d’agents de police au plus près du terrain, et, parallèlement, l’élaboration d’une nouvelle doctrine d’emploi permettant d’établir un lien étroit et constant entre la police et la population pour répondre au mieux à ses besoins.

Les conditions de travail des policiers et des gendarmes, comme celles de tous les fonctionnaires, se dégradent année après année. L’explosion des dépressions et des suicides au sein de la police et de la gendarmerie nationales en est la preuve. Trop peu de psychologues accompagnent les gardiens de la paix après des traumatismes. Les policiers sont également nombreux à témoigner de la perte de sens de leur métier, d’autant que les ordres qu’ils reçoivent accentuent les conflits avec la population. À cet égard, nous soutenons la mobilisation des agents de la police judiciaire inquiets de la liquidation de leurs missions et de leurs compétences. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

Nous défendrons plusieurs amendements au cours du débat, mais le temps me manque et je me bornerai à citer un point qui nous tient à cœur : le maintien de l’ordre en France doit entamer sa désescalade, dans un processus exactement inverse à celui proposé par le projet de loi.

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