Interventions

Discussions générales

Pt Règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2011

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le texte qui nous intéresse cet après-midi nous permet de revenir sur l’échec de la politique budgétaire du précédent gouvernement et de la précédente majorité, car c’est bien de leur bilan qu’il s’agit. Notre rapporteur général Christian Eckert le rappelle avec plus de douceur, en soulignant que « l’apparente bonne gestion que le précédent gouvernement avait mise en relief doit être fortement relativisée » : c’est un euphémisme !
La réalité est têtue pour nos collègues de l’opposition : record de déficit public, record de dette publique, record de déficit commercial, croissance en panne, chômage en constante progression sont les signes de la véritable faillite d’une politique budgétaire et d’une politique économique et sociale qui ont abîmé la France durant cette dernière décennie. Et les conséquences en sont lourdes, avec un pouvoir d’achat en recul, la multiplication des défaillances d’entreprises et l’accroissement du nombre de nos concitoyens touchés par la pauvreté.
C’est également cette politique économique qui a conduit à la catastrophe de la désindustrialisation, en se fondant sur le mythe d’une économie sans industrie ou, comme le disait un grand patron au début des années 2000, de l’entreprise sans usine. La fameuse course à la compétitivité, doublée d’une soumission de l’économie réelle aux marchés financiers, aura été destructrice pour la production nationale, pour nos concitoyens et pour nos territoires.
Bien entendu, nos collègues de l’opposition ne manquent pas d’invoquer, voire de convoquer la crise comme témoin majeur de la défense. Or la crise, c’est d’abord la crise d’un système financier que les gouvernements européens n’ont cessé d’entretenir. Et puis, comme le souligne la Cour des comptes, la crise ne peut être appelée à expliquer le déficit de nos comptes publics que pour le tiers de la facture ! Les deux autres tiers sont des déficits structurels, avec cinq années où ces déficits auront été compris entre 3,3 % et 5 % du produit intérieur brut. La crise a donc bon dos pour justifier l’explosion de la dette publique de plus de 700 milliards d’euros.
Alors, en s’appuyant sur une situation budgétaire intenable, il est de bon ton de mettre en accusation le niveau des dépenses publiques et sociales de notre pays. Pourtant, le rapport de la Cour des comptes, tout comme le rapport produit en juillet 2010 par le président Carrez – alors rapporteur général – montrent qu’il ne s’agit pas d’un excès de dépenses mais bien d’un déficit de recettes.
Si l’on prend les chiffres de 2007 à 2011 pour les dépenses nettes, l’exécution budgétaire nous indique une progression de 21 milliards d’euros, soit une croissance de 7,7 %, du même niveau que l’inflation mais guère plus. Concernant les recettes nettes en revanche, sur la même période des cinq exercices budgétaires de la précédente législature, on constate une perte de 31 milliards d’euros, soit une diminution en euros constants de plus de 20 %, la loi TEPA étant l’élément emblématique et le plus injuste de cette diminution. Oui, c’est bien une perte de recettes organisée et orchestrée qui est à l’origine du déficit structurel et de la dette.
L’exécution du budget 2011 ne fait donc que confirmer l’échec d’une politique privilégiant les plus aisés et multipliant les niches fiscales et sociales inefficaces pour l’emploi, le développement, le service public, dont je rappelle que le total atteint 172 milliards d’euros !
Comme le disait Roosevelt : « Être gouverné par l’argent organisé est aussi dangereux que par le crime organisé. »
M. André Chassaigne. Excellent !
M. Nicolas Sansu. C’est de cette tyrannie des marchés financiers qu’il va nous falloir sortir, et l’examen de ce projet de loi de règlement pour 2011 nous montre que des chemins audacieux pour desserrer l’étau des marchés financiers n’ont pas été explorés. La majorité de gauche, qui a aujourd’hui tous les pouvoirs dans le pays, devra s’y atteler.
Je pense d’abord à l’épineuse question de l’évasion fiscale, estimée selon les travaux actuels du Sénat entre 30 et 50 milliards d’euros, et face à laquelle le fatalisme ne pourra servir de boussole.
Il est ensuite nécessaire de remettre à plat les mesures dérogatoires déclassées en 2006, le régime des sociétés mères-filles, le régime d’intégration fiscale des groupes et la taxation au taux réduit des plus-values à long terme provenant des cessions de titres de participation. Le poids de ces mesures, selon le Conseil des prélèvements obligatoires, atteint 71 milliards d’euros.
Enfin, il y a le problème de la charge des intérêts financiers de la dette, qui représente plus de 50 milliards d’euros en 2011. Nous avons à réfléchir sur la pertinence de nos outils de financement.
Rappelons-nous que c’est par une loi « Pompidou-Giscard » du 3 janvier 1973, confirmée par une loi du 4 août 1993 – drôle de restauration des privilèges… – que le choix a été fait de mobiliser la force de l’État pour promouvoir le marché financier et soutenir les opérations financières des banques ordinaires. En pratique, cela signifie qu’on interdit à la République française l’accès direct à la création monétaire de la Banque centrale, en l’obligeant à emprunter auprès des banques privées sur les marchés d’obligations, à des taux d’intérêt qui dépendent de la conjoncture.
Cette règle, aujourd’hui européenne, conduit au paradoxe d’une politique budgétaire très restrictive, doublée d’une politique monétaire laxiste… mais laxiste en faveur des banquiers. Il n’y a que les établissements bancaires pour obtenir 1 000 milliards d’euros à un taux d’intérêt de 1 %, alors que l’inflation est à 2,5 % dans la zone euro. C’est ainsi qu’ils reconstituent leurs marges pour redistribuer des bonus aux traders et aux dirigeants. Quelle triste réalité ! Au passage, notons que l’injection de ces 1 000 milliards d’euros, qui représentent 11 % du PIB européen, n’a même pas réussi à faire sortir la tête hors de l’eau à une zone euro qui s’enfonce dans la crise.
Nous aurons l’occasion de revenir à cette question majeure du financement public, et nous saluons évidemment le pas en avant qui a pu être réalisé avec l’annonce d’une Banque publique d’investissement, car il faut sortir des griffes des marchés financiers.
Même si, aujourd’hui, d’aucuns se glorifient d’emprunts à taux négatif à trois ou six mois – donc à très court terme –, n’oublions pas que la volatilité des marchés et leurs critères sont très déstructurants pour notre économie réelle. La une des Échos de ce jour est édifiante : en même temps qu’elle annonce ce record d’emprunt à taux négatif, elle annonce le record du nombre de défaillances de PME. En effet, comme le dit l’adage, nul ne peut servir deux maîtres à la fois. Soit les politiques publiques sont au service des peuples, soit elles sont au service des rentiers. Force est de constater que l’ancien gouvernement et l’ancienne majorité avaient fait le choix de la rente contre l’emploi, le choix de la rente contre la justice, le choix de la rente contre la solidarité !
Si, techniquement, nous ne pouvons que donner quitus sur l’exécution budgétaire 2011, ce sont les choix structurels qu’il faut remettre en cause, et les élus du Front de gauche du groupe de la Gauche démocrate et républicaine seront pleinement mobilisés pour réussir cette transformation aussi radicale que nécessaire.
Nous serons demain, messieurs les ministres, une force de proposition pour une refonte globale de la fiscalité qui la rende plus progressive et qui traite le capital et le travail de manière équivalente, afin que les dépenses publiques et sociales soient préservées au bénéfice d’abord des classes modestes et des classes moyennes. Car si l’argent public est rare, comme je l’ai entendu, l’argent privé, lui, ne l’est pas, et nous démontrerons, lors des débats à venir, que le monde n’a jamais été aussi riche.
Nous serons une force de proposition pour que les collectivités locales, bien malmenées depuis cinq ans, retrouvent le dynamisme qui permet de porter localement le service public et l’investissement public. Le chemin de l’austérité pour les finances locales serait en effet destructeur.
Nous serons une force de proposition pour que la tyrannie des marchés financiers, qui s’opère au détriment des peuples – et on en voit les conséquences chez nos voisins, mais aussi en France –, soit réellement mise à genoux.
L’urgence sociale, l’urgence économique, qui sont plus prégnantes que jamais, exigent que des mesures inédites de relance, de nouveaux modes de financement, de nouvelles règles européennes soient mises en œuvre.
Au nom des députés du Front de gauche du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je peux vous assurer que nous prendrons toute notre part à ce débat public, dans le seul intérêt de notre pays et de nos concitoyens.
Conformément aux votes du groupe de la Gauche démocrate et républicaine sur la loi de finances initiale et les différentes lois de finances rectificatives de 2011, nous nous prononcerons contre le texte qui nous est présenté, même si nous savons qu’il ne s’agit que d’un document d’exécution. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et plusieurs bancs du groupe SRC.)

Imprimer cet article

Nicolas
Sansu

Député de Cher (2ème circonscription)

Sur le même sujet

Finances

A la Une

Dernière vidéo de Nicolas Sansu

CETA : le gouvernement cherche à nous empêcher d'inscrire le texte à l'Assemblée le 30 mai En savoir plus

Thématiques :

Affaires économiques Lois Finances Développement durable Affaires sociales Défense nationale Affaires étrangères Culture et éducation Voir toutes les thématiques