Au lendemain de la réforme des retraites, c’est-à-dire après avoir fait imposer aux Français, par 49.3, deux années supplémentaires de travail, Emmanuel Macron promettait « un nouveau pacte de la vie au travail ». Si un tel pacte a été conclu, ce n’est apparemment pas avec les travailleurs et les privés d’emploi ! Le projet de loi sur lequel nous devons nous prononcer rendra en effet la vie au travail encore plus dure qu’elle ne l’est.
Ses dispositions reposent sur une fable, celle d’une inversion de la courbe du chômage que démentent les derniers chiffres de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) comme les projections de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et de la Banque de France, qui prévoient une remontée du taux de chômage jusqu’à presque 8 % dès la fin de l’année 2024.
Certes, ce taux a baissé depuis 2017, mais au prix de réformes qui, de plus en plus, mettent à mal le dialogue social, au prix d’une réduction de l’accès aux droits des chômeurs, d’un nombre toujours croissant de radiations des listes de demandeurs d’emploi – désormais un cas sur dix de sortie des listes –, de retours à l’emploi toujours plus fragiles, d’une précarisation galopante.
Selon l’Insee, la pauvreté concerne désormais 1,2 million de travailleurs et 40 % des chômeurs. Parmi les allocataires du RSA, auxquels votre texte s’en prend violemment, 65 % vivent sous le seuil de pauvreté.
Votre lutte contre le chômage n’est pas celle que promeut le groupe des députés communistes et ultramarins, une lutte pour le travail, vecteur de dignité, d’émancipation, de valorisation et d’unité collective. Au lieu de vous placer du côté des aspirations, des besoins des travailleurs et des privés d’emploi, vous vous tenez résolument du côté du marché du travail, dont les règles sont profondément inégalitaires et violentes.
Aussi votre projet de loi pour le plein emploi fait-il l’impasse sur la question de l’emploi, de sa qualité. Ce n’est pas pour rien que Pôle emploi devient France travail ne subsiste que l’injonction au travail, quel qu’il soit. L’étau se resserre sur les privés d’emploi et les allocataires du RSA, menacés de sanctions de plus en plus rigides.
D’ailleurs, avec votre texte, il n’y aura plus de « demandeurs d’emploi », mais des « inscrits » – jusqu’au conjoint ou concubin d’un allocataire du RSA – sur une liste de demandeurs d’emploi, qu’ils soient ou non disponibles pour occuper un poste.
Tout le monde sera soumis au même contrat d’engagement, dont la CMP a pris soin de supprimer la notion de réciprocité, histoire que ces femmes, ces hommes, n’aient vraiment plus droit à la parole. Que devient un contrat, s’il n’est pas réciproque ? Un régime d’obligations et de sanctions, alors qu’il y a huit fois plus de demandeurs d’emploi que d’emplois vacants !
Votre stratégie vise ainsi à rendre invisibles les personnes en proie aux plus grandes difficultés sociales, « inemployables », pour parler votre langage. C’est ainsi que vous ferez baisser le taux de chômage !
Le texte consacre également l’idée, dangereuse et malsaine, qu’être privé d’emploi est une faute, que le chômage est une oisiveté. Vous avez choisi de suivre la droite en conditionnant le RSA à 15 heures au moins d’activité par semaine, sans jamais préciser la nature de cette activité. Ce faisant, vous remettez en cause, frontalement, nos principes de solidarité et vous transformez en allocation de retour à l’emploi une allocation de subsistance. En outre, n’en étant plus à une confusion près, vous financerez France Travail en ponctionnant indûment l’Unedic, autrement dit en détournant les cotisations des actifs destinées à l’assurantiel.
Je ne m’attarderai pas sur l’article 10, réintroduit par la CMP, qui fait des communes les autorités organisatrices en matière d’accueil de la petite enfance sans pour autant leur en donner les moyens, rejouant le mauvais scénario du transfert aux départements de responsabilité du RSA. Quand on voit ce que le projet de loi fait du RSA, on ne peut être que très sceptique concernant l’avenir d’un service public, maintes fois promis, de la petite enfance.
Pour toutes ces raisons, le groupe Gauche démocrate et républicain votera contre ce texte de régression sociale, de lutte acharnée contre les travailleurs et les privés d’emploi.
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.)