Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission et rapporteur, mes chers collègues, alors que nous sommes au terme du parcours de la loi de programmation militaire, à quelques minutes d’engager 295 milliards d’euros, je ne peux m’empêcher de faire un constat alarmant.
Nous débattons de cette programmation dans un contexte international, dans lequel les conflits n’ont jamais été aussi nombreux, s’attisent et se prolongent, avec un président et une administration américains qui ont fait le choix d’entretenir une instabilité permanente en matière diplomatique et de sécurité. La rupture brutale de l’accord de paix sur le nucléaire iranien fait désormais partie de la longue liste de ces décisions irresponsables, qui défont progressivement les acquis et les efforts internationaux et multilatéraux au service de la paix dans le monde.
Cette dérive états-unienne vers un unilatéralisme autoritaire devrait clairement nous amener à une réflexion de fond, tant sur notre action diplomatique que sur nos choix stratégiques en matière de défense. Quel niveau de crédibilité peut avoir la France quand elle reste suiviste d’une politique américaine qui n’est au service que de ses intérêts de puissance au détriment de la paix mondiale ? Avec notre intégration pleine et entière dans l’OTAN, ce n’est pas seulement une vision atlantiste de nos relations internationales qui en jeu ; c’est d’un renoncement à nos valeurs universelles et à une culture de paix qu’il est question.
Comment tenir un discours cohérent en accompagnant les choix américains de non-respect des résolutions de l’ONU, les déstabilisations régionales à des fins stratégiques et économiques, les ingérences militaires, voire le développement de guerres par procuration ? Peut-on sereinement parler de programmation militaire nationale, et notamment de son implication en matière de souveraineté de la France, en ne débattant pas de ces enjeux fondamentaux ? Je ne le crois pas. Et c’est d’abord pour cela que nous ne soutenons pas ce projet de loi.
Si ce débat de fond avait eu lieu, madame la ministre, sur une politique de défense souveraine, je suis persuadé que nous aurions trouvé des chemins communs pour répondre avec la même voix aux fortes attentes de nos militaires. Mais cette perspective a été douchée par la vision du Président de la République, qui a affirmé, dans son discours de la Sorbonne, que « notre objectif doit être la capacité d’action autonome de l’Europe, en complément de l’OTAN. » C’est désormais fait, avec l’initiative européenne d’intervention – IEI –, dont l’objectif revendiqué par les ministres de la défense des neuf États participants est « le partage du fardeau réclamé par l’administration américaine ».
Ce projet de loi de programmation militaire en est l’expression la plus frappante. Il s’agit, en effet, de moderniser nos armées sans procéder à un audit de leurs véritables besoins, avec pour seule boussole budgétaire d’atteindre 2 % du PIB, pour répondre à l’injonction de l’OTAN, soufflée par les industriels de l’armement pour nous vendre du matériel militaire ! Qu’elle est loin, la France indépendante et fière de ses choix !
Notre refus de soutenir le projet de loi de programmation militaire se fonde également sur la proportion des moyens qu’il consacre à la mise en œuvre du plan de modernisation nucléaire. Sans rien savoir de ce programme, nous allons valider qu’on y consacre 37 milliards d’euros !
Non seulement cette somme est totalement démesurée à nos yeux, mais elle suggère que nous ne nous soucions pas de l’image que ces choix donnent de la France en matière de lutte contre la prolifération nucléaire et pour la diminution des armes nucléaires – ambition pourtant inscrite dans le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.
En effet, il paraît bien difficile d’évoquer des « modifications à puissance constante » lorsqu’on généralise les missiles de nouvelle génération. Quant à la puissance de notre arsenal nucléaire, elle est déjà mille fois supérieure à celle déployée à Hiroshima !
Tandis que seront décidées aujourd’hui, si rapidement – si superficiellement – les orientations de notre pays en matière de moyens militaires, j’émettrai le souhait qu’à l’avenir, ces vrais enjeux de fond soient débattus par la représentation nationale et par les Français eux-mêmes.
Vous l’aurez compris, madame la ministre, chers collègues, si le groupe GDR vote contre le projet de loi de programmation militaire pour les années 2019-2025, ce n’est pas parce qu’ils se désintéresse des besoins des femmes et des hommes engagés pour assurer quotidiennement leurs missions au service de la sécurité et de la défense de tous les Français, mais parce que le débat sur le texte a délibérément évacué les questions stratégiques et politiques de fond qui devraient être préalablement mises en débat avant toute programmation. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)
Discussions générales
Programmation militaire pour les années 2019-2025 - CMP
Publié le 27 juin 2018
André
Chassaigne
Président de groupe
Député
du
Puy-de-Dôme (5ème circonscription)