Nous nous retrouvons pour débattre d’une proposition de loi très attendue par les infirmiers. Je l’attendais aussi car la demande de reconnaissance de ces professionnels est légitime et pressante. Chaque jour, 640 000 infirmiers interviennent auprès des patients, qu’il s’agisse de prodiguer des soins quotidiens ou d’assurer des soins très techniques, qu’ils interviennent en libéral ou dans un établissement, public ou privé. Ils participent activement à tenir à bout de bras un système de soins malheureusement à bout de souffle. Dans leurs missions, ils constituent, autant que tout autre soignant, un maillon essentiel de la prévention et du soin.
Pour toutes ces raisons, nous leur devons la reconnaissance qu’ils revendiquent et qui passe notamment par la définition claire de leurs missions dans la loi. Leur exercice est actuellement encadré par un décret listant leurs tâches qui n’a pas été revu depuis une vingtaine d’années. La proposition de loi vient donc utilement fixer le socle des compétences des infirmiers dans le code de la santé publique.
Nous approuvons également la mesure prévoyant un élargissement des lieux d’exercice des infirmiers en pratique avancée. Il nous semble en effet que leurs compétences les disposent tout à fait à intervenir dans les services de protection maternelle et infantile (PMI), dans ceux de l’aide sociale à l’enfance (ASE) ou en santé scolaire, des secteurs qui manquent cruellement de présence soignante.
Ces dispositions vont dans le bon sens. Par ailleurs, l’examen en commission a permis d’enrichir le texte, qu’il s’agisse d’expérimenter l’accès direct aux infirmiers ou d’inscrire dans le code de la santé publique le rôle de premier recours des infirmiers en pratique avancée.
Toutefois, pour que la reconnaissance des infirmiers soit complète, il faut que se concrétise la démarche d’ensemble, entreprise depuis plusieurs années, visant à une refonte de la profession et de la formation des infirmiers. En mai 2023, l’ancien ministre de la santé et de la prévention François Braun annonçait le lancement d’une grande concertation sur la formation des infirmiers et la définition de leurs missions. La refonte de la formation a été décalée deux fois : initialement prévue pour septembre 2024, elle a été reportée à septembre 2025. Nous souhaitons, comme les infirmiers, que cette nouvelle échéance soit tenue. En effet, sans refonte de la formation, les universités et les instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) ne seront pas en mesure de concrétiser certaines avancées contenues dans la proposition de loi.
Enfin, les députés communistes et des territoires dits d’outre-mer du groupe GDR tiennent à rappeler une autre attente de la profession, celle d’une revalorisation salariale à hauteur de la formation et des missions assumées, notamment pour l’exercice en pratique avancée. Il y a quelques jours, l’Union nationale des infirmiers et infirmières en pratique avancée (Unipa) a publié les résultats d’une consultation nationale des IPA. Elle souligne plusieurs points d’alerte : la difficulté d’intégration et la rémunération au sein de la fonction publique hospitalière, l’absence de grilles adaptées dans les fonctions publiques territoriales et d’État, la baisse de revenus en libéral, mode d’exercice que beaucoup d’étudiants considèrent désormais comme non viable. Or, selon les projections de France Stratégie et de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), il faudra 60 000 postes d’infirmiers supplémentaires d’ici à 2030 pour faire face aux nombreux départs en retraite et à l’augmentation de la demande de soins liée au vieillissement de la population.
La revalorisation salariale de l’ensemble de la profession ne peut donc plus attendre. Elle est la contrepartie logique et légitime d’une refonte de la formation et de la profession des infirmiers dans son ensemble. Si le gouvernement ne s’empare pas de cette question, le travail que nous nous apprêtons à accomplir demeurera malheureusement inabouti, ce qui causerait aux infirmiers une certaine amertume. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme la rapporteure applaudit également.)
Discussions générales
Profession d’infirmier - PPL
Publié le 10 mars 2025
Yannick
Monnet
Député
de l'
Allier (1ère circonscription)