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Pouvoirs publics : 5ème alinéa, article 13 de la Constitution (pouvoir de nomination du Président de la République)

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Verchère vient d’affirmer qu’il s’agissait aujourd’hui d’une des dispositions les plus importantes pour notre assemblée. Pour autant, au vu de ce qui se passe ce soir, je dirais plutôt, comme Tristan Bernard : « Venez armé, l’endroit est désert ! » (Sourires.)
Pour autant, à l’occasion de cette nouvelle lecture, les députés communistes n’entendent pas divaguer sur le problème de l’interdiction des délégations de vote au sein des commissions compétentes pour émettre un avis sur les nominations présidentielles.
Nous considérons en fait qu’il s’agit d’un non événement, à l’image de ce que vient d’être la présentation de notre collègue et président de la commission des lois M. Warssermann. (Murmures.) Nous avons ressenti un certain enfumage du problème.
Notre position sur ce simulacre de réforme est qu’elle est vide de tout contenu réel, puisque le Parlement ne pourra pas matériellement – ce qui est la vraie question politique posée –, s’opposer à une nomination. La majorité des trois cinquièmes ne sera jamais atteinte, fort heureusement, d’ailleurs !
La nomination du PDG d’EDF, Henri Proglio, a permis de démontrer l’inanité de la procédure. Alors que les commissions compétentes n’ont émis aucun avis, le chef de l’État s’est permis de crier sur tous les toits que cette nomination bénéficiait de l’aval du Parlement. Cet épisode a tout simplement ridiculisé et décrédibilisé notre assemblée, qui était censée être revalorisée par le dispositif. Les citoyens n’auront pas manqué de relever le fossé existant entre notre peuple, qui est enfoncé dans la crise – en particulier quand il est question d’EDF, on aborde une question fondamentale – et les élites politiques et économiques, qui ratifient la nomination de ce que l’on peut appeler un cumulard : l’actuel président-directeur général d’EDF.
À l’aune de cette affaire, on constate que ce nouvel alinéa de l’article 13 de la Constitution est surtout un outil pour donner une apparence démocratique à des pratiques scandaleuses. C’est ce que l’on appelle un trompe-l’œil.
Sur le fond, je me permets de rappeler que le principe même de la nomination aux emplois civils et militaires par le Président de la République pose un réel problème, sur lequel il faut que nous réfléchissions. C’est en effet le Gouvernement qui est chargé par la Constitution de déterminer et de conduire la politique de la nation. Or ces nominations à la tête des grandes entreprises publiques ou des établissements publics sont précisément un levier stratégique de la politique publique. En toute rigueur, c’est donc le Gouvernement qui devrait procéder à ces nomination, sous le contrôle du Parlement.
À cet égard…
Je demande au président de la commission de bien vouloir m’écouter un peu. Soyez respectueux des intervenants !
À cet égard, disais-je, que se passerait-il en cas de cohabitation ? Le Président de la République pourrait effectuer ces nominations aux postes stratégiques sans être inquiété, puisqu’il faudrait un vote à la majorité des trois cinquièmes pour l’en empêcher ! C’est une vraie question, qui n’est pas abordée ici.
Autre incohérence de cette réformette : les nominations qui sont prétendument encadrées sont celles qui concernent les grandes entreprises et institutions publiques. En revanche les postes les plus stratégiques, les plus centraux, sur lesquels le Président de la République a la haute main, ne bénéficient d’aucun encadrement parlementaire !
Je croyais que le temps des Moscou et autres remarques du genre était révolu !
Quid des postes de directeurs d’administrations centrales, de préfets ou de diplomates ?
Une procédure de validation démocratique ne serait-elle pas la bienvenue ? Quoi qu’il en soit, une véritable procédure de contrôle parlementaire des nominations stratégiques était possible.
D’abord, la liste des postes aurait dû être élargie…
Monsieur le président, il est tellement transparent qu’on en oublie son nom ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
Le respect, ce serait de ne pas tourner le dos à l’orateur ! Vous-même ne seriez d’ailleurs pas capable de dire mon nom. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Ensuite, la moindre des choses serait que les commissions compétentes des deux assemblées puissent auditionner les différents candidats, et non pas le seul qui a la faveur du prince, pour se contenter de ratifier sa nomination.
Enfin, le bon sens indique que la majorité simple, et non celle des trois cinquièmes, aurait donné une portée un peu plus grande à ce mécanisme, et ajouté un peu de démocratie.
Au cours des différentes lectures de ce projet de loi organique, les députés communistes et républicains ont pu faire état de leurs autres propositions pour revaloriser les droits du Parlement : mode de scrutin proportionnel, parité, suppression du vote bloqué, de l’article 49 alinéa 3, de l’irrecevabilité financière des propositions de loi…
Bien sûr que si ! Il s’agit de la démocratie au sein du Parlement !
Voilà le vrai visage d’un Parlement qui serait remis à sa juste place, au cœur de la nation. Nous ne cautionnons pas la vision présidentialiste défendue par ce projet de loi, et nous ne sommes pas dupes du caractère totalement inopérant du dispositif proposé.
Il est donc complètement impossible pour nous de voter ce projet.
 

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Pierre
Gosnat

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