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Pouvoirs publics : 5ème alinéa, article 13 de la Constitution (pouvoir de nomination du Président de la République)

 
Explication de vote
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, cela fait maintenant un an que le premier jet de ce projet de loi organique relatif à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution a entamé son examen parlementaire. On peut au moins se féliciter d’une chose : le Gouvernement n’a pas usé de la procédure accélérée. Cette procédure, en théorie exceptionnelle, est quasiment devenue la norme depuis 2007, aux dépens des pouvoirs du Parlement.
Pourtant, en avril 2008, le Premier ministre François Fillon présentait un projet qui devait apporter une nouvelle pierre à un édifice démocratique fissuré de toutes parts. La loi de modernisation des institutions de la Ve République, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, visait, entre autres, à « renforcer le rôle du Parlement » : vaste projet !
Mais les députés communistes, républicains et du Parti de gauche ne sont pas dupes. Le débat sur l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, partie intégrante de cette non-réforme, l’aura démontré.
Nous voici donc réunis une dernière fois afin d’examiner un projet censé permettre au Parlement d’exercer un « droit de regard » sur des nominations, jusqu’alors discrétionnaires, du Président de la République et des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Malheureusement, ce « droit de regard », que beaucoup estiment être un minimum, s’est révélé être un trompe-l’œil. En conditionnant le rejet d’une candidature proposée par le Gouvernement à un vote négatif des trois cinquièmes des membres de la commission compétente, vous rendez quasi impossible un véritable contrôle parlementaire. Triste constat ! Devant les médias, le chef de l’État annonce de petits progrès en matière de contrôle parlementaire, mais, face aux élus de la nation, ces progrès relèvent en réalité de l’hypocrisie.
Étant donné ce simulacre de réforme, il n’est pas primordial de revenir sur l’article 3 du projet de loi organique, relatif à l’interdiction des délégations de vote au sein des commissions compétentes pour émettre un avis sur les nominations présidentielles, qui a d’ailleurs été supprimé au Sénat en nouvelle lecture. Nous aimerions attirer votre attention sur une pratique beaucoup plus inquiétante.
Tout d’abord, on se souvient que, en novembre 2009, Henri Proglio a été promu unilatéralement à la tête d’EDF. Pour mémoire, cet événement avait conduit le Président de la République et le Premier ministre à se ridiculiser, le premier en affirmant que cela avait été décidé avec l’aval du Parlement, le second en rectifiant cette maladresse qui sonnait comme une nouvelle provocation.
C’est maintenant la nomination du président de France Télévisions qui est inscrite à l’agenda politique. Patrick de Carolis, que l’on sait critiqué par le chef de l’État, est candidat à sa propre succession. Il affirme d’ailleurs, sans aucune naïveté : « Je suis optimiste, car je fais confiance au Président qui a toujours défendu la culture du résultat » – là, il n’a pas tout à fait tort ! Or, la Constitution de la Ve République, dont nous ne sommes pas des ardents défenseurs dispose qu’il revient au Gouvernement de déterminer et de conduire la politique de la nation. Ce n’est pas vous, monsieur le ministre, qui me contredirez.
Dans les faits, cette loi organique confirme une nouvelle fois que le Président de la République peut se permettre de nommer les dirigeants d’institutions qui jouent un rôle éminent dans la conduite de la politique de la France – la Banque de France, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, EDF, la SNCF – sans aucun contrôle du Parlement ! La nomination du président de France Télévisions, quand on sait le rôle majeur que joue la télévision dans l’opinion publique, en est un nouvel exemple consternant.
Nous, députés communistes, républicains et du parti de gauche, considérerons que toutes les nominations devraient relever du Premier ministre et du Parlement, et être avalisées à la majorité simple par les commissions compétentes des assemblées concernées. Voilà qui serait une véritable avancée démocratique. Au lieu de cela, ce qui est nous est proposé n’est rien d’autre qu’une supercherie. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
D’une part, un ensemble important de fonctions échappe à tout contrôle. Qu’en est-il des emplois les plus importants pour le fonctionnement de l’appareil d’État, à savoir ceux de directeur d’administration centrale, de préfet ou d’ambassadeur ? Avec une procédure aussi peu contraignante, qui rend tout veto parlementaire quasi impossible, il n’aurait pourtant pas été très risqué d’introduire ces emplois dans la loi ordinaire. Ne sont même pas mentionnées les nominations pouvant relever de la commission de la défense nationale et des forces armées. S’agirait-il d’une sous-commission ?
D’autre part, ce projet de loi organique mentionne des postes qui présentent, sur l’« échelle de Sarkozy », un risque élevé de disparaître. Ainsi, au terme d’une procédure rocambolesque qui s’est déroulée au Sénat, la fonction de défenseur des enfants a été supprimée. Dans la nuit du 2 au 3 juin, deux amendements qui préservaient cette fonction spécifique avaient été adoptés par la Haute assemblé. Le chef de l’État, qui n’apprécie pas qu’on le court-circuite au sein même de sa majorité, s’est immiscé une fois de plus dans le champ législatif, faisant fi de notre Constitution. Il a exigé de ses troupes qu’elles reviennent sur leur décision. Résultat, dans l’après-midi du 3 juin, les sénateurs UMP et centristes ont revu leur position et ont réintégré le défenseur des enfants dans le périmètre du défenseur des droits, avalisant ainsi sa disparition.
Qu’en sera-t-il à présent de cette fonction, ainsi que du poste de médiateur de la République, ou de celui de président de la commission nationale de déontologie de la sécurité ? À le voir faire voter une loi dont une partie du contenu est d’ores et déjà caduque, on devine le peu d’estime dans lequel le Président de la République tient le Parlement ! Qu’adviendra-t-il de la liste des postes adoptée par l’Assemblée nationale ?
Avant d’en terminer, je veux rappeler les autres propositions que nous avons faites, au cours des différentes lectures, pour revaloriser les droits du Parlement : le scrutin proportionnel, la parité, la suppression du vote bloqué, de l’article 49, alinéa 3, de l’irrecevabilité financière des propositions de loi.
Plutôt que de discuter un texte qui n’aura aucun effet, il aurait été beaucoup plus utile de débattre ensemble du volet citoyen de la réforme de 2008, comme le référendum d’initiative citoyenne, que nous avons testé avec succès pour La Poste, mais que vous maintenez encore hors-la-loi. Nous voterons contre ce projet de loi organique, car il y va du respect de notre fonction d’élus de la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
 
 

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Pierre
Gosnat

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