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PnR Commission d’enquête violences dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité

Selon l’enquête « Violences et rapport de genre » de l’Institut national d’études démographiques (Ined), 14,5 % des femmes et 3,9 % des hommes sont confrontés à des violences sexuelles au cours de leur vie.

Le 15 octobre 2017, l’actrice américaine Alyssa Milano lançait un appel aux témoignages des victimes de harcèlement et d’agressions sexuelles sur Twitter, devenu X. Bien au-delà du cinéma américain, le hashtag #MeToo est devenu un mouvement global de libération de la parole des victimes de violences sexistes et sexuelles.

Mais le tabou demeure encore pour nombre de faits d’agressions sexuelles, de violences psychologiques et physiques. Ces actes sont plus difficiles à révéler quand ils sont subis durant l’enfance, car ils peuvent être à l’origine d’amnésies traumatiques et de troubles psychologiques pérennes qui entravent un peu plus la libération de la parole des victimes, et donc la condamnation des responsables.

Si la famille reste la sphère de socialisation où se produisent le plus de violences durant l’enfance, celles-ci interviennent également dans les sphères professionnelles. De l’industrie de la mode au spectacle vivant, en passant par le cinéma, de nombreuses victimes ont récemment témoigné des violences sexuelles qu’elles ont subies lorsqu’elles étaient mineures.

C’est le cas d’une dizaine d’ex-mannequins qui, lors d’une audition au Sénat en 2021, ont accusé des figures de la mode comme Gérald Marie ou Jean-Luc Brunel de les avoir violées dans les années 1980 et 1990.

Après avoir déposé une plainte pour viol sur mineurs contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon, l’actrice et réalisatrice Judith Godrèche a elle aussi dénoncé l’écrasement de la parole et l’invisibilisation de la souffrance des enfants dans l’industrie du cinéma.

Le 22 février, à la veille de la cérémonie des Césars, le directeur de casting Stéphane Gaillard publiait sur les réseaux sociaux un texte intitulé « Les garçons du cinéma parlent ». Cette initiative visait à mettre en lumière les violences subies par les hommes et a abouti au témoignage, souvent inédit, de 300 personnes sur des faits dont ils avaient été victimes au sein de ce milieu professionnel.

Relations asymétriques entre réalisateurs et acteurs, entre mannequins et agents, rapport à l’image, au regard de l’autre et au corps déformé par une contrainte esthétique : les industries culturelles et le secteur de la publicité présentent des facteurs de risques de violences sexistes et sexuelles.

Pourtant, la culture semble être particulièrement en retard dans la prise en compte des violences sexistes et sexuelles. Comme l’explique l’historienne du cinéma Delphine Chedaleux, certaines pratiques de prédation sont « euphémisées, voire applaudies comme des marques de transgression ». Cette logique de banalisation des violences dans les sphères culturelles amène à justifier les faits au nom de la grandeur de l’artiste – ainsi quand on déclare que Gérard Depardieu rend la France fière.

Le 18 mai, suite aux recommandations de Judith Godrèche, la ministre de la culture a annoncé l’obligation, pour accéder aux aides du CNC, de la présence d’un responsable enfant sur chaque tournage employant des mineurs.

S’il faut saluer ces avancées, des progrès sont encore possibles afin de prendre en compte de manière optimale les signalements et de sensibiliser davantage aux risques de violences. On pense notamment à l’intégration de la prévention du harcèlement et des violences sexistes et sexuelles dans le cursus d’enseignement supérieur, ou au renforcement des moyens humains et juridiques pour mener les enquêtes et accompagner les victimes.

Plus généralement, il est indispensable de rompre avec l’omerta qui protège les agresseurs et isole leurs victimes. Nous devons attaquer les fondements mêmes d’une culture patriarcale qui entrave la libération de la parole. C’est seulement alors que les secteurs de la culture, de la mode et de la publicité pourront cesser d’être un refuge pour les agresseurs et une prison pour leurs victimes.

La proposition de résolution que nous examinons, fruit de l’excellent travail de notre ancienne collègue Francesca Pasquini – que je salue –, est une étape fondamentale pour avancer dans la reconnaissance des victimes d’abus et de violences dans les secteurs culturel et publicitaire, ainsi que dans la construction de dispositifs protecteurs pour tous les mineurs et professionnels.

C’est pourquoi le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera résolument en faveur de cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS. – M. le rapporteur et Mme Frédérique Meunier applaudissent également.)

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