« L’électricité, c’est l’armée de la reprise économique. […] Il ne s’agit pas seulement, d’ailleurs, d’un problème économique, pourtant combien crucial, mais au fond, comme on l’a dit, de l’indépendance de la France. » Marcel Paul prononçait cette phrase en 1945, ajoutant qu’il fallait gagner la bataille de l’électricité, parce qu’elle était essentielle, parce que l’électricité n’est pas un bien comme les autres, mais un bien commun, une exception.
Je l’ai dit en commission, et j’en suis heureux : la proposition de loi que nous examinons dresse symboliquement pour la première fois, d’une manière forte et consensuelle, le bilan de vingt ans d’une libéralisation qui a fait mal à la France et à sa souveraineté industrielle ; d’une libéralisation qui, en pleine crise de l’énergie, fait mal aux vies et bouscule la situation économique de nos artisans et commerçants. Il n’y a pas de souveraineté énergétique possible sans maîtrise publique. De même, il n’y a pas de souveraineté industrielle possible sans un outil public de maîtrise de la politique énergétique. Enfin, il n’y a pas de transition et de bifurcation écologique possible sans une mainmise forte de la puissance publique sur les outils. Vous l’avez reconnu, monsieur le ministre délégué, et vos origines familiales vous ont d’ailleurs donné quelques points de repère en la matière. Je regrette néanmoins qu’ils se soient effacés avec le temps et que vous vous fassiez désormais le chantre du marché qui, avec voracité, s’approprie tout le champ de la politique énergétique. Vous essayez bien de corriger la situation par des rustines, mais en dépit des « chèquounets » très onéreux que vous distribuez, votre politique est inefficace.
Je vous rassure : la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, installée par le président Marleix, permettra d’identifier les responsabilités des uns et des autres dans la détérioration de la politique énergétique.
Le temps est venu néanmoins d’inverser la logique. Je considère, contrairement à vous, monsieur le ministre délégué, que l’obligation qui vous sera faite de repasser devant le Parlement pour avoir le droit de vendre à l’encan tout ou partie d’EDF constitue pour nous une garantie. La présence de représentants de l’État au sein du conseil d’administration d’EDF ne nous a en effet pas prémunis contre la fermeture de Fessenheim ni contre l’abandon de projets fondamentaux de recherche comme le projet Astrid. Elle ne nous a pas prémunis non plus contre la politique de stop and go, qui nous a fait perdre des savoir-faire considérables dans la filière nucléaire, ni contre la financiarisation d’activités jugées rentables. La baisse de la qualité des services, notamment dans la maintenance et la distribution, en est l’illustration.
Vous dites aujourd’hui, monsieur le ministre délégué, que le Gouvernement a renoncé au projet Hercule. Mais à la fin de la précédente législature, c’est la mobilisation des électriciens gaziers – quelques-uns sont d’ailleurs présents en tribune – qui vous a contraints à reculer. La confiance n’excluant pas le contrôle, nous pensons que l’abandon du projet doit être garanti par le Parlement. Nous considérons que la proposition de loi de notre collègue brun est une première pierre en ce sens. Nous communistes, avec sans doute quelques autres collègues, défendons l’idée que le statut de société anonyme ne suffit pas. Nous pensons qu’un établissement public industriel et commercial, un Epic, garantirait un contrôle démocratique sur la politique énergétique, grâce à la présence d’élus, de représentants syndicaux, d’usagers et d’associations.
Après cette première pierre, il nous faudra travailler en faveur d’une politique énergétique plus intégrée, pas seulement s’agissant d’EDF mais de l’ensemble des outils de production. Quoi qu’il en soit, votre OPA n’est pas une nationalisation. Vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre délégué : la relance de la filière nucléaire soulève des enjeux financiers considérables, tout comme la rénovation thermique ou la filière des énergies renouvelables. Or rien, dans les annonces du Gouvernement, ne nous rassure quant aux modalités de financement de ces politiques de relance. C’est pourquoi le président du groupe pourrait avoir la velléité de vendre les activités les plus rentables pour financer le reste.
Tel est l’état d’esprit du groupe communiste, qui votera sans hésitation cette proposition de loi : celle-ci est une première étape – qui en appelle d’autres – dans la reprise en main par la puissance publique de la politique énergétique de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)