Depuis plusieurs mois, les agriculteurs expriment leur colère, notamment de ne pouvoir vivre dignement des fruits de leur travail. Or une rémunération digne est la condition préalable à tout changement de modèle, à toute autre question, qu’elle soit liée au foncier et à sa transmission ou qu’elle concerne la démographie agricole.
Après trois lois Egalim et des valises de promesses douchées, nous n’y sommes toujours pas. En trente ans, le revenu net de la branche agricole a baissé de près de 40 % en France. Résultat : près de 18 % de nos agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté.
La proposition de loi dont nous sommes saisis par notre collègue Marie Pochon et les autres membres du groupe Écologiste reprend une disposition visant à garantir des prix planchers à nos productions agricoles. En effet, dès 2011 et à nouveau en 2015, le groupe communiste, par la voix d’André Chassaigne, proposait d’introduire la même mesure, assortie de coefficients multiplicateurs par filière – propositions encore repoussées par votre majorité à l’automne dernier. Nous allons dès lors soutenir la proposition de nos collègues écologistes parce qu’elle est un premier pas salvateur, un premier pas pour changer de logiciel et pour cesser de croire que l’on peut s’en remettre au marché pour garantir à nos agriculteurs des prix dignes.
Mais nous savons qu’il faudra aller plus loin, de la production à la distribution, en instaurant des coefficients multiplicateurs. Ils sont la seule garantie que la grande distribution et l’industrie agroalimentaire cessent d’accroître leurs profits sur le dos de notre agriculture. Ils sont également la garantie de proposer des prix accessibles aux consommateurs : trois ans d’inflation des prix alimentaires auront servi à mettre en lumière cette nécessité. Et ce ne sont pas les supplications du ministre de l’économie qui pourront mettre fin aux marges exorbitantes et aux superprofits, mais bien la force de la loi !
Si nous voulons donner corps à la souveraineté alimentaire, il faut sortir du bois et reconnaître clairement que nous avons besoin de protectionnisme aux frontières pour assortir les prix planchers de mesures qui évitent la concurrence déloyale. Il faudra ainsi fixer des prix minimums aux importations issues de la pratique d’un dumping social et environnemental patent. Il faudra aussi arrêter d’importer n’importe quoi en déclarant immédiatement un moratoire sur les traités de libre-échange. Comment croire, sinon, que l’on va rémunérer dignement nos agriculteurs alors qu’ils font face à l’importation de 25 % de produits en moyenne, selon les filières, dont l’élaboration ne respecte pas nos propres règles. Comment soutenir que l’on est partisan de l’agriculture française tout en l’exposant à des prix déloyaux ?
Le texte que nous discutons aujourd’hui a le mérite de mettre le Gouvernement et la majorité devant leurs contradictions. C’est le seul rendez-vous cette année qui nous permettra de poser la question du prix et des marges. Si les députés communistes savent que cette proposition de loi ne peut pas mettre fin aux conséquences de décennies de dérégulation, ils savent aussi qu’elle est un point de départ nécessaire, un point d’appui pour aller plus loin. Car l’alimentation est devenue, pour plusieurs raisons, un risque social, et nous devons le prendre en main à la fois pour assurer notre souveraineté alimentaire en soutenant l’agriculture nationale mais également pour garantir à tous un accès à une alimentation de qualité. La dégradation de la qualité nutritive de nos assiettes et l’effondrement de la démographie agricole obligeront de toute façon à penser autrement. Les députés communistes et ultramarins voteront donc pour ce premier pas.
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)