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PLFSS pour 2022 - Nlle lect

La langue française est riche, mais vous avez utilisé en première lecture tous ses superlatifs pour vous rengorger de la grandeur de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

La langue française est riche, mais tous les mots qui décrivent l’affaiblissement de l’hôpital public sont usés jusqu’à la corde. Alors que notre pays connaît une nouvelle vague épidémique et que la crise sanitaire fait sentir ses effets au-delà du covid, ce budget, loin de répondre à la crise hospitalière, se limite à une opération de rafistolage, après deux années de pandémie. Tel est le sens de la rallonge budgétaire de 1,7 milliard d’euros que vous avez concédée au Sénat sur l’ONDAM 2021, pour faire face aux surcoûts. Au passage, vous nous direz peut-être combien d’argent a servi à payer les dividendes des actionnaires de Pfizer et consorts !

Si vous vous félicitez qu’aucune mesure d’austérité ne soit prévue pour les hôpitaux – encore heureux, merci patron ! –, vous omettez de dire que vous avez imposé un plan d’économies de 18 milliards à notre système de santé depuis 2017, dont 4 milliards à la charge des hôpitaux. Vous passez aussi sous silence la suppression de 13 300 lits depuis 2017, dont 5 700 rien qu’en 2020. Et, une fois l’orage passé, vous reviendrez à vos vieilles habitudes avec de nouvelles mesures de redressement dans la sphère sociale.

Certes, l’affaiblissement de l’hôpital ne date pas de 2017 mais il a été poursuivi méthodiquement sous ce quinquennat avec la compression des dépenses, l’amplification du virage ambulatoire, le maintien de la tarification à l’activité (T2A) qui asphyxie financièrement les établissements, la fermeture d’hôpitaux de proximité et de maternités ou encore les intégrations d’établissements au sein des groupements hospitaliers de territoire (GHT), qui assèchent l’offre de soins sur les territoires.

En même temps, la crise sanitaire a révélé l’engagement sans faille des personnels, et le Gouvernement a été rattrapé par la réalité, concédant avec le Ségur une revalorisation salariale attendue depuis trop longtemps mais qui ne compense pas dix ans de gel du point d’indice. Tardif, insuffisant, incomplet, le Ségur n’a pas permis de mettre fin au malaise hospitalier qui couvait depuis de longues années. Surtout, il restait des oubliés et, comme nous l’avions demandé, vous avez fait adopter en urgence une disposition au Sénat pour revaloriser les 20 000 agents des établissements sociaux et médico-sociaux intervenant dans le champ du handicap.

Sur la base de constats faits sur le terrain, le Conseil scientifique s’alarmait en octobre du nombre de lits fermés en raison d’une pénurie de personnel soignant et de la montée du taux d’absences, révélateur d’une véritable crise de sens. Des services d’urgences demeurent fermés et de nombreux établissements fonctionnent au ralenti. Voilà où nous en sommes ! Or j’ai parfois le sentiment qu’il y a, dans la majorité, un peu de fanfaronnade dans l’air – campagne électorale oblige ; il n’y a pourtant pas de quoi.

Au-delà de la situation présente, ce budget ne prépare pas l’avenir. Il ne prépare pas notre système public de santé à faire face aux risques pandémiques de demain. Il ne prépare pas la lutte contre la désertification médicale qui s’accroît et fragilise l’accès aux soins. Vous vous en remettez à des mesures incitatives insuffisantes et à la délégation des tâches médicales à d’autres professions de santé dont la liste s’allonge chaque année. La suppression du numerus clausus, pour laquelle nous bataillons depuis des décennies, n’est qu’un artifice si elle n’est pas accompagnée d’un plan d’ouverture de places en nombre suffisant dans toutes les professions de la médecine, du soin et de l’accompagnement. (Mme Caroline Fiat applaudit.)

Il ne prépare pas non plus notre système de soins à relever le défi de l’autonomie. La grande réforme annoncée n’aura pas lieu et nous devons nous contenter de mesures disparates qui, considérées une à une, vont parfois dans le bon sens, mais ne permettent ni de créer un grand service public de l’autonomie, ni de financer les besoins.

Il ne prépare pas l’avenir, enfin, du financement de la protection sociale. Les dépenses que vous engagez pour gérer la crise sanitaire ne sont pas financées et alimenteront la dette sociale hébergée par la CADES. Les exonérations de cotisations sociales, que vous pérennisez, atteignent 70 milliards d’euros : 13 % des recettes échappent ainsi à la sécurité sociale. Plutôt que d’aller chercher des ressources à portée de main, vous ressortez le couplet sur la nécessité d’un retour à l’équilibre des comptes sociaux, qui justifiera de nouvelles coupes claires avec, en ligne de mire, notre système de retraite – comme le ministre délégué l’a dit lui-même.

La crise devrait nous amener à remettre en cause les choix qui, depuis des décennies, ont particulièrement abîmé la sécurité sociale, l’hôpital public, la solidarité – et, au passage, épuisé la richesse de la langue française. Ce dernier budget, hélas, n’en prend pas le chemin. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.)

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Pierre
Dharreville

Député des Bouches-du-Rhône (13ème circonscription)

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