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PLFSS - Nlle lect.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, nous abordons aujourd’hui la nouvelle lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016.
Sans surprise, le Sénat a adopté les dispositions gouvernementales visant à élargir encore les exonérations de cotisations sociales pour les entreprises, à hauteur de 5,3 milliards d’euros, dans le cadre de la mise en œuvre du deuxième volet du Pacte de responsabilité. Il a même proposé d’aller plus loin, notamment en supprimant l’article 7 bis, qui prévoit un assujettissement aux cotisations sociales patronales dès le premier euro d’indemnité versé au salarié lors d’une rupture de contrat de travail.
La majorité de droite du Sénat n’a pas davantage remis en cause le plan d’économies de 10 milliards d’euros sur la santé, dont 3,4 milliards pour l’année 2016. Considérant que des efforts supplémentaires pourraient être supportés par l’ensemble de nos concitoyens pour réduire les déficits, elle a amendé le texte en ce sens, avec notamment l’instauration de trois jours de carence pour les personnels des établissements de santé, à l’article 51 bis, ou encore l’adoption d’un article additionnel reculant l’âge légal de départ en retraite à 63 ans.
À l’Assemblée, la commission a rétabli le texte initial, mais il est troublant de constater que sur le fond, vous ne rompez pas avec la démarche de la droite. En fixant l’ONDAM au taux de 1,75 %, vous reprenez d’ailleurs les recommandations exprimées par la droite sénatoriale lors de l’examen du PLFSS pour 2015. Comme elle, vous justifiez ce choix par l’impérieuse nécessité de réduire les déficits, sans proposer aucune mesure de financement nouveau, et alors que vous entérinez le recul du remboursement des soins, ne serait-ce qu’en maintenant les franchises et forfaits qu’elle a instaurés – que vous n’aviez d’ailleurs pas manqué de dénoncer lors de leur mise en place.
Le montant du déficit constitue à la fois – et selon les cas – un instrument utile pour justifier et faire accepter le recul des prestations et un argument pour saluer l’action du Gouvernement, puisqu’il a réussi à le réduire. Mais à aucun moment vous n’abordez le débat de fond sur les causes de ce déficit. C’est pourtant par là qu’il faut commencer si l’on a la volonté de le réduire, car il n’y a que deux voies pour atteindre cet objectif : soit diminuer les prestations, soit dégager des moyens financiers nouveaux.
Nous considérons que le budget de la Sécurité sociale souffre non pas d’un excès de dépenses, car on ne va pas chez le médecin et on ne prend pas de médicaments pour le plaisir, mais d’un manque criant de recettes. Or, encore une fois, vous ne formulez aucune proposition pour apporter des recettes nouvelles. Vous n’engagez même pas le débat sur ce volet : vous vous contentez de repousser toutes nos propositions, même les plus évidentes, comme celle qui consiste à faire cotiser au même taux que les salaires les revenus non investis des entreprises et placés dans la spéculation financière stérile.
Vous nous dites avoir réussi à réduire le déficit sans pénaliser les assurés sociaux. Ce serait sans doute possible si vous étiez magicienne, mais hélas, ce n’est pas le cas, car sans recettes nouvelles, on ne peut à la fois réduire la dépense et maintenir le même niveau de prestations.
Alors certes, vous avez réduit le déficit, aujourd’hui estimé à 9,7 milliards d’euros pour 2016, mais c’est au prix d’économies drastiques conduisant à moins de prestations sociales, moins de moyens pour les hôpitaux publics, et donc moins de soins pour nos concitoyens.
Ainsi, si vous avez divisé par deux le déficit de la branche famille, c’est par le gel de la revalorisation des prestations accordées en 2014 et 2015, auquel s’est ajoutée la mise en œuvre, l’été dernier, de la modulation des allocations familiales. Cette mesure, que vous défendiez au nom de la justice sociale, se traduit en réalité par 865 millions d’économies aux dépens des familles.
De même, l’excédent de la branche vieillesse est le résultat des réformes successives initiées par les précédents gouvernements de droite, que vous avez poursuivies. Elles se traduisent pour nos concitoyens par une baisse du montant de leur pension, un allongement de la durée de cotisation et un report de l’âge de départ en retraite.
Quant à l’excédent de la branche accidents du travail-maladies professionnelles, il est notoirement dû à une sous-déclaration de ces accidents et maladies.
Les hôpitaux publics sont littéralement asphyxiés. Ce PLFSS envisage pourtant 1 milliard d’euros d’économies supplémentaires en 2016, qui viennent s’ajouter aux 600 millions déjà économisés l’an passé. Quelle que soit leur situation, ils seront contraints à ces restrictions par l’ARS, le bras armé de l’État, mis en place par la droite dans la loi dite HPST – hôpital, patients, santé et territoires – et que vous renforcez dans la loi santé tant ces agences se révèlent utiles pour imposer ces restrictions drastiques. Ainsi, comme je l’ai déjà dit, c’est l’équivalent de 22 000 emplois de la fonction publique hospitalière qui devraient être remis en cause d’ici à 2017, selon un rapport interne au ministère de la santé.
Dans ces conditions, comment les hôpitaux pourront-ils mettre en œuvre le « virage ambulatoire » que vous souhaitez à juste titre ?
Pour réussir cette mutation, il y a besoin de la préparer et de la financer. Au lieu d’y réfléchir avec les intéressés et avant même que ces nouvelles pratiques ne soient développées, vous annoncez des économies à hauteur de 465 millions d’euros !
Vous nous reprochez de parler de démarche comptable. C’est pourtant une évidence. Il ne faut pas s’étonner que dans un tel cadre, le secteur privé lucratif soit le mieux placé, puisqu’avant la santé, c’est bien de finance, de concurrence et de parts de marché dont nous parlons.
Oui, mes chers collègues, nous sommes très préoccupés par ces orientations qui portent atteinte aux activités du secteur public de la santé.
Pourtant, en dépit des conditions de travail extrêmement difficiles que leur impose cette austérité budgétaire, les personnels hospitaliers font de leur mieux ; ils ont su démontrer à l’occasion des tragiques événements de la semaine dernière leur professionnalisme, leur dévouement et leur efficacité. Vous l’avez salué, et vous avez raison. Nous nous y associons. Cela devrait nous conduire à réfléchir sur les moyens que nous leur accordons…
Car non, je le répète, ce n’est pas d’un excès de dépenses dont souffre la Sécurité sociale, mais d’un manque de recettes, que le Gouvernement pourrait aisément combler s’il le voulait vraiment en réduisant les exonérations de cotisations sociales patronales, dont le coût est estimé à 30 milliards d’euros par an, le tout sans aucune contrepartie en termes d’investissement et d’emploi, ou encore en luttant efficacement contre la fraude aux cotisations patronales, dont le coût total est estimé par la Cour des comptes à plus de 20 milliards pour la seule année 2012 – dont vous n’avez récupéré que 850 millions en 2014, soit à peine plus de 4 % !
On le voit, la possibilité existe de récupérer beaucoup de moyens financiers. Et bien d’autres pistes pourraient être explorées, concernant notamment les revenus des grandes entreprises du CAC 40, dont la promptitude à encaisser l’argent public n’a d’égale que l’inexorable augmentation de leurs bénéfices et des dividendes qu’elles distribuent à leurs actionnaires, tout en poursuivant la suppression de milliers d’emplois. C’est le cas pour Air France, pour le laboratoire Sanofi, pour Arcelor-Mittal, pour IBM France et tant d’autres…
En entretenant l’idée qu’il n’y a plus d’argent pour financer la Sécurité sociale, vous encouragez le report de ces dépenses sur les complémentaires, qui ne sont rien d’autre que des assurances privées, dont la cotisation est plus ou moins élevée selon les risques, et donc particulièrement onéreuse pour les personnes âgées, par exemple.
Avec l’article 21, vous tentez justement d’atténuer cette situation. Mais quelles que soient les mesures prises, les assurances complémentaires ne peuvent pas s’inscrire dans le cadre solidaire et universel de la Sécurité sociale.
Comme vous le voyez, notre approche est radicalement différente de la vôtre. Vos choix rejoignent malheureusement ceux de la droite. Ils installent progressivement la privatisation de notre système de santé, conduisant chaque jour davantage de nos concitoyens à se soigner non plus selon leurs besoins, mais selon leurs moyens, en fonction de la qualité du contrat auquel ils peuvent souscrire, avec ou sans une aide de l’État ou de leur entreprise. C’est un choix malheureux pour notre société, car il accentue, au lieu de les réduire, les inégalités d’accès à la prévention et aux soins.

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