Que fais-je, monsieur le ministre, en défendant cette motion de renvoi en commission au nom des députés communistes ? Ce PLFR, dites-vous, est la preuve que le budget est sincère et nous avons pu l’amender, la plupart de nos amendements, ajoutez-vous avec votre ironie coutumière, étant d’ailleurs hors sujet. Et s’ils le sont, c’est tout simplement parce que, à vous entendre, ce PLFR n’est pas un PLF bis. D’un PLF bis, je vous le dis au nom des députés communistes, les Français auraient pourtant bien besoin, monsieur le ministre !
Revenons en effet sur les motifs de la présente motion. Nous estimons, comme nombre de nos collègues, que l’examen de ce PLFR est une parodie de travail parlementaire. Chacun, sur nos bancs, l’a bien senti : il y a, dans notre enceinte, comme un vent d’humiliation du Parlement. De fait, la représentation nationale peut légitimement s’estimer méprisée quand on ne lui laisse que cinq jours – cinq jours ! – pour évaluer, examiner et, le cas échéant, amender le budget de la nation. C’est faire preuve de mépris à l’égard des droits les plus élémentaires des parlementaires, qui se trouvent ainsi dans l’incapacité d’exercer leur mandat, dans l’incapacité d’agir, tout simplement.
Ne dit-on pas que le Parlement contrôle l’action du Gouvernement et évalue les politiques publiques, aux termes mêmes des prérogatives qui lui sont accordées par l’article 24 de la Constitution ? L’article 44 de notre loi fondamentale, lui, garantit le droit d’amendement, tant en commission qu’en séance. Que s’est-il donc passé, en l’espèce ? Dans quelles conditions techniques, matérielles et humaines avons-nous été amenés à travailler, à agir conformément à nos droits constitutionnels ?
Le texte qui nous réunit aujourd’hui a été transmis aux parlementaires mercredi dernier en début d’après-midi. Il nous a été présenté quelques heures plus tard par M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, et a fait l’objet du calendrier d’examen suivant : examen en commission le vendredi matin, soit une journée et demie plus tard ; examen et adoption en séance publique aujourd’hui même ; le tout devant être conclu en cinq jours chrono, week-end compris évidemment ; cinq jours au cours desquels nous devions examiner, dans le même temps, la fin du projet de loi de finances pour 2019, notamment en commission les articles non rattachés, et en séance, les crédits alloués à des politiques publiques majeures, telles que la santé, la cohésion territoriale ou les relations de l’État avec les collectivités locales : ni plus, ni moins.
Comment nier, dans ces conditions, que les droits garantis par notre loi fondamentale ne sont pas bafoués ? Comment contrôler l’action du Gouvernement ? Comment évaluer les politiques publiques ? L’évaluation, chers collègues de la majorité, c’est pourtant votre mantra, votre leitmotiv. Comment, enfin, exercer notre droit d’amendement dans des conditions convenables ? En cinq jours, c’est tout bonnement impossible.
Pourquoi un tel empressement, monsieur le ministre, si le Gouvernement n’a rien à cacher ? Pourquoi escamoter nos institutions si vous assumez le contenu de votre budget rectificatif ? Quelle peut bien être la raison qui vous pousse à agir de la sorte, à faire fi des règles élémentaires qui garantissent le respect du travail parlementaire ? Le Gouvernement, nous semble-t-il, la joue « solo ». Dans ces conditions, autant supprimer la commission et, pourquoi pas, le Parlement ! Je vous le déclare solennellement : l’exécutif, en la circonstance, joue avec le feu, car il joue avec nos institutions.
C’est du jamais vu en vingt-cinq ans, rappelait fort justement Charles de Courson en commission. Avec de tels délais nous devrions « avoir le don d’ubiquité », observait de son côté notre collègue Pires Beaune. « Vous êtes […] en train de bafouer » le droit d’amendement et, ce faisant, « la Constitution et l’État de droit », déclarait enfin, à juste titre, Patrick Hetzel.
Voilà pourquoi tous les groupes d’opposition se sont levés pour quitter la réunion de présentation de ce budget rectificatif mercredi dernier. Et je suis sûr que beaucoup de collègues de la majorité ont douté, et doutent encore, du bien-fondé du calendrier gouvernemental. Que les choses soient dites avec force : quitter cette réunion, nous ne l’avons pas fait de gaieté de cœur, car nous sommes attachés au plein et entier exercice de notre mandat parlementaire, quel que soit le banc où nous siégeons dans cet hémicycle. Nous l’avons fait en responsabilité, pour tirer la sonnette d’alarme face à une dérive institutionnelle qui conduit peu à peu, doucement mais insidieusement, à la caporalisation de l’Assemblée nationale.
Vous mettez ici en musique le souhait du Président de la République, inscrit en creux dans le projet de réforme constitutionnelle, de mettre au pas toutes les institutions démocratiques de notre pays. En réalité, au regard de l’impérieuse nécessité de garantir la souveraineté du Parlement, le vote de cette motion de renvoi en commission doit aller bien au-delà des rangs de l’opposition. Quand la représentation nationale est ainsi traitée, quand le droit d’amendement est réduit, quand les conditions matérielles ne sont pas réunies pour évaluer la bonne exécution du budget de la nation, il est de l’honneur du Parlement de prendre toutes ses responsabilités.
Si l’on considère l’incapacité matérielle à avoir un vrai débat démocratique en commission des finances vendredi dernier, rarement, mes chers collègues, un renvoi en commission n’aura été aussi justifié. Mais disons les choses sans ambiguïté, pour bien lever les doutes et les craintes qui pourraient habiter certains de nos collègues au moment du vote : même si certains, dont nous ne sommes pas, peuvent le souhaiter, il n’est pas question, ici, de rejeter en bloc le budget rectificatif.
Par la présente motion, nous vous proposons que la commission des finances se saisisse de nouveau du texte, pour que les parlementaires puissent travailler sereinement sur son contenu et évaluer ses conséquences. Revenons un instant, en effet, sur l’examen de ce texte en commission : à peine une dizaine de députés y étaient présents, et la discussion fut bouclée en quarante-cinq minutes, montre en main ! C’est le signe que le travail n’a pas été réalisé comme il aurait du l’être. La commission des finances ayant été escamotée, un nouvel examen s’impose. En adoptant cette motion, comme je vous y invite, la commission pourrait en effet se saisir du texte dans les plus brefs délais et définir un calendrier qui respecte l’équilibre institutionnel.
Venons-en à l’argumentation propre aux députés communistes. Le renvoi en commission est, selon nous, encore plus justifié par la nature du texte qui nous réunit aujourd’hui : ce n’est pas n’importe quel budget que l’on vient rectifier, mais le premier budget en année pleine de cette législature, la clé de voûte du projet présidentiel et gouvernemental, l’acte I du « président des riches » – comme nous l’avons qualifié –, avec son cortège de mesures à l’adresse des plus aisés et du secteur marchand, au mépris des urgences sociales et environnementales.
Car enfin, qu’est-ce que c’est, la loi de finances pour 2018 ? C’est la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune ; c’est l’instauration d’une fiscalité ultra-attractive pour les revenus du capital, désormais moins taxés que les revenus du travail ; c’est l’amorce d’une trajectoire de baisse sensible de l’impôt sur les sociétés, pour mettre notre pays au diapason de la funeste concurrence fiscale mondiale ; c’est enfin l’allégement de la taxe sur les transactions financières, de la fiscalité des actions gratuites et de la taxe sur les salaires pour attirer les fameux traders de la City que pourrait inquiéter le Brexit. Tout cela au moment où un travail de sape était entrepris vis-à-vis de notre droit du travail, afin de le mettre en conformité avec les desiderata du grand patronat comme avec les canons bruxellois d’une flexibilité et d’une précarité toujours plus poussées dans les relations sociales.
La loi de finances pour 2018, c’est aussi un remarquable jeu de bonneteau fiscal, totalement illisible sur le plan économique : un peu moins de taxe d’habitation par ici, bien davantage de CSG par là, et une hausse massive de la fiscalité sur les carburants, le tout saupoudré de baisse des cotisations sociales et accompagné de la réduction de l’aide personnalisée au logement et de la suppression des contrats aidés. En termes de lisibilité, pour les profanes de la science fiscale, on repassera !
En revanche, pour nos concitoyens, les effets concrets de cette politique se sont très rapidement fait sentir. En réalité, ils les observent partout, et vous le savez : dans le montant de leurs pensions, sur leur fiche de paie, à la pompe ou sur la case en bas à droite de leurs factures. Au mieux, ils ont bénéficié d’une infime hausse de pouvoir d’achat, dont ils ont déjà perdu le bénéfice à cause du regain de l’inflation ou dont ils le perdront sous une autre forme : par la détérioration des services publics, par l’aggravation des inégalités. Au pire, ils subissent une baisse inacceptable de leur niveau de vie – une situation qui s’accentuera encore en 2019 et en 2020 du fait de la désindexation de certaines prestations sociales par rapport à l’inflation.
Au bout du compte, les cartes ont été volontairement brouillées pour dissimuler un projet politique qui organise l’un des plus vastes transferts de richesses des plus démunis vers les plus aisés que l’on ait connus. À l’hypothétique ruissellement s’est ainsi substitué un phénomène d’évaporation des richesses qui signe une revanche inédite du capitalisme financier, à peine dix ans après la plus grande et la plus grave crise financière de l’ère moderne, en 2008.
L’étude récente de l’Institut des politiques publiques sur le pouvoir d’achat des Français nous incite à approfondir le travail parlementaire sur ce budget rectificatif. Le projet de loi de finances pour 2018 devait, selon vos promesses, redistribuer du pouvoir d’achat à l’ensemble de nos concitoyens. Or que nous révèle cette étude ? Elle corrobore mon propos préalable. Ainsi les 20 % les plus modestes connaîtront-ils une baisse de leur revenu disponible de près de 1 % en 2018 et 2019 quand les 0,1 % les plus riches du pays – entendons-nous bien : cela représente quelques milliers de ménages ultrariches – verront le leur progresser de 86 000 euros par an en moyenne – c’est pointé, c’est calculé ; cela représente environ 7 000 euros par mois. Les voilà, les assistés de la République : la bourgeoisie d’affaires, la bourgeoisie de la finance ! Nous ne cessons de le dénoncer.
Le peu d’analyse du budget rectificatif que nous auront permis ces délais d’examen insupportables montre que l’on n’y trouve, en réalité, pas grand-chose de rectifié, malgré l’accumulation d’études attestant l’inefficacité économique et sociale de votre premier budget. Voilà pourquoi la copie doit être revue en commission des finances.
L’exécutif se gargarise auprès de la Commission européenne et de ses partenaires européens de l’amélioration des indicateurs de déficit. Le fait de sortir de la procédure pour déficit excessif devait, selon le projet présidentiel, permettre à la France de retrouver sa capacité d’influence et sa crédibilité auprès des autres membres de l’Union européenne et, ainsi, d’obtenir des avancées concrètes en matière de gouvernance, de fiscalité et d’intégration économique. Dès lors – sans nier l’énergie dépensée par les ministres concernés –, l’énième report de la « taxe GAFA », la taxation des géants numériques défendue par votre ministère, monsieur le ministre, au niveau européen apparaît comme un nouveau camouflet dans le théâtre de la politique européenne.
Nous le disons et le répétons, le projet européen a été confisqué par les grands intérêts économiques et financiers. En témoignent ajournements, exemptions, mises en œuvre différées ou partielles de tout projet ambitieux en matière économique, sociale, fiscale ou environnementale. L’Europe, qui place la sacro-sainte liberté de circulation des capitaux, vénérée par les libéraux, au-dessus du bien-être des populations, est plus que jamais prisonnière de l’austérité.
À quelle réaction des peuples peut bien s’attendre la Commission européenne quand elle valide sans sourciller un budget français qui octroie sans condition 40 milliards d’euros au secteur marchand en 2018 et 2019 – car c’est cela, le projet de loi de finances pour 2019 ! – et, en même temps, demande aux États de revoir leur copie dès qu’ils envisagent des mesures de progrès social tel que le relèvement du salaire minimum ou des pensions de retraite ? Tantôt complice des puissances d’argent, tantôt impitoyable avec celles et ceux qui connaissent des difficultés : la Commission européenne, mais aussi le Conseil, qui réunit les gouvernements européens, appliquent là une conception budgétaire à géométrie variable qui, disons-le clairement, n’est plus tenable. En jouant de la sorte avec le feu, en faisant ainsi la promotion d’un libéralisme autoritaire, c’est bien la pérennité du projet européen que l’on remet en cause ! C’est aussi à ce propos que des débats parlementaires sont indispensables.
Ainsi le déficit de notre pays est-il moindre que prévu. Mais à quel prix ? En détail, on constate que cette réduction est essentiellement le fruit de la cession de participations de l’État au capital d’entreprises. Notre pays a encore cédé 2,35 % du capital de Safran le mois dernier, pour un montant de 1,24 milliard d’euros. Cette opération financière conduit certes au recul des déficits. Elle fait surtout reculer l’État – l’État stratège, l’État investisseur, l’État acteur de l’économie. « Moins d’État », c’est « mieux d’État », selon vous. Pour nous, c’est l’opposé, comme l’ont montré nos propositions lors du débat parlementaire sur le projet de loi PACTE – plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises.
J’aimerais m’attarder spécifiquement sur un aspect du projet de loi de finances rectificative qui nous paraît stupéfiant : l’annulation de 600 millions d’euros inscrits au compte d’affectation spéciale « Soutien à la transition énergétique ». Elle soulève bien des questions, et nous attendons des réponses précises, à l’heure où vous annoncez, par ailleurs, des annulations de crédits destinés au ministère de l’écologie. Mes chers collègues, que se cache-t-il derrière ce compte d’affectation spéciale ? Il s’agit du budget qui bénéficie du fléchage d’une partie de la TICPE, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques dont nous parlons beaucoup depuis plusieurs semaines parce que sa hausse suscite le mécontentement légitime de nos concitoyens, lesquels ont le sentiment d’être brutalement ponctionnés au moment de faire le plein ou de remplir leur cuve pour l’hiver. Cela a été dit et redit, mais c’est une réalité : cette année, la hausse des taxes a atteint près de 8 centimes d’euros pour un litre de gazole et près de 4 centimes pour un litre de super. D’autres augmentations sont annoncées pour le 1er janvier 2019.
Monsieur le ministre, comment expliquer cette annulation de 600 millions d’euros, alors que, on le sait, la TICPE finance déjà insuffisamment la transition écologique ? L’opinion publique, de plus en plus avisée concernant ces questions, l’a constaté. La TICPE rapporte 37,7 milliards d’euros mais seuls 19 % de ces recettes vont à la transition écologique, notamment aux énergies renouvelables ou aux infrastructures de transport. M. le rapporteur Woerth l’a rappelé,...
M. Woerth, donc, l’a rappelé, et il semble bien que cela ait été confirmé vendredi dernier par Matignon à l’association nationale CLCV – consommation, logement et cadre de vie : la hausse des carburants avait pour objet de compenser la suppression de la taxe d’habitation. C’est bien vous, monsieur Woerth, qui avez posé cette question tout à l’heure à la tribune ?
Pour notre part, nous pensons que cette hausse est surtout venue financer la politique gouvernementale de soutien inconsidéré au secteur marchand, aux grands groupes et aux plus aisés. De fait, en 2018, la hausse de la fiscalité énergétique, qui s’élève à 3,7 milliards d’euros, a fait plus que compenser la suppression de l’ISF, qui a coûté 3,2 milliards. Voilà d’autres mises en relation dont nous pourrions débattre.
Il est désormais de notoriété publique que le Gouvernement a fait le choix d’instrumentaliser la cause climatique à des fins budgétaires, fragilisant l’adhésion durable de nos concitoyens à ce combat qui doit pourtant tous nous mobiliser. Vous placez les logiques budgétaires et financières au cœur de votre projet politique ; de ce fait, l’effort réalisé est très en deçà de ce qui est nécessaire et suffisant pour réussir la transition énergétique qui s’impose à nous. En effet, vous le savez, il nous faudrait, pour y parvenir, investir 10 à 20 milliards d’euros supplémentaires chaque année. Ces investissements sont indispensables pour développer d’autres solutions que nos modes actuels de production et de consommation, en premier lieu dans le domaine des transports.
Car plus de huit millions de Français, soit la majorité des actifs, utilisent leur véhicule au quotidien et n’ont pas accès à des transports en commun qui pourraient s’y substituer. Aujourd’hui, confrontés à la hausse du prix du carburant, ils ont le sentiment légitime qu’on leur fait les poches. Un sentiment d’autant plus répandu qu’ils constatent, en parallèle, les fermetures toujours plus nombreuses de gares, de dessertes, de guichets et, plus généralement, l’éloignement des services publics. Nos collègues de diverses tendances politiques se sont encore réunis la semaine dernière pour en discuter, répondant à l’invitation de l’un de nos collègues du groupe Les Républicains. La voilà, la réalité en matière ferroviaire, comme je le rappelais ici même la semaine dernière : la politique du Gouvernement et de la direction de la SNCF se caractérise par le retrait – retrait vis-à-vis des territoires, recul toujours plus marqué du fret.
La même logique préside à toutes les fermetures de services publics, quels qu’ils soient. D’abord, on investit moins ; puis le service se dégrade ou devient moins accessible. Progressivement, les usagers y recourent moins puisqu’il est moins attractif, et leur désaffection vient alors donner du grain à moudre à celles et ceux qui veulent en finir avec le service public. C’est bien cette logique qui est à l’œuvre, mes chers collègues, sur nos petites lignes de train. Vous le savez, telle n’est pas notre vision d’un grand service public ferroviaire, qui a un rôle majeur à jouer dans l’accompagnement et la réussite de la transition écologique. Je ne m’égare pas ! (Sourires.) Je reviens à la transition énergétique à propos de la rénovation thermique.
L’an dernier, vous avez amputé le dispositif du crédit d’impôt pour la transition énergétique de 800 millions d’euros. Vous nous aviez alors donné deux explications. D’abord un motif budgétaire : cela commençait à coûter un peu cher, visiblement, et si c’est bien quand ça rapporte, l’écologie, quand ça coûte cher à l’État, on y réfléchit à deux fois. Ensuite un motif technique : vous nous indiquiez, à l’époque, vouloir remplacer ce crédit d’impôt par un dispositif d’aide plus efficace pour les ménages mais, j’y insiste, la décision a été ni plus ni moins annulée.
On en reste par conséquent avec un CITE rabougri, fruit d’un manque de volonté politique de votre part. Pourtant, nous avions bien précisé que la transition écologique ne se ferait pas si notre pays restait les yeux rivés sur les indicateurs de déficits, qu’elle ne se ferait pas non plus sans une politique sociale ambitieuse, garantissant une fiscalité plus juste et donnant des moyens à tous nos concitoyens pour vivre dignement. Les deux sont proprement indissociables : on ne peut pas vouloir engager une politique de transition écologique en rayant d’un trait de plume l’égalité sociale.
C’est précisément dans un pays où 9 millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté, où 14 % de la population est au chômage, où les pensions des retraités s’amenuisent, que se pose à court et moyen terme la question de la transition écologique. C’est ce que soulignait Fabien Roussel à la télévision l’autre jour. Enjeu que l’on perçoit bien quand on lit le cahier des revendications de ceux qui manifesteront dans quelques jours.
Nous ne cessons de plaider pour une nouvelle répartition des richesses, en particulier pour une augmentation significative du SMIC.
Je sais que ce n’est pas votre tasse de thé, loin de là, mais nous pensons que le relèvement du SMIC à 1 500 euros nets en 2022 serait justifié pour vraiment réduire les inégalités. Une trajectoire similaire s’impose pour les agents de la fonction publique territoriale, hospitalière ou d’État.
Il s’agit aussi d’irriguer notre système fiscal d’une plus grande progressivité. Cela implique, et nous continuerons de le préconiser, un recul de la TVA, impôt particulièrement injuste, qui pèse davantage sur les ménages les plus modestes. Nous souhaitons que l’impôt sur le revenu – lequel est encore l’impôt le plus juste – soit réhabilité. Non, monsieur Darmanin, nous ne sommes pas de ceux qui rêvent d’un pays sans impôts – je crois me souvenir d’une phrase de vous, l’été dernier, allant dans ce sens. L’impôt a son utilité dès lors qu’il est prélevé et réparti justement.
En matière de fiscalité écologique, nous pensons là encore que l’État doit prendre ses responsabilités en répartissant l’effort de manière beaucoup plus équitable. Nous avons fait de nombreuses propositions que vous allez rejeter sans coup férir au cours de l’examen du texte. Sachez tout simplement que la création d’un impôt de solidarité pour la planète sous la forme d’une contribution des grandes entreprises qui alimenterait un fonds pour la transition écologique n’est pas une idée en l’air car la dette environnementale, c’est aussi et c’est surtout la dette du capital. Mais, en matière d’écologie, l’ambition ne se réduit pas à des logiques fiscales, nous y reviendrons, mais doit imprégner l’aménagement du territoire, la mobilité et les infrastructures, mais aussi l’alimentation et la consommation au quotidien, le logement et la rénovation urbaine.
Je ne demande à personne de partager l’argumentation de la motion de renvoi en commission présentée par les députés du groupe GDR. Contrairement à d’autres ici, je ne suis pas à même de juger du bien-fondé ou non des travaux parlementaires de ces derniers jours. Quelle que soit notre étiquette politique, quel que soit le jugement que nous pouvons porter les uns et les autres sur les orientations du PLFR pour 2018, accordons-nous néanmoins sur le fait que les conditions d’une discussion parlementaire n’ont pas été réunies, raison pour laquelle je vous invite à prendre vos responsabilités et à renvoyer le texte en commission. (M. Fabien Roussel applaudit.)
Discussions générales
PLFR pour 2018 (MRC)
Publié le 12 novembre 2018
Hubert
Wulfranc
Député
de
Seine-Maritime (3ème circonscription)