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PLF 2017 Solidarité, insertion et égalité des chances (séance)

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette mission, que je connais bien pour en être le rapporteur spécial depuis trois ans, pose toujours autant de questions. Avec un budget total, très important, de 17,8 milliards d’euros, elle est une des plus importantes de cette deuxième partie du projet de loi de finances et, surtout, elle répond à des besoins indispensables pour la vie quotidienne de populations qui sont souvent les plus fragiles. Néanmoins, dans une société où le pouvoir d’achat stagne, où l’accès à l’emploi est de plus en plus difficile, ainsi d’ailleurs que l’accès aux soins, la mesure de l’effort fourni par le Gouvernement ne saurait être trouvée dans une infime augmentation budgétaire ; elle réside dans une approche globale des immenses besoins existant en matière de revenus, de minima sociaux, d’insertion, de politiques en faveur des personnes en situation de handicap, de lutte contre les discriminations.
En outre, cette mission est, de façon chronique, sous-évaluée, ce qui impose, année après année, des rallonges budgétaires en loi de finances rectificative – ce sera probablement encore le cas pour 2016. Tout est fait comme si, au moment de la décision budgétaire, on pensait que la pauvreté allait tout d’un coup disparaître ou que les Français n’allaient pas réclamer le bénéfice de leurs droits.
La prime d’activité, qui pourrait être considérée comme une avancée sociale, a des effets pervers qui doivent nous questionner. Par exemple, une personne seule qui gagne le SMIC perçoit une prime d’activité de 156 euros. Pourquoi, dans ce cas, ne pas augmenter le SMIC ? Pourquoi la collectivité supporte-t-elle le poids de politiques salariales au rabais ?
Pour le dire autrement, on peut considérer, particulièrement dans ce cas-là, que l’État paie une part de salaire à la place de l’entreprise. Et cela d’autant plus que nous versons par ailleurs 41 milliards d’euros aux entreprises au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, sans que cela n’ait – semble-t-il – d’impact réel sur l’emploi. Pourquoi se résigner à n’augmenter le SMIC que de 0,6 % en 2016, soit 6,80 euros par mois ?
De même, le taux de recours prévu pour 2016 était largement inférieur à la réalité, puisque situé à 50 %. Pourquoi ne pas mettre en place une activation automatique de la prime d’activité ? On est en train de nous expliquer qu’on peut aisément le faire pour le prélèvement de l’impôt à la source : cela devrait être possible pour cette prestation !
D’une manière générale, qu’il s’agisse du RSA, de l’allocation aux adultes handicapés ou, plus généralement, des minima sociaux, nous nous heurtons à un problème de fond : ces minima se situent très largement en dessous du seuil de pauvreté. L’écart, d’ailleurs, entre le seuil de pauvreté, fixé à 1 008 euros, et le SMIC, de 1 139 euros, n’a jamais été aussi faible ; cela pose de vraies questions quant au niveau de vie. En commission élargie, madame la secrétaire d’État nous a fait part du recul de la pauvreté – il s’agit en réalité d’un recul du nombre de personnes en situation de pauvreté. Je m’en félicite, mais, dans ce domaine, l’ambition doit être immense : il y a encore 8 millions et demi de personnes en situation de pauvreté, dont la moitié en situation de grande pauvreté. Ce n’est pas un RSA à 500 euros pour une personne seule – même si c’est déjà bien – ou une allocation aux adultes handicapés à 808 euros par mois qui permettront de réduire fortement la pauvreté !
Les mesures en faveur des personnes en situation de handicap ne sont pas au niveau des attentes de nos concitoyens, notamment s’agissant des places disponibles en établissements et services d’aide par le travail. Dans ce domaine, c’est un véritable « plan Marshall » qu’il faudrait décréter, tant la situation est alarmante.
S’agissant de la réforme des minima sociaux, qui fera l’objet de discussions à l’occasion de l’examen des articles non rattachés, je ne peux m’empêcher d’éprouver quelques craintes, notamment au sujet des personnes en situation de handicap ; j’aimerais avoir l’assurance qu’elles continueront à pouvoir cumuler l’allocation aux adultes handicapés et l’allocation de solidarité spécifique. De même, la fixation d’un plafond de 30 000 euros de patrimoine et assurance vie dans le nouveau mode de calcul des aides au logement interroge sur le niveau des aides au logement pour les personnes handicapées.
Enfin, nos départements sont asphyxiés financièrement. Ils ont pour la plupart du mal à faire face à leurs dépenses, notamment en raison de la baisse des dotations de l’État. Cela est malheureusement vrai pour toutes les collectivités territoriales, qui doivent, conformément à leur rôle, agir sur les inégalités avec des moyens de plus en plus restreints. La renationalisation du RSA, rejetée, peut-être par mauvaise volonté, par l’Association des départements de France, devrait être remise à l’ordre du jour, en donnant aux départements les moyens d’une politique d’insertion ambitieuse.
Pour conclure, les besoins de la présente mission sont immenses. Nos divergences sont de degré, non de nature. Néanmoins, nous ne pourrons soutenir totalement ce budget.

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Gaby
Charroux

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