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PLF 2012 : question sur l’intervention française en Libye (Action extérieure de l’Etat)

M. le président. Nous en venons aux deux questions du groupe GDR, qui seront posées successivement par M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq. Ma première question portera sur l’action de la France en Libye, car il s’agit de comprendre le fond de la politique française à l’étranger à travers cet exemple.
L’intervention militaire en Libye, qui a pris officiellement fin le 31 octobre, est qualifiée de « véritable succès » par les membres de l’OTAN.
Pourtant, la première application de la résolution 1973 sur la protection des civils aura mené immédiatement à une violation flagrante du droit international, y compris de la responsabilité de protéger – le conflit aurait fait près de 50 000 victimes selon les chiffres annoncés par le CNT.
En armant la rébellion afin de faire tomber le pouvoir en place à Tripoli, en envoyant des forces spéciales sur le sol libyen, en menant des opérations visant la personne même du colonel Kadhafi et finalement en participant à sa capture, qui aurait vraisemblablement conduit à une exécution extrajudiciaire, donc à une violation des droits humains les plus élémentaires, les tenants des valeurs de l’État de droit ont franchi les limites de la légalité internationale.
Au final, la première application de la résolution sur la responsabilité de protéger pourrait bien être la dernière, en raison, justement, de la façon dont l’OTAN a abusé de la situation pour mettre en œuvre un changement de régime qui n’était absolument pas prévu par cette résolution et qui est en conflit fondamental avec la Charte des Nations unies.
Alors, au regard de la façon dont le Conseil national de transition est arrivé au pouvoir, des conditions de la mort du colonel Kadhafi et de l’appel du CNT libyen à un retour à l’application de la charia, le succès invoqué par les Occidentaux me laisse pour le moins perplexe.
De même que me paraissent pour le moins embarrassants les propos tenus par notre ministre des affaires étrangères, au lendemain de l’exhibition du lynchage du colonel Kadhafi. Loin de regretter l’organisation d’un procès devant la Cour pénale internationale, ne disiez-vous pas, monsieur le ministre d’État : « On ne va pas non plus verser des larmes sur Kadhafi ? » La logique de vengeance aurait-elle cédé la place à celle du droit international ? N’avez-vous pas, au travers de l’exemple libyen, disqualifié la résolution 1973 à tout jamais ?
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Alain Juppé, ministre d’État. Monsieur le député, inutile de vous dire que je ne partage absolument pas votre point de vue : nous avons agi dans le cadre de la légalité internationale et nous avons respecté l’esprit et la lettre de la résolution 1973. D’ailleurs, le Conseil de sécurité n’a pas pris de position inverse sur ce sujet, même si la Russie ou certains pays émergents ont une interprétation différente, qui n’est pas la nôtre.
Cette opération a été conduite de façon extrêmement maîtrisée par l’OTAN. Il n’y a pratiquement pas eu de dommages collatéraux. Nous sommes donc inscrits dans cette ligne-là.
Nous n’avons jamais souhaité la mort de M. Khadafi. Nous avons dit très clairement que nous souhaitions qu’il soit capturé et jugé selon des modalités qu’il appartenait aux autorités libyennes de définir, soit en Libye, soit devant la Cour pénale internationale. Les choses ne se sont pas passées ainsi, mais ce n’est pas l’OTAN qui a procédé à l’élimination de M. Khadafi.
Rappelons qu’il a fait preuve d’une obstination criminelle. À plusieurs reprises, lorsqu’il était réfugié à Syrte, il lui a été proposé des conditions de reddition qui lui auraient permis de quitter la ville et d’être jugé pacifiquement, si je puis dire, ou démocratiquement. Il a refusé, voulant se battre jusqu’au bout.
M. Jacques Myard. Il est mort comme il a vécu, par la violence !
M. Alain Juppé, ministre d’État. La sanction est arrivée dans les conditions que l’on sait et que l’on peut regretter, mais qui sont, je le répète, de son fait.
Nous pensons qu’il nous faut soutenir les efforts du Conseil national de transition. C’est difficile. Je ne connais pas de processus révolutionnaire qui, du jour au lendemain, aboutisse à stabiliser tranquillement la situation d’un pays qui n’a jamais connu la démocratie, mais notre devoir est de rester constant sur notre ligne et de continuer à aider la Libye. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)

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