Interventions

Discussions générales

Nvelle lect. PLFR 2012

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Madame la ministre, en vous écoutant tout à l’heure avec beaucoup d’attention, je me suis rappelé tout à coup que vous n’étiez pas seulement ministre du budget mais aussi porte-parole du Gouvernement. Vous donniez sa pleine signification à cette mission de porte-parole, c’est-à-dire ministre de la propagande.
M. Philippe Meunier. Vous en connaissez un rayon dans ce domaine !
M. Jean-Pierre Brard. Quand vous affirmez des choses à ce point différentes de la vérité, vous nous faites penser aux Nouvelles de Pyongyang ou bien à la Pravda. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) On y lit de belles histoires mais, quand on ouvre la fenêtre, on voit une réalité complètement différente. Il paraît que le poste de rédacteur en chef des Nouvelles de Pyongyang est disponible. Peut-être pourriez postuler après le mois de juin ? Je suis sûr que vous seriez tout de suite sélectionnée tant votre talent est grand pour raconter des salades.
M. Jean-Pierre Soisson. Vous exagérez ! Retirez vos paroles !
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Soisson, si vous voulez, nous irons faire un tour ensemble dans les caves, du côté de Saint-Bris, où le mythe de la caverne existe comme dans Platon.
Je ne m’adresse pas à vous, madame la ministre, car vous êtes très lucide sur vous-même, mais à ceux qui nous regardent, pour qu’ils sachent la vérité.
M. Jean-Pierre Soisson. La vérité, ce n’est pas ce que vous racontez !
M. Jean-Pierre Brard. Vous savez, il paraît que Nicolas Sarkozy et Mme Pécresse se sont cotisés pour racheter les droits du film La Vérité si je mens. Cela leur promet sûrement un grand avenir, mais vous voyez que nous sommes bien loin de la vérité. (Sourires)
M. Jean-Pierre Soisson. Buvez un verre de chablis et vous direz autre chose !
Mme la présidente. Monsieur Soisson, seul M. Brard a la parole.
M. Jean-Pierre Brard. Mon cher collègue, vous me recommandez de boire du chablis, mais je suis abstinent malgré l’intérêt économique que cela représenterait d’en boire.
M. Jean-Pierre Soisson. Vous avez raison sur ce point !
Mme la présidente. Monsieur Brard, ne vous laissez pas distraire et poursuivez.
M. Jean-Pierre Brard. Prenons quelques exemples. Vous parlez de désendettement mais qui a endetté le pays à ce point ? C’est vous !
M. Jean-Pierre Soisson. Non !
M. Jean-Pierre Brard. Qui a créé les déficits abyssaux devant lesquels nous sommes ? C’est vous ! Nous dépensons au-dessus de nos moyens, dites-vous. C’est vrai que certains dépensent au-dessus de nos moyens et plument la France tant ils sont riches et paient peu d’impôts. Je vais vous en citer quelques-uns.
Madame la ministre, je ne veux pas me priver de l’occasion qui m’est offerte de vous demander, pour la trente-quatrième fois depuis le mois d’octobre, s’il est bien vrai – et je vois, monsieur Perrut, que je vous intéresse – que Mme Bettencourt payait 42 millions d’euros d’impôts l’année dernière et qu’elle ne va plus en payer que 10 millions d’euros cette année.
M. Bernard Perrut. Je ne suis pas concerné !
M. Jean-Pierre Brard. À titre personnel, vous ne l’êtes évidemment pas, mais vous l’êtes d’une autre manière : votre curiosité n’est pas bien grande dès lors qu’il s’agit des milliardaires et vous faites partie d’une majorité qui soutient…
M. Jean-Pierre Soisson. Mme Bettencourt ne m’intéresse pas, elle ne boit pas de chablis !
Mme la présidente. Continuez, monsieur Brard. On ne parle pas du chablis mais du projet de loi de finances rectificative pour 2012.
M. Jean-Pierre Brard. Madame la ministre, oui, il y a des gens qui vivent au-dessus de nos moyens, ceux qui s’enrichissent du travail des Français. Je vais vous lire une liste à la Prévert. C’est pour ces gens-là qu’en même temps que nos collègues de Die Linke au Bundestag, nous vous avons proposé ici même, le 1er décembre dernier, d’instaurer un prélèvement sur les millionnaires, de 5 % au-delà d’un million d’euros, afin de régler les questions de la dette et des déficits.
Voici la liste des dix premiers, classés en fonction du niveau de leur fortune personnelle : Bernard Arnault, 21,240 milliards d’euros ; Gérard Mulliez et sa famille, 21 milliards d’euros ; Lilianne Bettencourt et sa famille, qui connaît quelques problèmes de répartition, 17,5 milliards d’euros ; Bertrand Puech et la famille Hermès, propriétaires d’Hermès International, 12,2 milliards d’euros ; François Pinault et sa famille, propriétaires du groupe PPR, 8 milliards d’euros ; Serge Dassault, une vieille connaissance qui essaie de fourguer son Rafale, et sa famille, 7,5 milliards d’euros ; la famille Dreyfus, propriétaire du groupe éponyme, 6,6 milliards d’euros ; Alain Wertheimer et sa famille, propriétaires de Chanel, 4,5 milliards d’euros ; Pierre Castel et sa famille, propriétaires de Castel Frères, 4,5 milliards d’euros ; Vincent Bolloré, celui qui avait invité le nouveau Président de la République sur son bateau, 3,8 milliards d’euros.
Voyez, des sous il y en a ! Les riches n’ont jamais été aussi riches et jamais ils n’ont été aussi bien protégés que vous ne les protégez.
M. Jean-Pierre Soisson. Et ils ne boivent pas de chablis !
M. Jean-Pierre Brard. C’est vrai, certainement, pas assez pour soutenir les vignerons de l’Yonne.
Vous prétendez qu’il n’y a pas d’alternative sérieuse à la politique du Gouvernement. Bien sûr que si ! Je vais vous citer quelques exemples mais, dès que l’on commence à énumérer les gens qui vous soutiennent, les riches frissonnent d’effroi.
Nous proposons l’adoption d’une loi portant création d’un pôle public financier transformant notamment la politique et les critères du crédit.
Nous proposons également que soient regroupées les participations de l’État dans les sociétés industrielles, nous permettant de mener une politique d’actionnaires. Les Français ne savent pas que l’État possède 20 % d’Air France, 16 % de Renault et 36 % de GDF Suez. Nous pourrions rallonger la liste puisque toutes les sociétés cotées au CAC 40 de la Bourse de Paris ont la Caisse des dépôts – pour le moins – à leur capital. Or dans toutes ces sociétés qui font des bénéfices, on n’augmente pas les salaires, on licencie, laissant à la charge de l’État le prix des licenciements et jetant dans la désespérance et le désarroi des familles et leurs enfants.
Oh, le Président de la République, tout à coup touché par la grâce, s’intéresse aux ouvriers. N’est-ce pas méprisant pour ces mêmes ouvriers de voir la considération arriver au moment des échéances électorales ? Avant cela, le Président de la République a piétiné le pouvoir d’achat, méprisé « ceux qui se lèvent tôt et qui travaillent dur » – comme il avait dit en 2007 – dont le pouvoir d’achat s’est réduit comme peau de chagrin parce que l’argent qu’ils auraient dû avoir, vous l’avez donné aux privilégiés. Face à cela, vous ne pouvez opposer aucune démonstration.
Nous proposons de bloquer les échanges de capitaux avec les paradis fiscaux. Nicolas Sarkozy avait dit : les paradis fiscaux, c’est fini ! Il ne nous avait pas donné le mode d’emploi, à l’époque. Qu’a-t-il fait ? Il a fait disparaître la liste mais il n’a pas fait disparaître les paradis fiscaux. Vous nous avez même fait voter des accords bilatéraux avec ces États voyous, afin qu’ils puissent continuer à trafiquer en toute impunité. D’ailleurs, lors de l’examen de l’un de ces textes, le rapporteur avait reconnu lui-même qu’on ne pourrait pas contrôler la vérité de ce qui nous est affirmé par ces États voyous.
Les paradis fiscaux ne se sont donc jamais aussi bien portés, et vous continuez de tolérer que toutes les banques françaises et de grandes sociétés comme Renault et Air France aient des comptes dans les paradis fiscaux, échappant ainsi à leur juste contribution pour faire vivre notre pays et ses politiques sociales.
Nous supprimerons les exonérations de cotisations sociales que vous avez accordées de façon si généreuse. Mon temps de parole s’épuisant, je vais terminer par là. Vous parlez de charges sociales mais ce ne sont pas des « charges », ce n’est pas le « coût du travail ». Les cotisations payées à la sécurité sociale représentent une part de la richesse produite par le salarié qui n’est pas versée sous forme de salaire direct mais qui transite du patron à la sécurité sociale.
En réalité, vous êtes en train de siphonner les régimes sociaux. Après avoir porté des coups à la retraite, vous préparez la liquidation de la sécurité sociale. Je suis satisfait d’être approuvé par Jean-Pierre Soisson…
M. Jean-Pierre Soisson. Comment ? Répétez !
M. Jean-Pierre Brard. …qui connaît bien ces sujets. Pourquoi la liquidez-vous ? Parce que vous voulez nous aligner sur les États-Unis. Il est vrai que des opérateurs privés ont sorti leur épuisette et s’apprêtent à recueillir le fruit de votre politique, condamnant ainsi les Français – comme c’est déjà le cas d’un sur trois d’entre eux – à renoncer aux soins dont ils ont pourtant absolument besoin.
Vous liquidez l’héritage du Conseil national de la résistance, comme vous l’a recommandé Denis Kessler. Vous portez atteinte à la France, et ce n’est pas digne. Jamais, évidemment, nous ne vous suivrons, et nous nous battons en ce moment pour convaincre nos concitoyens de la nécessité de se débarrasser de cette politique et d’en mener une autre. C’est ce que nous, Front de gauche, faisons.

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Jean-Pierre
Brard

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