Interventions

Discussions générales

Nlle lect. lutte contre les dérives sectaires et accompagnement des victimes

Il est vrai que l’intensification des dérives sectaires, depuis une dizaine d’années, est préoccupante. La Miviludes constate et nous fait connaître l’augmentation significative du nombre de saisines d’une année sur l’autre ; elle nous alerte également sur l’évolution du phénomène sectaire, de plus en plus atomisé et mouvant. Aux côtés des multinationales de la spiritualité – l’Église de scientologie en est un exemple – prolifèrent, depuis la crise sanitaire du covid, de multiples structures, discrètes et de petite taille, dans les domaines de la santé, du bien-être et de l’alimentation. Se multiplient également des gourous 2.0 qui, œuvrant sur les réseaux sociaux, diffusent des thèses complotistes et promettent un enrichissement rapide au prix de l’embrigadement dans des systèmes financiers pyramidaux qui reposent sur un rapport modifié au travail et à la marginalité. Face à ces évolutions alarmantes, dont les chiffres ne représentent que l’aspect le plus visible, nous devons chercher à informer, mieux sensibiliser aux dangers et agir pour saisir plus justement ce phénomène évolutif et polymorphe, qui fait chaque année des milliers de victimes. Renforcer la lutte contre les dérives sectaires et les violences qu’elles engendrent constitue un enjeu national de santé et d’ordre public.
Oui, nous souscrivons à l’objectif annoncé par le projet de loi mais nous partageons aussi la circonspection qu’expriment les associations face au soudain regain d’intérêt du Gouvernement, après des années d’inaction.
Rappelons tout de même que la Miviludes, créée en 2002, a connu un déclin, voire un abandon progressif de la part des pouvoirs publics. La Cour des comptes notait ainsi en 2017 que ses « ressources budgétaires au demeurant très modestes […] ont été sensiblement réduites au cours des dix dernières années, signe d’un affaiblissement auprès des différents ministères ».

Surtout, on a pu craindre en 2020 la disparition pure et simple de cet organisme de l’État qui n’a dû son maintien qu’à l’ampleur des protestations.
Aussi, comme les associations, nous pensons que la lutte contre les dérives sectaires passe, d’abord, par le renforcement substantiel des moyens humains et matériels de la Miviludes.
Nous nous réjouissons à cet égard que ce texte lui confère un statut législatif mais nous nous interrogeons sur la volonté de ne pas mentionner directement dans la loi le nom de cette administration, comme c’est le cas pour beaucoup d’autres. Nous resterons vigilants afin d’éviter toute remise en cause du principe de sa consécration législative.
Pour le reste, nous regrettons que le texte propose essentiellement des mesures répressives, dont on peut douter de l’efficacité concrète dans la lutte contre les dérives sectaires. Je note d’ailleurs que les textes qui nous ont été présentés me conduisent souvent à utiliser ce type d’argument : chaque problème dans la société semble appeler un renforcement de la répression. Or nous savons que cela n’a que peu d’efficacité.

Remplir les prisons n’empêche pas la persistance des phénomènes contre lesquels vous entendez lutter pas plus que des souffrances qu’ils infligent aux gens.
Pour notre part, nous pensons que la lutte contre les dérives sectaires exige en premier lieu d’octroyer les moyens matériels et humains nécessaires pour assurer l’effectivité des mesures existantes. Par ailleurs, nous considérons qu’on ne devrait modifier le droit qu’après une application efficiente des dispositions en vigueur et une évaluation précise de l’arsenal pénal existant.

Pour ce qui est de l’article 4, si nous considérons qu’il est indispensable de répondre à la multiplication des pratiques consistant à promouvoir l’abandon de soins pourtant nécessaires à la santé ou l’adoption de certaines pratiques présentées abusivement comme bénéfiques pour la santé, nous tenons à rappeler que de nombreuses incriminations existantes, telles que l’exercice illégal de la médecine, l’homicide involontaire ou les pratiques commerciales trompeuses, sont déjà réprimées par le droit. C’est la raison pour laquelle le Conseil d’État a considéré que « ni la nécessité, ni la proportionnalité de ces nouvelles incriminations ne sont avérées ».
Surtout, la rédaction de cet article, malgré certains efforts, reste insatisfaisante. Les réécritures approximatives dont il a fait l’objet au cours de la navette témoignent de la fragilité du dispositif proposé. Celui-ci ne permet en effet pas de concilier l’exercice de la liberté d’expression, de la liberté de choix et de refus des soins avec l’objectif de protection de la santé publique.
En définitive, comme en première lecture, nous ne voterons pas en faveur de ce texte, fragile juridiquement : il ne nous semble pas en mesure de lutter efficacement contre les dérives sectaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et, Écolo-NUPES.)

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