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Mise en application de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est, à quelques jours près, l’anniversaire du paquet fiscal, synonyme de plus de 13 milliards d’euros de cadeaux fiscaux.
Vous poursuivez avec la loi dite de modernisation de l’économie : banalisation du livret A, cadeaux à la grande distribution, mise à mal d’un certain nombre de professions, comme la profession de commissaire aux comptes, statuts dérogatoires au droit commun pour certaines catégories d’entrepreneurs…
Vous appelez cela, madame la ministre, mettre « la France en mouvement ». C’était déjà ce que vous promettiez l’an passé, avec la loi TEPA.
En fait de « modernisation », si vous refusez obstinément toute hausse substantielle du SMIC, vous rejetez toute idée de taxation des stock options et des bénéfices des compagnies pétrolières, alors que celles-ci continuent d’engranger des bénéfices faramineux ; vous accordez des aides tout aussi colossales aux entreprises sans contrepartie en termes de salaires ; vous remettez en cause les droits des salariés ; vous supprimez plus de 30 000 postes dans la fonction publique ; vous portez des atteintes répétées à la protection sociale ; vous prévoyez de transformer La Poste en société anonyme ; vous faites porter des menaces sur l’audiovisuel public ; vous privatisez GDF, cela se concrétise aujourd’hui même. Voilà la réalité de votre politique. Sans compter que se confirme, jour après jour, et par vos propres organismes d’études, l’ancrage dans notre pays de la pauvreté, avec des écarts grandissants entre les 10 % de citoyens les plus riches et les 10 % de citoyens les plus pauvres.
La loi de modernisation économique est sur la même ligne.
Avec la réforme des négociations commerciales, vous renforcez la mainmise de la grande distribution sur la chaîne de production. Sous le terme trompeur de « négociabilité », c’est la loi du plus fort qui se cache, et l’étranglement des petits fournisseurs. Tout cela sans aucune assurance que les consommateurs bénéficieront au bout de la chaîne des baisses de prix imposées aux producteurs !
La réforme de l’urbanisme commercial vient, elle aussi, largement déréguler le secteur économique. Certes, l’Assemblée et le Sénat ont mis quelques garde-fous au fil des amendements, mais la consultation des commissions départementales d’aménagement commercial ne sera plus obligatoire pour les établissements de moins de 1 000 mètres carrés ; elle sera seulement possible, en fonction du bon vouloir du maire.
Finalement, au nom de la libéralisation de la croissance, les considérations relatives à l’aménagement urbain et les réflexions sur les conditions d’emploi et de travail dans les hard discount sont balayées d’un revers de manche. C’est d’ailleurs ce que répond Philippe Moreau, président de la CGPME de Loire-Atlantique, au journaliste qui lui pose la question : « Croyez-vous à la baisse des prix avec davantage de supermarchés » ? Il répond : « Non ! Depuis de nombreuses années le nombre de mètres carrés des grandes surfaces ne cesse d’augmenter sans que les prix baissent. »
« Et il ne fait aucun doute que porter de 300 à 1 000 mètres carrés la possibilité de créer des commerces sans passage en CDEC profitera essentiellement aux magasins de petite taille existants qui en profiteront pour s’agrandir. »
« L’État ne s’attaque pas à la source du mal qui provient de la puissance et des ententes entre les cinq centrales d’achat dominant la grande distribution française. Pas plus d’ailleurs qu’on ne s’étonne de la montée en puissance des marques distributeurs faisant fi de la propriété industrielle de leurs créateurs d’origine. »
Et pour parfaire le tout, votre texte avalise une réforme des autorités de contrôle, avec la création d’une « autorité de la concurrence ». Même le président du Conseil de la concurrence s’interroge sur les moyens qui lui seront dévolus pour exister ! Pourtant, pour assurer la protection du consommateur et le respect des règles de la concurrence, des moyens humains suffisants sont nécessaires.
Finalement, dans ce texte, la seule logique en vigueur est celle du libre marché. La libération des énergies que vous appelez de vos vœux, c’est en fait la loi de la jungle : le consommateur face à la grande distribution, les fournisseurs face aux centrales d’achat toutes puissantes, les petits commerçants face à la concurrence des enseignes de hard discount, en attendant la remise en cause que vous voulez imposer du repos dominical pour l’ensemble des salariés du commerce.
Vous avez tout au long de ce texte rejeté toutes nos propositions.
Pour dynamiser l’économie, pourquoi n’avoir abordé aucune réforme de l’accès aux crédits des PME, et plus particulièrement des TPE ? Ces entreprises constituent une force vive pour notre pays, mais leurs difficultés sont parfois fortes, entre les pressions des donneurs d’ordre et la concurrence des grands groupes. Pourquoi n’avoir pas consenti une hausse plus importante que celle que vous avez prévue pour le FISAC afin de les soutenir ?
Comment ne pas faire le lien entre la question des commerces de proximité et votre politique de démantèlement des services publics, qui contribue à l’assèchement de la vie des quartiers, mais aussi de la vie rurale et montagnarde ? En effet, vous ne jugez les services publics qu’à l’aune de leur rentabilité financière. Et dès lors qu’ils sont jugés trop peu rentables, ils sont fermés ou appauvris. Cela aussi nuit aux commerces de proximité !
Votre seul levier d’action, c’est le développement de la concurrence et de la déréglementation, qui, à vos yeux, ne peut que faire baisser les prix et relancer la croissance.
Autre gagnant de votre texte : le secteur bancaire. Alors que rien ne vous y obligeait, vous lui offrez le livret A, produit d’appel sans pareil, sans aucune garantie réelle sur la qualité du service rendu par les banques. Et en décentralisant la collecte de ce livret, vous leur consentez un cadeau de plusieurs milliards d’euros en liquidités ! Là encore, ce ne sont pas les petits épargnants qui seront gagnants, pas plus que le réseau postal. Et, au même moment, nous apprenons que La Poste deviendrait une société anonyme.
Sombre perspective !
À l’inquiétude des Français devant l’évolution de leur pouvoir d’achat, vous répondez par un statut dit « d’auto-entrepreneur », sans immatriculation au registre du commerce, sans cotisation sociale ou fiscale, pour compléter les fins de mois, en complément d’un temps partiel non choisi, ou d’une maigre pension de retraite.
Cette proposition suscite, à juste titre, une réaction outrée de la Fédération française du bâtiment. Ainsi, le président de la fédération française du bâtiment de ma région, la région havraise que vous connaissez bien, écrit, et il s’adresse évidemment à l’ensemble des adhérents à cette structure : « Nous attirons également votre attention sur l’une des dispositions de la loi de modernisation économique en cours d’examen par le Parlement, concernant l’instauration d’un statut dit “d’auto entrepreneur”.
« Sous des prétextes de simplification administrative et d’encouragement à la création d’entreprise, cette disposition permettrait de dispenser d’immatriculation au registre du commerce ou des métiers l’exercice de petites activités en cumul d’une situation de salarié ou de retraite.
« La profession tout entière dénonce la concurrence déloyale qui résulterait de l’activité de ces “entrepreneurs” amateurs, dépourvus de qualification et d’assurance professionnelle. »
Je tiens à votre disposition ce document signé du président de la Fédération française du bâtiment.
Quant à l’UPA, voici l’extrait du communiqué diffusé à l’issue de la réunion des présidents des UPA territoriales le 27 juin :
« Ils ont rejeté catégoriquement la création du statut de l’auto-entrepreneur qui, en instaurant un régime dérogatoire au profit des petites activités, impose une concurrence déloyale aux entreprises existantes et menace un tissu économique aujourd’hui performant.
« Ils ont dénoncé la libéralisation de l’implantation des grandes surfaces alors que la France détient déjà le record européen de mètres carrés par habitant.
« Ils se sont opposés à l’ouverture généralisée des commerces et des grandes surfaces le dimanche et ont appelé au lancement d’un plan de développement de l’économie de proximité incluant tous les domaines : emploi, qualité de vie, commerce urbanisme, déplacements. »
Oui, monsieur le secrétaire d’État, c’est ça la position de l’UPA.
Il est vrai qu’avec vos propositions, vous poursuivez d’autres objectifs, beaucoup moins avouables : poursuivre le « détricotage » des 35 heures, sortir de plus en plus de salariés des dispositions solidaires du monde du travail, poursuivre la déconnexion du financement de la protection sociale, des cotisations des entreprises et des salariés. C’est cela qui est derrière votre projet de loi.
Au-delà de l’apparence « fourre-tout » de votre texte, vous avez une logique implacable : adapter notre pays, notre société, nos concitoyens, aux exigences d’un capitalisme qui entend avoir les mains libres, dans un contexte de mondialisation financière et de concurrence exacerbée.
J’ai eu l’occasion tout au long de ce texte d’aborder ce que vous entendez par « modernisation ». Ce que vous appelez « modernisation » n’est rien d’autre qu’un recul social sans précédent. Nous n’avons pas la même conception de la modernisation.
Nous voterons donc quant à nous contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
 

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Daniel
Paul

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)
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