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Mesures de justice pour limiter les frais bancaires (PPL)

Permettez-moi de commencer par une question : qu’attendons-nous des banques ? Qu’elles fournissent un service indispensable à la vie quotidienne ou qu’elles s’enrichissent grâce aux fragilités économiques de leurs clients ? Il se trouve que, pour de plus en plus de personnes, ce service indispensable que chacun d’entre nous est en droit d’attendre se transforme en véritable parcours du combattant, en course d’obstacles pavée de frais d’incident bancaire. Pour toutes celles et tous ceux qui se trouvent en situation de précarité, dès que le découvert malencontreux surgit, les banques se servent et leur assènent une série de frais automatiques.
Cela commence par la « commission d’intervention » : sous ce doux nom se dissimule un racket légal, certes plafonné, mais toujours appliqué au niveau maximum. Puis vient la lettre d’information, simple courriel facturé 12,50 euros, envoyé, renvoyé et encore renvoyé. Puis ce sont éventuellement les frais de rejet, parfois les frais de saisie. Cette spirale infernale, cette cascade de frais sont l’expression du modèle économique du secteur bancaire, qui se nourrit de la précarité et de la vulnérabilité. La précarité conduit à être à découvert et être à découvert entraîne une cascade de frais qui aggravent encore la précarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Ce cercle vicieux, les banques ont choisi de l’entretenir pour gonfler leurs profits dans l’opacité la plus complète. Elle commence par des plaquettes tarifaires illisibles, d’une complexité telle qu’elle décourage même les esprits les plus aguerris. Elle se poursuit à travers le secret jalousement gardé du montant total des frais d’incident bancaire prélevés. Nous avons eu beau, avec le rapporteur, faire des recherches, auditionner et interroger les banques, elles refusent obstinément de communiquer, s’abritant derrière le sacro-saint « secret des affaires ». Les dernières estimations recueillies datent de 2019 : 6,5 milliards d’euros auraient été prélevés pour de simples frais d’incident bancaire –⁠ tous les indices donnent à penser que cette manne est aujourd’hui bien plus élevée.
Soyons clairs : ces frais ne reflètent aucunement le coût réel des interventions bancaires. Il s’agit majoritairement d’interventions automatisées, qui prennent quelques secondes et ne coûtent que quelques centimes.
Les offres spécifiques censées protéger les clients fragiles et que vous avez évoquées, madame la ministre, sont très insuffisantes. À peine un tiers des clients éligibles y souscrivent. Vous avez cité le chiffre de 4 millions de personnes, mais il s’agit du nombre de personnes identifiées comme de potentiels bénéficiaires ; 1 million seulement y souscrivent, en raison de critères flous et de pratiques commerciales douteuses, comme la limitation drastique des services bancaires offerts.
Ces frais seraient-ils justifiés par le maintien des agences et de la relation bancaire dans les territoires ? Nous avons appris que les principales banques françaises s’apprêtaient à supprimer 12,5 % de leurs agences d’ici à 2027, accentuant l’isolement des populations déjà fragiles. Pendant ce temps, les frais bancaires, eux, continuent leur ascension vertigineuse –⁠ ils ont augmenté de 5 % en 2025 –, dans le silence assourdissant des pouvoirs publics.
Cette hausse ininterrompue contribue à faire des frais bancaires un véritable impôt sur la précarité. Face à cette situation, le législateur doit intervenir fermement, au moyen d’un plafonnement ambitieux. La raquette législative ne doit pas être trouée et l’encadrement doit être strict. Tenue de compte, carte, relevés, retraits : le législateur doit fixer les règles, afin que le service bancaire de base reste accessible à tous.
Certes, les lois passées ont commencé à poser les bases d’une meilleure régulation des pratiques bancaires, mais elles sont insuffisantes. Les plafonds actuels sont régulièrement appliqués au maximum, sans aucune remise ; nombre de frais sont en dehors de leur champ d’application. En outre, les critères pour définir la fragilité bancaire sont si restrictifs et subjectifs qu’ils excluent la majorité des personnes en difficulté. À l’inverse, le dispositif que nous proposons garantirait une protection universelle, prévenant ainsi les effets pervers des contournements.
Enfin, cette bataille est une question de justice sociale, économique et fiscale. En 2024, les cinq grands groupes bancaires français ont engrangé 32,2 milliards d’euros de bénéfices, soit une hausse de 11 % par rapport à l’année précédente. Et pendant ce temps, des millions de Français croulent sous les frais bancaires ! La suppression des frais d’incident que nous proposons et le plafonnement global des frais constitueraient ainsi un levier important en faveur du pouvoir d’achat.
Avec cette proposition de loi, nous ne demandons pas aux banques d’être généreuses ; nous œuvrons simplement pour faire cesser l’abus de prélèvements injustifiés envers des millions d’usagers et de personnes fragiles et, pour paraphraser René Fallet, pour que les banques cessent tout simplement de se comporter comme des détrousseurs d’économiquement faibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. –⁠ M. Charles Fournier applaudit également.)

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