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Lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux

La présente proposition de loi se veut un texte pionnier en Europe dans la régulation du secteur de l’influence commerciale. Elle défend une ambition partagée unanimement sur ces bancs, celle de renforcer l’encadrement de l’activité des influenceurs afin de mettre fin aux nombreuses dérives et pratiques douteuses dont l’actualité nous offre régulièrement des exemples : arnaques aux placements financiers, sur lesquelles l’Autorité des marchés financiers a déjà publié plusieurs mises en garde ; arnaques au compte personnel de formation et aux abonnements cachés ; promotion de médicaments et de pratiques médicales dangereuses, de produits contrefaits, de jeux d’argent et de hasard, de boissons ou de compléments alimentaires douteux. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes relève que les pratiques de 60 % des influenceurs contrôlés dans le cadre des enquêtes qu’elle mène depuis plusieurs années ne sont pas conformes à la réglementation et qu’au-delà même des tromperies et arnaques avérées, la totalité des influenceurs contrôlés ne respectait pas la réglementation relative à la transparence du caractère commercial de leurs publications. Il était essentiel de réagir et de légiférer sur cette question. Nous tenons donc à remercier les rapporteurs pour leur travail législatif, qui définit un cadre juridique clair, fondé sur la contractualisation d’obligations de protection des consommateurs et des mineurs.

Nous regrettons toutefois que l’examen de ce texte en commission ait conduit à des reculs. Comme à son habitude, en effet, la majorité a laissé son empreinte en transformant en droit mou un cadre à l’origine plus contraignant. L’interdiction de la promotion de médicaments, des produits pharmaceutiques et dispositifs médicaux, prévue dans le texte initial, est passée à la trappe. L’interdiction de faire de la publicité contre rémunération pour les jeux d’argent et de hasard a été remplacée par l’obligation d’informer par un bandeau visible que ceux-ci sont réservés aux personnes majeures. De même, de simples obligations d’information sont désormais prévues pour la promotion de boissons avec ajout de sucre, de sel ou d’édulcorants ou la publicité relative aux formations professionnelles.

Le travail effectué en commission a ainsi consisté à proposer un décalque du cadre juridique relatif à la promotion de biens et de services dans les autres médias, alors que l’analogie n’est pas satisfaisante. En effet, elle ne permet pas de prendre en compte la spécificité du marketing d’influence et sa parenté avec les phénomènes d’emprise psychologique. Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi initiale, vous notiez à juste titre que « la relation faussement intimiste développée par ces influenceurs rassure ceux qui les suivent grâce au ressenti parfois trompeur de transparence, d’honnêteté, de proximité et de bienveillance à leur égard, et les place ainsi dans la situation de voir leurs décisions d’achat déterminées par les indications des influenceurs. » Eu égard à cette particularité, nous aurions souhaité des mesures de régulation plus fortes.

Nous restons par ailleurs assez circonspects sur le rôle assigné aux signaleurs de confiance, directement inspiré du règlement européen sur les services numériques. Si la mesure est le corollaire de l’absence d’obligation générale de surveillance ou de recherche active des faits par les plateformes, elle conduit peu ou prou à une forme de sous-traitance aux associations des missions de la DGCCRF. S’il est légitime de reconnaître aux associations la faculté de signaler directement les contenus illicites aux autorités, elles n’ont pas vocation à disposer de pouvoirs d’injonction. Or, c’est ce que nous semble implicitement reconnaître l’article 4.

Pour notre part, nous considérons que l’État ne saurait se défausser de ses responsabilités. La DGCCRF accuse un manque criant de moyens pour procéder aux contrôles et aux enquêtes nécessaires pour réprimer certaines pratiques illégales, notamment en matière de marketing d’influence. L’annonce par le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de la création d’une brigade spécialisée de 15 agents, alors que notre pays compte 150 000 influenceurs, met en relief cette grave anomalie. Si cette proposition de loi emporte donc notre adhésion sur le principe, nous serons très attentifs aux contours de nos discussions et à la rédaction finale avant d’exprimer un vote.

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Yannick
Monnet

Député de l' Allier (1ère circonscription)

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