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Lutte contre le terrorisme - CMP

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, malheureusement, c’est sans surprise que ce texte de compromis, issu des travaux de la CMP, pérennise les principales mesures dérogatoires de l’état d’urgence en les inscrivant dans le droit commun. Il n’est donc pas, de ce point de vue, conforme aux engagements du Président de la République, qui, le 3 juillet dernier, après avoir annoncé, devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, la fin de l’état d’urgence, déclarait : « Le code pénal tel qu’il est, les pouvoirs des magistrats tels qu’ils sont, peuvent, si le système est bien ordonné, bien organisé, nous permettre d’anéantir nos adversaires. »
Nous l’avons déjà dit au cours des débats, nous savons que la menace terroriste est élevée et durable. Mais nous considérons, dans le même esprit que les propos du Président de la République, que c’est précisément dans les périodes troublées que nous ne devons pas céder un pouce de notre État de droit et de notre démocratie face à nos ennemis, puisque telle est justement leur cible.
Notre législation antiterroriste est déjà substantielle. Elle a connu, ces dernières années, un renforcement graduel, si bien qu’aujourd’hui de nombreux experts et hauts magistrats la considèrent suffisante. Alors qu’aucun bilan complet et détaillé n’a mesuré l’efficacité des nombreuses lois antiterroristes, vous nous demandez de souscrire à un nouveau renforcement du pouvoir exécutif. Quand on interroge les professionnels de la lutte antiterroriste, tous s’accordent à faire observer que ce ne sont pas les dispositions juridiques qui manquent – bien au contraire, les textes s’accumulent, s’empilent – mais les moyens de leur mise en œuvre, notoirement insuffisants. Je prendrai l’exemple de la Seine-Saint-Denis, que je connais bien : dans ce département, il n’y a pas assez de moyens dans la police, la justice et le renseignement pour appliquer les textes, quels qu’ils soient, et agir efficacement.
Par ailleurs, nous le répétons, pour lutter contre le terrorisme, il faut d’abord lutter contre ce qui le nourrit, en particulier ses sources de financement. À ce propos, notre groupe vient de déposer une demande de commission d’enquête sur le financement des filières terroristes. Nous avions déjà formulé cette demande il y a deux ans, et elle nous avait été refusée ; j’espère que nous obtiendrons satisfaction cette fois-ci. Il faut aussi lutter contre ce qui nourrit indirectement le terrorisme, à savoir les conflits, les inégalités, les discriminations, la marginalisation sociale, qui forment le véritable terreau du terrorisme.
Or, sur ces points, votre projet de loi ne comprend rien. Il ne prévoit rien en matière de prévention, rien en ce qui concerne les moyens accordés à notre police et à notre justice, rien sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, rien non plus pour assurer une solidarité effective avec les victimes du terrorisme dans notre pays.
S’agissant des moyens, l’équation « faire plus avec moins » est tout simplement insoluble – c’est vrai dans de nombreux domaines, mais plus encore en matière de sécurité. Nous vivons dans un pays où nombre de commissariats et de tribunaux sont exsangues. En outre, nous continuons de payer très cher la quasi-disparition du renseignement territorial.
Non seulement ce projet de loi reste silencieux sur toutes ces questions essentielles mais il pointe une partie de nos concitoyens et, par là même, fragilise la cohésion nationale, qui permet de souder le pays dans les épreuves.
J’adresse, une fois encore, une pensée particulière à toutes les victimes directes et indirectes des attentats, qui se comptent désormais par centaines dans notre pays. Deux ans après, presque jour pour jour, les victimes des attentats de Paris et Saint-Denis se sentent bien seules face aux méandres de l’administration, et les prises en charges et les indemnisations restent lentes et lacunaires. Le texte issu de la commission mixte paritaire confirme malheureusement les craintes que nous avons maintes et maintes fois exprimées ici, notamment par la voix d’Hubert Wulfranc et de moi-même.
Pour l’ensemble de ces raisons, les députés communistes voteront contre ce projet de loi.

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