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Lutte contre la fraude à l’identité et mineurs non accompagnés

Cet après-midi, le groupe UDI-I nous propose deux textes et deux ambiances. Le premier l’honore, par le souci qu’il témoigne des enfants malades scolarisés. Le deuxième est indigne à nos yeux : indigne en raison des dispositions qu’il propose, indigne car il instaure et accompagne un climat de méfiance envers l’ensemble des mineurs non accompagnés, indigne car il ajoute une humiliation supplémentaire à ces enfants qui ont vécu des drames, indigne enfin car il valide les propos orduriers d’un petit polémiste de grande écoute. (Mme Danièle Obono applaudit.)

Il suffit de parler à ces enfants, pour comprendre leur douleur et la difficulté d’avoir quitté si jeunes une famille, des amis et un pays, par nécessité. Vous lirez dans leurs yeux – uniquement dans leurs yeux, car eux-mêmes ont souvent bien du mal à les évoquer oralement – les violences subies pendant ce qu’ils appellent le « voyage ».

Nous assistons à la généralisation d’un discours sécuritaire particulièrement inquiétant, qui fait de ces enfants un grand danger pour la stabilité de notre pays. Mais de quoi parle-t-on ? De 10 000, 20 000 ou 30 000 enfants ? Pendant que vos mesures leur font porter la responsabilité de tous les désordres internationaux et nationaux, les trafiquants, eux, sont laissés bien tranquilles. Quand les mineurs non accompagnés sont l’objet de trafic, nous devons les protéger et non leur en faire porter une telle responsabilité.

Votre proposition de loi sous-entend que ces enfants n’ont pas leur place ici, en France. Or, dans les faits, nous le voyons chaque jour, ces enfants sont plus qu’acceptés, ils sont soutenus et défendus par des habitants, des acteurs associatifs et des patrons qui croisent leur route. La grève de la faim du boulanger Stéphane Ravacley pour la régularisation de Laye Fodé Traoréiné a mis en lumière cette réelle solidarité. Au Puy-en-Velay, à Besançon, à Fleurey-sur-Ouche, partout fleurissent des collectifs de soutien à des mineurs non accompagnés ou à des personnes en contrat jeune majeur sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français.

Votre texte vise à généraliser les tests osseux en présumant majeur tout individu qui refuse de faire l’objet d’un examen médical visant à déterminer son âge lorsqu’il existe un doute sur sa minorité – preuve que des mineurs seront soumis à ces tests. Dans les faits, et à notre grand désarroi, la présomption de majorité est déjà appliquée dans certains départements. Des avocats, qui font régulièrement face à des expertises documentaires de la police aux frontières défavorables aux mineurs – elles sont monnaie courante –, demandent ce type de test pour prouver la minorité de l’enfant.

L’ensemble des associations souhaite qu’ils soient à tout le moins pratiqués par des pédiatres, qui disposent d’une compétence pour les effectuer. Actuellement, dans nombre de départements, ils sont confiés à des médecins légistes. C’est pourquoi nous nous opposons également à l’obligation prévue par votre loi de réaliser les tests osseux exclusivement au sein d’une unité médico-judiciaire. Fort heureusement, votre proposition d’entériner dans la loi la présomption de majorité en cas de refus du test osseux serait censurée par le Conseil constitutionnel.

Nous rappelons en outre notre ferme opposition à la méthode de l’expertise osseuse afin de déterminer l’âge des mineurs non accompagnés. C’est une pratique très contestée par la communauté scientifique. Il n’existe en effet aucun procédé médical permettant d’affirmer avec certitude l’âge d’un individu. La plupart du temps, sur des enfants de 16 à 22 ans, l’avis est toujours le même : 19 ans, plus ou moins, alors que s’applique en droit une présomption de minorité. Ce que vous souhaitez en fait, c’est que ceux qui seront évalués, en cas de soupçon de fraude documentaire, ne soient pas protégés. La Commission nationale consultative des droits de l’homme et le Défenseur des droits se sont opposés à l’utilisation de ces examens médicaux jugés à la fois inadaptés et inefficaces. Ils ne sont pas les seuls.

Un mineur non accompagné est avant tout un mineur en danger, un enfant en détresse, d’autant plus qu’il est isolé dans un pays dont il n’a pas la nationalité et qui lui est étranger. Pour cadrer le débat qui va suivre et puisque nous allons parler d’enfants, nous tenons à répéter les principes de la convention internationale des droits de l’enfant, que la France a, je le rappelle puisqu’il le faut, signée et ratifiée, et qui fait de l’intérêt supérieur de l’enfant une « considération primordiale ».

Dans votre niche, votre groupe a proposé un autre texte, visant à un meilleur accompagnement des enfants malades dans le cadre de leur scolarisation. Pourquoi vouloir, par celui-ci, faire subir à d’autres enfants des examens médicaux inutiles ? Est-ce seulement parce qu’ils sont étrangers ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LT et FI. – Mmes Delphine Bagarry, Albane Gaillot et Sandrine Mörch applaudissent également.)

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