L’antisémitisme est un mal qui a de très nombreuses fois ravagé le continent européen. On pourrait en retracer l’histoire dès l’Antiquité, avec l’hostilité des premiers chrétiens envers les juifs, à l’Époque contemporaine, avec la Shoah, en passant par l’Époque moderne, avec le décret de l’Alhambra. Il fait partie de ces monstres du passé qui ont gangrené la République française et porté atteinte aux valeurs d’égalité, de liberté et de fraternité qui la fondent.
Cette vieille haine, que nous avions crue définitivement enterrée, ressurgit aujourd’hui dans notre pays. L’antisémitisme est bel et bien un poison de notre temps. Selon France Université, 67 actes antisémites ont été recensés depuis le 7 octobre 2023, soit le double du nombre enregistré sur l’ensemble de l’année universitaire 2022-2023. La multiplication des actes antisémites en France est incontestable.
Nous, députés communistes, héritiers du combat antifasciste, avons toujours combattu toutes les formes de racisme et de discrimination. Nous considérons que toute persécution ou stigmatisation de toute communauté est inacceptable, criminelle et honteuse. C’est pourquoi nous partageons pleinement l’objectif affiché par cette proposition de loi. (Mmes Elsa Faucillon et Sandrine Rousseau applaudissent. – M. Emeric Salmon s’exclame.)
Nous sommes pourtant dubitatifs sur la pertinence de dissocier l’antisémitisme des autres formes de racisme. (Mme la rapporteure s’exclame.) S’il est incontestable que l’antisémitisme revêt une singularité historique, nous pouvons en dire autant de toutes les formes de discrimination, que leurs racines historiques rendent singulières. D’ailleurs, c’est dans ma chair et dans mon histoire familiale que j’ai pu prendre la pleine mesure de ce qu’étaient les fascistes antisémites, puisque mon grand-père maternel a été assassiné par les miliciens en 1944. Et nous savons qui sont aujourd’hui leurs héritiers : un parti politique qui a accueilli des anciens de la Milice. L’antisémitisme est d’extrême droite, historiquement et pour toujours ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Alors que les actes discriminatoires et racistes dans l’enseignement supérieur sont peu dénoncés en raison de leur banalisation, distinguer l’antisémitisme des autres formes de racisme n’aurait d’autre effet que celui d’instaurer une hiérarchisation des victimes que nous ne pouvons pas cautionner.
Notre groupe s’oppose également aux principales dispositions de l’article 3. Dans la rédaction issue de la CMP, cet article prévoit de créer une section disciplinaire par région académique, présidée par un membre de la juridiction administrative. Il s’agit là d’une profonde rupture avec le droit courant, qui prévoit que les sections disciplinaires sont exclusivement composées de membres du conseil académique des établissements.
En outre, le droit courant prévoit déjà l’existence d’une juridiction propre à l’enseignement supérieur : le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser). La création d’une nouvelle juridiction administrative affaiblirait son rôle et fragiliserait le principe d’autonomie des universités.
Enfin, l’article 3 prévoit d’inscrire dans la loi la liste des faits passibles d’une sanction disciplinaire. Dans cette longue liste sont inclus des faits qui n’ont aucun lien avec l’objet de ce texte tels que « les faits susceptibles de porter atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement de l’établissement ou au bon déroulement des activités qui y sont organisées ».
Cela existait déjà au niveau réglementaire. Nous n’avons fait qu’une transposition au niveau législatif.
Nous craignons que ces dispositions n’aient d’autre objectif que celui d’instaurer une approche répressive à l’égard des manifestations et actes politiques dans l’enseignement supérieur.
En effet, l’université est devenue ces dernières années l’une des principales cibles du gouvernement et de tout le spectre réactionnaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS. – M. Emeric Salmon s’exclame.)
Il y a quelques années, certains y dénonçaient la prolifération de ces ennemis imaginaires que sont le wokisme ou l’islamo-gauchisme. Aujourd’hui, devant l’ampleur des mobilisations pro-palestiniennes dans nos universités, certains essayent d’instrumentaliser la lutte contre l’antisémitisme pour passer sous silence les critiques de l’État d’Israël. Alors que les opérations militaires menées par le gouvernement israélien ont déjà fait plus de 50 000 morts, dont plus de 15 000 enfants, nous ne pouvons pas permettre que la lutte contre l’antisémitisme devienne un prétexte pour réprimer les mobilisations universitaires et anéantir la solidarité internationale dont la jeunesse fait preuve courageusement. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP.)
Chers collègues, la lutte contre l’antisémitisme, défi majeur de notre temps, mérite bien mieux qu’une proposition de loi dont les principales dispositions risquent de porter atteinte au droit et à la liberté de manifestation des étudiants. C’est pourquoi notre groupe ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP.)
Discussions générales
Lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur (CMP)
Publié le 2 juillet 2025
Nicolas
Sansu
Député
de
Cher (2ème circonscription)