Augmenter le budget des armées, garantir la défense et la sécurité de notre pays, oui ! Mille fois oui !
Toutefois, doubler ce budget et le porter à 413 milliards d’euros, mille fois non ! Cette loi de programmation militaire s’inscrit dans une course aux armements particulièrement inquiétante. Rappelons qu’au niveau mondial les dépenses militaires ont, elles aussi, atteint un record en 2022, atteignant la somme historique de 2 240 milliards de dollars ! Oui, il y a de quoi être très inquiet face à cette économie de guerre qui se généralise et qui traduit, au fond, défaitisme et course à la guerre.
Vous dites qu’il faut avoir une guerre d’avance, mais le risque est d’avoir une paix de retard.
Bien sûr, nous devons protéger nos concitoyens où qu’ils se trouvent : dans l’Hexagone comme en Polynésie, aux Antilles, en Guyane ou dans l’océan Indien. Cette exigence, nous l’avons souligné, n’est pas négociable, tout comme sont impératifs la défense de nos zones économiques exclusives (ZEE), la lutte contre les attaques cyber, le développement du renseignement ou encore la préservation de l’espace de toute militarisation.
Mais, face à ces défis, une question simple se pose : avons-nous les moyens de tout faire ? Avons-nous les moyens de financer à la fois une armée de défense nationale et une armée de projection extérieure, avec un porte-avions de nouvelle génération (PANG), de financer la dissuasion nucléaire à ce point, tout cela au service d’une stratégie militaire placée sous la direction de l’Otan ? Nous ne le pensons pas. C’est tellement vrai que, malgré les sommes considérables engagées, les cibles de plusieurs grands programmes d’équipement ne sont pas atteintes : des blindés, des Rafale, des frégates et des drones notamment manquent à l’appel.
L’indépendance de notre défense, la sécurité de nos intérêts nationaux peuvent être mises en péril par les opérations extérieures, que nous les menions seuls ou au sein d’alliances. En outre, depuis vingt ans, les guerres expéditionnaires menées en Libye, en Afghanistan ou au Sahel n’ont réglé aucun des problèmes posés – sans que la bravoure ni le professionnalisme exemplaire de nos soldats ne soient en cause. Je tiens d’ailleurs à saluer de nouveau la mémoire de celles et de ceux qui ont perdu la vie dans ces combats.
Mais il est temps d’en finir avec ce modèle d’un autre siècle. Le modèle que vous présentez, décrit comme celui d’une armée « complète », est en réalité une illusion, que des militaires ont qualifié eux-mêmes d’« armée bonsaï », tant les manques dans certains secteurs sont criants – je ne parle pas seulement des munitions.
La justification, c’est, bien sûr, la dissuasion nucléaire, dont le poids n’a jamais été aussi élevé. Tant qu’il n’y aura pas de désengagement de toutes les puissances nucléaires, oui, les communistes l’affirment, la dissuasion nucléaire restera la clé de voûte de notre politique de défense. Dont acte.
Toutefois, y consacrer 54 milliards d’euros par an durant cette LPM, soit 22 millions par jour, c’est aller bien au-delà de l’entretien de notre arsenal. Nous ne sommes pas les seuls à nous interroger sur l’opportunité de telles dépenses : ainsi, il y a quelques jours, un ancien membre du Conseil de sécurité nationale américain sous Barack Obama déplorait les dépenses considérables du Pentagone dans l’armement nucléaire, les chasseurs de cinquième génération ou encore les sous-marins, alors même que se fait sentir un besoin de production d’artillerie, simple mais indispensable.
Enfin, nous regrettons l’absence d’un véritable secteur public de l’industrie de défense, s’appuyant sur les entreprises publiques et sur les compétences des ingénieurs, des chercheurs et des ouvriers d’État. Faute de cela, le financement de notre industrie de défense dépend malheureusement des ventes d’armes et de l’export.
Comme nos collègues communistes du Sénat, nous estimons que les choix que traduit cette LPM ne sont pas les bons pour le pays et pour la défense des intérêts nationaux. Certes, notre groupe se félicite de quelques avancées telles que le premier pas vers un contrôle parlementaire des exportations d’armements, l’extension aux résistants étrangers de la mention « mort pour la France » – madame la secrétaire d’État, je vous remercie pour cela – et l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian, mais tout cela reste bien insuffisant. C’est pourquoi, malgré quelques avancées notables pour nos armées, malgré la qualité de nos débats et la disponibilité de M. le ministre pour répondre à nos questions, les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine voteront contre le texte.