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Loi de programmation des finances publiques 2018-2022

Motion de Renvoi en Commission
Madame la présidente, monsieur le ministre de l’action et des comptes publics, monsieur le rapporteur général, nous avons demandé le renvoi en commission du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, car la trajectoire annoncée par votre gouvernement est loin de répondre aux attentes de l’immense majorité des Français, à qui tous les gouvernements, depuis la crise de 2008, ont demandé des efforts considérables.
Monsieur le ministre, il n’y a pas un mot dans votre projet de budget pour faire reculer la pauvreté, alors que celle-ci atteint des records et que 9 millions de Français vivent avec moins de 846 euros par mois. Il n’y a pas une ligne pour fixer des objectifs de réduction du chômage et des inégalités, qui génèrent tant de détresse, tant de colère et tant d’injustice.
Ce que vous nous proposez pour les années 2018 à 2022, et nous vous avons bien lu, c’est un budget qui va au contraire creuser les inégalités et augmenter les difficultés de nos concitoyens. Ce budget, c’est tout pour les riches, tout pour la Bourse, et si peu pour les Français…
Pourtant, le Fonds monétaire international vient de nous adresser cette mise en garde, le 10 octobre : « En réduisant les impôts des riches, les gouvernements risquent de saper la croissance ».
Vos intentions sont claires, affichées : la réduction des dépenses publiques. C’est votre boussole, comme en témoignent les coupes brutales dans les budgets de l’emploi, de la santé, du logement, des collectivités, ainsi que la suppression de 130 000 emplois aidés et, à terme, de 120 000 postes de fonctionnaire.
Alors permettez-nous, à cette occasion, de vous montrer comment, dans un pays où l’argent coule à flots, nous pourrions faire autrement et mettre l’économie, l’argent, au service du développement humain, avec d’autres choix, forcément, que les vôtres.
Vous ne faites rien de neuf par rapport à nos voisins européens en vous entêtant à respecter ces sacro-saintes règles économiques imposées par la Commission européenne – car c’est là le vrai sujet, cela a déjà été dit. Du traité de Maastricht en 1992 jusqu’au pacte budgétaire européen de 2012, c’est une austérité toujours plus poussée qui s’est imposée, au détriment des aspirations populaires. Au nom de ces traités, les Français et les nations européennes devraient respecter le seuil fatidique de 3 % du PIB pour leur déficit public et celui de 60 % pour leur dette. Ce sont des règles et des chiffres froids, durs, érigés en totems, alors qu’ils ont été fixés arbitrairement sans tenir compte de la vie, des êtres humains et des défis à relever pour notre planète et pour la transition écologique.
Ces règles, nous ont-elles un jour protégés ? A-t-on évité, grâce à elles, la crise de 2008 ? A-t-on fait reculer le chômage, les inégalités et la pauvreté en Europe et en France ? Trois fois non, hélas ! Et le pire, c’est que cela ne suffit pas ! La Commission européenne, à la légitimité démocratique contestable, se permet même de devenir menaçante en plaçant notre pays « sous surveillance renforcée ». Voilà au nom de quoi, monsieur le ministre, vous nous présentez ce budget. Et vous nous demandez en même temps d’accepter cet abandon de souveraineté.
J’aimerais citer M. Le Maire, dont je regrette l’absence…
Je ne vous suffis pas ?
Si, si, vous me suffisez, et nous allons nous expliquer ! (Sourires.) M. Le Maire a donc déclaré en commission : « Ce choix de la baisse de la dépense publique doit permettre à notre pays de sortir de la procédure pour déficit public excessif dont il fait l’objet depuis 2009. » Il a rappelé qu’avec l’Espagne, « la France est le dernier État membre de l’Union européenne à être sous le coup de cette procédure », et il a ajouté que c’était une « honte pour notre pays » d’être dans cette situation.
Mais la honte pour nous, monsieur le ministre, c’est que des millions de Français vivent toujours dans la pauvreté, alors que l’argent continue de ruisseler pour une minorité !
C’est cette injustice-là qui devrait nous faire honte à tous, ici.
Les traitements infligés à notre pays, loin de nous guérir, sont au contraire mortifères, et ils ne répondent qu’à ces seuls objectifs : privatiser les services publics pour offrir au secteur privé des marchés nouveaux, accentuer la concurrence pour réduire le coût du travail et, enfin, libérer le capital de toute entrave pour qu’il puisse rapporter beaucoup à ses propriétaires. Voilà d’où vient votre budget !
On ne peut lui dénier une certaine logique. Bruxelles trace la feuille de route et vous la mettez en œuvre, en bon élève de l’austérité et du libéralisme. Mais pour viser le tableau d’honneur, monsieur le ministre, il vous fallait aller plus loin, dépasser le cadre requis pour offrir des gages supplémentaires. Votre budget affiche donc clairement la couleur et, si c’était un magasin, son enseigne brillerait de mille feux : « Au bonheur des riches ! » C’est tellement évident que toute la presse en parle, y compris La Voix du Nord, un quotidien régional que vous connaissez bien et qui a titré : « Revenus du patrimoine : les grosses fortunes gagnantes de la réforme fiscale ». Et je ne vous cite pas Le Figaro, Les Échos, L’Express… Tout le monde a fait le même constat, y compris L’Humanité.
La liste des cadeaux est tout à fait éclairante. La suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune permettra au 1 % de Français les plus riches – les fameux « premiers de cordée » – d’économiser 3,2 milliards d’euros. Concrètement, vous allez baisser l’impôt des familles les plus riches de France, comme celle de M. Bernard Arnault, dont la fortune est estimée à 46,1 milliards. Ou, dans le Nord, celle de M. Gérard Mulliez.
Une grande fortune du Nord-Pas-de-Calais… Mais M. Mulliez n’a jamais demandé à ne pas payer l’ISF ! Il s’était même étonné, quand je l’avais rencontré, que l’État lui ait fait un chèque de 160 millions d’euros au titre du CICE – crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – alors qu’il n’avait rien demandé !
Il paraît que l’ISF n’est pas efficace, qu’il ne taxe que les « petits riches », comme nous l’a dit M. de Courson, et qu’il épargne les « gros riches », car ceux-là utilisent d’autres systèmes pour échapper à l’impôt.
Mais quel aveu ! Si tel est le cas, au lieu de supprimer l’ISF, rendez-le plus efficace ! Attaquez les fraudeurs, durcissez la loi !
Au lieu de cela, vous préférez le supprimer. Et vous allez même plus loin, en plafonnant la fiscalité du capital à 30 % et en supprimant la taxe sur les dividendes et celles sur les transactions financières. Bref, l’État rase gratis et espère ainsi que les plus grosses fortunes contribueront à l’effort national. Mais qui, à part vous, peut croire à ce conte pour enfants ? Ce n’est pas en donnant davantage à ceux qui ont déjà tout que vous allez relancer l’économie ! Cela ne s’est jamais vu ! En revanche, augmentez les pensions et les salaires et vous pouvez être sûrs que les retraités et les salariés, eux, iront consommer et dépenser leur argent dans l’économie locale !
Car vous oubliez un mot important qui est à l’origine de la création de l’impôt de solidarité de la fortune : c’est le mot « solidarité » ! Au-delà des chiffres, c’est ce mot-là que vous faites disparaître du budget de la France, alors que, plus que jamais, notre pays et les Français attendent de la solidarité. Notre ennemi, ce ne sont pas les riches. Nous n’en sommes même pas jaloux ! Non, notre ennemi, c’est ce système qui fait que la fortune des riches augmente de 30 % d’une année sur l’autre, alors que le pouvoir d’achat des salariés, lui, est en baisse. La fortune des 500 familles les plus riches de France atteint 571 milliards d’euros en 2016, soit 16 % de notre PIB, alors qu’elle était de 80 milliards d’euros il y a vingt ans. Le salaire des ouvriers a-t-il été multiplié par sept au cours de la même période ? Cela se saurait !
Le problème, c’est ce système économique qui permet d’accumuler autant de richesse, mais qui ne permet pas une juste redistribution. Le problème, c’est que la richesse des plus gros patrimoines progresse trois fois plus vite que le PIB de la France.
Puisque vous supprimez l’ISF, vous auriez pu, en même temps, baisser l’impôt sur le revenu des travailleurs et des retraités.
Mais ce n’est pas le choix que vous avez fait. Quand vous touchez à l’impôt sur le revenu, c’est pour baisser l’impôt de ceux qui gagnent plus de 152 000 euros par an. Chapeau ! Il fallait oser !
Votre logique est de libérer le capital au profit exclusif des actionnaires. L’allégement de la taxe sur les transactions financières et la suppression de la taxe sur les dividendes des multinationales n’auront qu’une seule conséquence : priver notre pays de 12 milliards d’euros et favoriser l’économie spéculative au lieu de soutenir l’économie réelle. Pourtant, la France est déjà championne d’Europe pour les dividendes versés aux entreprises, avec 54 milliards en 2016. Pourquoi ces entreprises, au lieu d’enrichir les actionnaires, n’ont-elles pas investi ?
Et vous voulez encore accentuer cette tendance… Pourtant, nous la connaissons bien : elle nous a conduits, depuis trente ans, à de graves crises. Certaines nous ont même mis au bord du chaos, comme en 2008. Or, non seulement vous n’en tirez pas les leçons, mais vous appuyez sur l’accélérateur. Tous les signaux de la planète financière sont au rouge. La prochaine crise financière pourrait être celle de la dette des étudiants américains, qui s’élève à 1 300 milliards de dollars, alors que 7 millions d’entre eux sont insolvables. Ce n’est qu’un exemple de bulle financière prête à exploser. C’est à cela qu’il faut s’attaquer, à cette économie complètement financiarisée, entièrement spéculative.
Nous l’avons rappelé en commission des finances, 98 % des opérations boursières n’ont aucun lien avec l’économie réelle, et seulement 2 % d’entre elles servent à financer les entreprises. Au lendemain de la crise de 2008, tout le monde a dénoncé le trading à haute fréquence, les algorithmes qui s’emballent, la spéculation sur les produits dérivés et sur la dette des États, le shadow banking et même les paradis fiscaux, affirmant qu’il fallait arrêter cette folie. Mais rien n’a changé, ou si peu.
L’économie devient incontrôlable et nous vivons dans un monde où en un clignement d’œil se réalisent 7 000 opérations boursières, impossibles à vérifier, impossibles à contrôler.
Et ces grandes places boursières, comme celle de la City de Londres, que vous rêvez de faire venir à Paris, deviennent des grandes lessiveuses de l’argent sale, celui de la drogue, de la mafia, de la prostitution et du terrorisme.
C’est bien pourquoi il faut en priorité s’attaquer à cela et revenir à une économie plus saine, plus juste, plus propre, plus ancrée dans le réel, pour répondre aux défis de l’humanité et aux besoins de la population. Ce sont d’ailleurs les propositions de nombreuses ONG telles qu’Oxfam, CCFD-Terre Solidaire et d’autres encore, qui recommandent notamment d’élargir la taxe sur les transactions financières aux opérations intraday et au trading à haute fréquence.
Lancée par Nicolas Sarkozy et mise en place par François Hollande, cette taxe permet de lutter contre la spéculation. Une étude récente a même montré que, depuis sa mise en place, les opérations boursières avaient baissé de 10 %. C’est donc un outil efficace pour rendre la spéculation moins attractive.
De surcroît, les recettes que génère cette taxe permettent de financer le développement dans le monde. En l’élargissant, comme nous vous le proposons, nous pourrions dès l’année prochaine porter notre contribution en la matière à 0,7 % du PIB, comme l’a annoncé le Président de la République. Voilà une belle promesse qu’il serait bon, pour le coup, de tenir !
Avec vos efforts pour rendre plus attractifs les placements en bourse et plus rentable la spéculation, vous mettez dangereusement l’économie en surchauffe. Mais en plus, pour financer vos choix, vous faites payer ceux qui auraient au contraire le plus besoin d’être soutenus.
Car nombreux sont ceux qui font les frais de votre politique : les étudiants et les jeunes travailleurs, touchés par la baisse des aides personnalisées au logement – APL ; les 2,5 millions de retraités qui vont subir de plein fouet la hausse de la CSG, sans aucune compensation ; l’assurance maladie et les hôpitaux, qui devront réaliser plus de 15 milliards d’euros d’économies sur cinq ans ; le logement social, qui va perdre 1,8 milliard dès 2018 ; les fonctionnaires, soumis au régime sec avec le gel du point d’indice et surtout désignés comme une charge pour la nation.
Les collectivités, elles aussi, ont droit à la grande faucheuse : 13 milliards de dotations en moins sur cinq ans, du jamais-vu !
Comment peut-on continuer dans un tel décor ?
Supprimer l’ISF quand il y a 9 millions de pauvres dans notre pays, c’est déjà de l’indécence, mais penser que l’on va rattraper le coup en taxant quelques yachts et voitures de luxe, c’est carrément se moquer du monde !
Néanmoins, monsieur le ministre, augmenter le minimum vieillesse et l’allocation aux adultes handicapés, c’est bien. Dommage, vous ne m’écoutez pas… C’est bien, mais est-ce à la hauteur des enjeux ? On reste à mille lieues des besoins réels !
Monsieur le ministre, avec la baisse des cotisations sur les salaires, vous promettez 15 euros supplémentaires par mois au salarié payé au SMIC. Cent cinquante euros sur l’année.
Mais ces 15 euros par mois seront vite perdus quand ledit salarié aura payé la hausse de sa cotisation pour la mutuelle, le déremboursement des médicaments ou le forfait hospitalier, la hausse des tarifs du gaz et de l’électricité, celle des frais bancaires, du gazole, du tabac et même, désormais, du beurre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.) Oui, leur pouvoir d’achat baissera si le SMIC n’augmente pas davantage ! Nous voulons plus que ces 15 euros ! Nous voulons le beurre, l’argent du beurre et…
Il en va de même de votre projet de suppression de la taxe d’habitation : vous allez rendre l’argent que vous allez prendre d’un autre côté en augmentant la CSG. En outre, avec cette réforme, vous placez les communes sous tutelle de l’État. Vous les invitez à se passer elles-mêmes les menottes en leur demandant de choisir les économies à réaliser.
D’autres choix sont possibles. D’ailleurs, le Portugal est en train d’en apporter la preuve. C’est un exemple intéressant : malgré une politique d’austérité menée entre 2008 et 2015, ce pays a lui aussi été placé sous surveillance pour déficit excessif par la Commission européenne, mesure assortie d’une menace d’amende et de quelques suggestions, comme tailler dans les dépenses publiques, notamment sociales. Un peu ce qui se fait ici…
Or, à son arrivée au pouvoir, la coalition de gauche a pris le contre-pied de ce diktat. Les Portugais ont fait l’inverse : hausse des salaires de 10,3 % minimum, hausse des retraites et des allocations familiales, interruption de la privatisation des services publics, baisse des impôts des plus modestes. Résultat de cette stratégie basée sur la relance de la consommation : une croissance voguant vers les 2,5 % du PIB en 2017 alors que le pays frôlait la récession, un déficit public ramené à son taux le plus bas depuis 1974 et un chômage inférieur à 10 %.
Autrement dit, le Portugal affiche un bien meilleur bilan que la France, l’Italie ou l’Espagne, pourtant bons élèves de l’austérité.
Que ferions-nous, pour notre part, si nous étions chargés d’élaborer le budget ? (« Ah ! » sur divers bancs.)
D’abord, nous aurions une autre conception de la justice fiscale. Et, en effet, les ONG auraient certainement de bons conseils à nous donner !
M. Fabien Roussel. Remettre l’humain au cœur de tous les choix, voilà ce qui doit nous guider ; répondre aux besoins humains, simplement au nom de l’élémentaire dignité, ce qui passe notamment par l’accès au travail, au logement, à la santé, à l’éducation, à la culture.
Pour satisfaire cette exigence, il faut bien sûr dégager des recettes, en commençant par réorienter celles qui sont à portée de main. Car il ne faut pas dire que l’argent manque dans notre pays. Au contraire, il coule à flots, mais toujours dans les mêmes cercles – qui débordent parfois au-delà de nos côtes, pour ne pas dire offshore.
Alors, allons-y ! Que faisons-nous concrètement pour lutter contre l’exil et l’optimisation fiscale ?
Nous y attaquons-nous vraiment ? A-t-on bien conscience de l’ampleur du phénomène ? Quelque 300 milliards d’euros sont ainsi exfiltrés à l’étranger !
Selon une récente étude, 15 % de notre PIB sont actuellement planqués dans des paradis fiscaux, taux largement supérieur à la moyenne mondiale, estimée à 9,8 %. Serait-ce donc la pression fiscale excessive en France qui étranglerait nos riches compatriotes ?
Mais non, ce n’est pas cela ! Les expériences étrangères sont intéressantes à cet égard : au Danemark et en Norvège, où les taux d’imposition sont parmi les plus élevés d’Europe, la richesse placée dans les paradis fiscaux n’est que de 3 % ; en revanche, elle est de 16 % au Royaume-Uni et de 17 % en Belgique, pays pourtant réputés pour leur fiscalité accueillante. Donc, ces deux éléments n’ont rien à voir.
Chez nous, parmi les 300 milliards d’évasion fiscale, près de la moitié sont détenus par seulement 3 250 ménages.
Cela ressort d’une étude du National Bureau of Economic Research. Je vous la communiquerai si vous le souhaitez, monsieur le président de la commission des finances. Vous la trouverez aussi dans Le Figaro ou dans Les Échos.
Quand cesserons-nous de trouver toutes les excuses aux exilés fiscaux, de dire qu’on ne peut pas les localiser, alors qu’ils portent, eux, une grande part de responsabilité dans le déficit excessif de la France ? À l’heure où l’Europe met enfin en place un parquet financier européen, nous vous demandons une fois de plus la suppression du « verrou de Bercy », qui accorde à l’administration l’exclusivité du traitement de la fraude au détriment de la justice. Est-ce en prévoyant de supprimer 1 650 employés aux douanes, au contrôle fiscal et à la concurrence – et ce n’est qu’un exemple – que l’on se donne les meilleures chances de récupérer ce qui nous est dû ? Nous pensons que non.
En faisant de la lutte contre l’évasion et l’optimisation fiscale la priorité de notre budget pour les cinq prochaines années, oui, nous le disons, nous pourrions atteindre un budget équilibré avec un déficit nul d’ici à 2022, et même retrouver des marges de manœuvres pour investir. En 2016, le déficit de la France s’élevait à 3,4 % du PIB, soit 76 milliards d’euros. C’est, à peu de chose près, le montant de l’évasion fiscale annuelle. Faire revenir chez nous 15 milliards d’euros dès 2018 semble un horizon atteignable. Il est temps de mettre un terme au temps béni des tricheurs !
Un autre budget est possible, sans austérité, au service d’autres objectifs. Comment ? D’abord en nous appuyant sur des règles plus justes, plus équitables, plus humaines.
L’impôt de solidarité sur la fortune doit être non seulement maintenu, bien sûr, mais renforcé, et s’appliquer aux patrimoines dès 800 000 euros. Les contribuables concernés vivront-ils moins bien ? Non ! Et, grâce à cet impôt de solidarité sur la fortune « nouvelle formule », nous pourrons financer une véritable politique publique de santé, entre autres.
L’argent ne manque pas, c’est simplement que vous renoncez à aller le chercher.
Le Conseil constitutionnel a rejeté la taxe de 3 % sur les multinationales et leurs filiales : non seulement vous n’avez mis en place aucun autre dispositif, mais en plus, vous avez prévu de rembourser aux entreprises de 5 à 10 milliards d’euros selon les estimations ! On connaissait le fameux « mon ennemi, c’est la finance » mais avec vous, la finance a trouvé son meilleur ami ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)
Les députés communistes proposent de taxer à 0,5 % le chiffre d’affaires des multinationales, à partir de 500 millions d’euros. Dès 2018, la mesure pourrait rapporter 6 milliards, comme le confirment les estimations fournies par le rapporteur général en commission.
Nous souhaitons également remettre à plat la fiscalité des entreprises. Oui, nous le disons clairement, il faut conditionner le versement de l’argent public aux entreprises. Il ne peut plus servir à financer les dividendes ou les délocalisations !
Aujourd’hui, le bilan du CICE, c’est 400 000 euros par emploi. Cela fait cher l’emploi créé !
Enfin, nous préférons réaliser des économies dans le budget des armées, notamment dans celui de la dissuasion nucléaire, plutôt que dans ceux de la santé et du logement. Vous programmez 4 milliards de dépenses par an pour augmenter notre capacité de frappe nucléaire, à l’heure où le désarmement s’impose.
Voilà un budget qui pourrait être diminué pour être investi ailleurs.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’avez compris, les députés communistes…vous proposent un autre budget pour la France, qui vise à créer un nouveau modèle économique, respectueux de tous et répondant aux urgences.
Les marges de manœuvre budgétaires sont multiples. D’abord, la mise en place d’une stratégie éclair contre l’optimisation, la fraude et l’évasion fiscales pourrait rapporter 15 milliards dès 2018 et 60 milliards en année pleine. Cette stratégie pluriannuelle devrait mobiliser l’ensemble des moyens humains, juridiques, financiers et politiques de l’État.
Ensuite, il ne faut pas s’en remettre à une hypothétique taxe européenne sur les transactions financières, il faut en premier lieu renforcer celle qui existe en France : en l’élargissant, elle rapportera 2 milliards de plus.
Par ailleurs, face à la violence sociale des dividendes et des patrimoines accumulés, la puissance publique doit intervenir. L’outil fiscal permettrait aisément d’engranger 2 à 3 milliards supplémentaires chaque année.
Il convient également de faire rentrer les Google, Apple, Facebook et Amazon dans le droit commun :les géants du numérique ne sauraient continuer à s’exonérer de leur contribution au financement de l’action publique. Nous vous proposons l’instauration d’une taxe pour les GAFA.
En réalité, notre budget suivrait une triple logique : répondre aux besoins du plus grand nombre, redonner du pouvoir d’achat aux gens et lutter efficacement contre le chômage. Ainsi, nous proposons d’investir dans la santé, dans l’école, dans le logement, dans la recherche, ainsi qu’en faveur des retraités et des personnes handicapées. Loin d’être des coûts pour la société, ces budgets représentent des investissements.
Nous proposons de rétablir progressivement, sur cinq ans, les dotations aux collectivités à leur niveau de 2012. Les missions des contrats aidés doivent être pérennisées ; les communes et les associations doivent voir leurs moyens sécurisés à cette fin.
Nous demandons de relancer les grands projets utiles pour nos concitoyens, à hauteur de 10 milliards d’euros, et d’investir dans la transition écologique.
C’est bon pour l’économie locale et c’est bon pour la France de demain.
Nous proposons de substituer au CICE et au crédit d’impôt recherche un plan de soutien aux entreprises, en contrepartie d’engagements concrets en faveur de l’emploi et de l’investissement. Dans le même esprit, nous proposons de soutenir l’industrie française et de prendre tout de suite une participation au capital d’Alstom – c’était aujourd’hui la date butoir.
Nous demandons, bien sûr, le maintien des services publics de proximité tels que les permanences des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, des caisses d’allocations familiales, des caisses primaires d’assurance maladie et de La Poste.
Nous voulons un vaste plan de soutien au monde rural, aux petites communes et aux territoires ruraux, pour que, en tout point de la France, nous ayons tous un égal accès aux mêmes droits tels que la santé, le numérique et l’école.
Nous voulons investir dans l’agriculture et garantir un revenu aux agriculteurs, avec un meilleur partage de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne de commercialisation de leurs produits.
Plutôt que d’augmenter les tarifs du diesel, nous étudierons la mise en place progressive sur cinq ans de la gratuité des transports en commun afin de les favoriser par rapport à la voiture.
Voilà des dépenses utiles ! La dépense publique, quand elle est au service de tous, n’est pas un gros mot ! L’argent existe : il faut oser aller le chercher là où il se trouve.
Pour rendre du pouvoir d’achat aux Français, baissons la TVA, impôt injuste par excellence, et rétablissons une juste rémunération du travail, avec une échelle des salaires allant de 1 à 20, en commençant par augmenter le SMIC et les plus petits salaires de la fonction publique. De même, il est urgent d’augmenter un peu plus les pensions, afin qu’elles atteignent le seuil minimum de 1 000 euros d’ici à 2022. Nous proposons, dans le même élan, de rétablir la demi-part fiscale pour les veuves et les veufs.
Tel serait l’esprit d’un budget cohérent, en phase avec le quotidien de millions de nos concitoyens, de nature à répondre à leurs préoccupations de tous les jours.
Oui, nous rêvons de justice sociale et de justice fiscale. Nous rêvons d’un nouveau modèle économique et écologique au service du plus grand nombre et du développement humain. Votre projet de loi de programmation pour les cinq années à venir tourne le dos à toutes ces aspirations. C’est pourquoi nous vous demandons de soutenir le renvoi en commission de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)

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Fabien
Roussel

Député du Nord (20ème circonscription)

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