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Loi de finances pour 2021 - Nlle lect

Votre budget, finalement, c’est un peu comme l’Euromillions : quelques gros gagnants et énormément de perdants. À ceci près qu’avec vous, le hasard n’entre pas en ligne de compte : ce sont toujours les mêmes qui raflent la mise, au détriment de tous les autres. (M. Jean-René Cazeneuve s’exclame.) Telle est la réalité de votre budget.

La précarité explose comme jamais dans notre pays : un million de personnes supplémentaires sont passées sous le seuil de pauvreté, dont des étudiants et des salariés. Or vous campez sur tous vos refus : refus d’augmenter le SMIC, alors que la France restera championne des dividendes, 37 milliards ayant été distribués cette année par les entreprises du CAC40 ; refus de conditionner le versement des aides publiques aux entreprises au fait que celles-ci embauchent – ce serait le minimum – ou s’engagent en faveur du climat ; refus d’annuler les plans de licenciement, pourtant dépourvus de lien avec la crise sanitaire ; refus d’embaucher les 100 000 emplois qui manquent dans nos écoles, dans nos hôpitaux, dans nos EHPAD et dans le secteur de l’aide à domicile. Rien de tout cela ne figurera dans votre budget.

Pourtant, après l’examen du texte par le Sénat, certains éléments auraient pu faire consensus. Je pense à l’imposition des GAFAM et à la taxe sur les géants du commerce électronique, que nous avions proposées et que le Sénat a introduites, en retenant la notion d’établissement stable.

Ne nous y trompons pas : nous n’entendons pas taxer les petites entreprises qui font du commerce en ligne en respectant toutes les règles du jeu. En revanche, nous pensons à Amazon, qui s’enrichit comme jamais, son activité ayant augmenté de 40 % au troisième trimestre. En effet, Amazon délocalise ses bénéfices au Luxembourg et ne paiera pas tous les impôts qu’il lui revient d’acquitter en France, à la différence de nos PME. Les GAFAM paient neuf fois moins d’impôt qu’ils ne le devraient – ce n’est pas moi qui le dis, c’est votre ex-secrétaire d’État Mounir Mahjoubi. Le consensus est donc large, à droite comme à gauche, pour agir enfin, sans attendre une hypothétique, et pour tout dire improbable, décision au niveau européen.

Il en va de même concernant les assurances. Comme le Sénat, nous proposons de les mettre vraiment à contribution, tandis que vous leur demandez tout juste de ne pas augmenter leurs échéances. De vous à moi, vous êtes tout de même un peu coupés de la réalité ! Écoutez les commerçants : vous entendrez qu’ils demandent la prise en compte à 100 % de leurs pertes d’exploitation dues à la crise, dont ils ne sont en rien responsables. Pourquoi les AXA et consorts resteraient-ils assis sur un tas d’or quand les petits commerçants boivent le bouillon ?

Le projet de loi de finances pour 2021, qui aurait dû être exceptionnel eu égard à la crise, s’inscrit dans les mêmes pas que tous les précédents. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a fait le calcul : le montant des baisses d’impôts, des exonérations de cotisations et des cadeaux en tout genre s’élèvera à 71 milliards d’euros, dont les trois quarts profiteront aux grandes entreprises, les petits devant se contenter des miettes. Vous prévoyez 71 milliards pour soutenir l’offre et 0,8 milliard seulement pour lutter contre la pauvreté !

Si encore ces aides aux entreprises étaient accompagnées de l’obligation de maintenir les emplois, de relocaliser la production, de réduire le temps de travail, de former des salariés, d’embaucher des jeunes et de laisser les anciens partir à la retraite ; bref, si vous aviez adopté un plan ORSEC pour l’emploi…

Mais c’est tout l’inverse qui se produit : Airbus, Renault, Bridgestone, Nokia, Danone, Vallourec, General Electric à Belfort, Grid à Villeurbanne, Cargill, Verallia – je pourrais citer des dizaines d’exemples – ont annoncé un plan de sauvegarde de l’emploi – PSE – ou un plan de licenciement ; nous assistons à une véritable saignée dans notre industrie. Rien n’est fait pour empêcher ces plans, pour conserver nos productions et nos savoir-faire, pour garnir les carnets de commande. Votre seule réponse, monsieur le ministre délégué, consiste à accompagner les licenciements. Bref, c’est du chômage à gogo, qui plus est, payé par nous !

À votre place, nous aurions empêché toute délocalisation, tout plan de licenciement lorsque l’entreprise distribue des dividendes ou n’a pas mis en œuvre toutes les solutions permettant de conserver les emplois : la diversification, la relocalisation d’activité, la formation, la réduction du temps de travail, les départs en retraite anticipés.

De même, il y a tant de besoins auxquels nous devons répondre dans nos services publics, dans nos communes. Tel est le sens de l’appel de Grigny, lancé par cette commune et de nombreuses autres qui ne demandent qu’à garantir l’égalité à leurs citoyens. Où est le milliard attendu pour ces communes ?
Pour finir, l’Organisation des Nations unies a appelé les États à déclarer « l’état d’urgence climatique » afin d’atteindre la neutralité carbone, et il n’y a plus de temps à perdre. Or votre budget ne prévoit pas les moyens nécessaires pour rénover 700 000 logements par an – contre 100 000 à peine au rythme actuel –, ni pour développer le fret ferroviaire et les transports collectifs gratuits. Bref, votre projet de loi de finances résonnera comme un énième budget très libéral, alors que la situation exige un budget de reconquête industrielle, un budget de développement de nos services publics, un budget écologique, social et solidaire.

Au nom de la majorité de nos concitoyens, au nom des travailleurs, au nom de ceux qui luttent pour leur emploi, pour des services publics de qualité, pour leur commune, les députés communistes ne voteront pas ce budget. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)

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Fabien
Roussel

Député du Nord (20ème circonscription)

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