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Logement : mesures urgentes

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dix millions de personnes touchées par la crise du logement en France, dont plus de 100 000 vivent à la rue, 3,5 millions de personnes sans-abri ou très mal logées, 6,5 millions de personnes fragilisées : tel est le constat effectué par le collectif des trente et une associations organisatrices de la « Nuit solidaire pour le logement ». Cette manifestation symbolique s’est tenue dimanche dernier pour dénoncer le manque de volonté politique face à l’ampleur de la crise et exiger des mesures fortes permettant l’application du droit au logement pour tous.
Manque de volonté politique, disais-je : la critique, directement orientée vers la majorité présidentielle, reste polie, mais fixe bien le cadre du bilan de mi-mandat que le Président de la République se refuse à faire. Ce bilan en matière de politique du logement, les députés du groupe GDR ont commencé à l’établir à travers cette proposition de loi déposée par mon collègue et ami Pierre Gosnat. Conforter un véritable service public du logement, avec des engagements financiers, des objectifs chiffrés de mise en chantier de logements neufs ou de réhabilitation, dans le cadre d’une stratégie de maîtrise du foncier : autant d’ambitions complètement absentes de la feuille de route gouvernementale.
Comment pourrait-il en être autrement ? Car, depuis juin dernier – on me pardonnera ce jeu de mots –, le ministère du logement a « dis-apparu » enterré au détour d’un remaniement estival. C’est sur sa tombe que s’élève l’énième stèle des promesses non tenues du candidat aujourd’hui président, Nicolas Sarkozy : celle du zéro SDF en 2008 ! Cette stèle, c’est vous, monsieur le secrétaire d’État, qui l’avez dressée en déclarant, peu après votre arrivée : « Je sais que certains avaient essayé de lancer cette théorie du zéro SDF. Objectivement, je n’y crois pas. Cela sera très difficile d’y arriver. »
Ce ne sont pas vos récentes annonces en faveur de l’hébergement d’urgence qui régleront le problème. Sans aligner de moyens, l’État se défausse une fois de plus sur les associations, auxquelles il assigne une mission impossible.
Le secrétariat d’État chargé du logement a donc été placé sous la tutelle du ministère de l’écologie. Cela explique sans doute pourquoi Mme Pécresse préconise, pour répondre aux difficultés de logement rencontrées par les quelque deux millions d’étudiants de France, d’importer d’Estonie des sortes de modules de bois, habitats de fortune, dont elle qualifie elle-même le confort de « spartiate ». Avant, on avait l’habitude de mettre un coup de blanc pour cacher la misère dans les résidences universitaires ; maintenant, on va construire des cabanes !
En juin 2008, le Conseil de l’Europe a établi un bilan où il condamne la France pour « insuffisance manifeste de l’offre de logements sociaux », comme l’a rappelé Pierre Gosnat.
Plus grave, dans les attendus de cette décision, on lit : « Le Gouvernement ne donne pas d’informations statistiques pertinentes ou ne procède pas à une confrontation entre besoins constatés, moyens dégagés et résultats obtenus »
Ces mots sont lourds de sens. Or, je veux le dire solennellement, ils caractérisent parfaitement l’atteinte qui est régulièrement portée au principe constitutionnel de contrôle de l’action du Gouvernement par le Parlement.
Un exemple illustre bien cette atteinte : le fait que votre ministère ne réponde parfois que par des chiffres datant de 2006 au questionnaire adressé par la commission des affaires économiques pour le budget 2010.
Ainsi en est-il des statistiques concernant le statut d’occupation. Le Président voulait permettre à tous les Français d’être propriétaires de leur logement, mais vous ne donnez aucun chiffre depuis 2006, date à laquelle la France comptait 57,2 % de propriétaires. Je ne suis pas loin de penser que cette opacité est un aveu d’échec.
Si cette promesse d’une France de propriétaires est parfaitement illusoire, elle a parfaitement légitimé votre décision d’octroyer des crédits d’impôt en faveur de l’acquisition.
Cette dépense fiscale et d’autres amputent chaque année de 10 à 15 milliards d’euros le budget du logement, et réduisent d’autant la part qui pourrait être consacrée à l’aide à la pierre, amenuisant par là même toute politique qui pourrait être menée en matière de logement social. Nous proposons donc de les revoir.
Un député du Nouveau Centre a jugé utile de défendre, dans le cadre de l’examen du projet de loi sur le Grand Paris, un prétendu bilan Boutin-Apparu de 120 000 logements sociaux construits en 2009. Nous ne savons pas si vous y intégrez les 25 000 logements revendus par Icade en Île-de-France à des bailleurs sociaux, ce qui serait tout bonnement scandaleux, après que la droite n’eut trouvé mot à dire de son entrée en Bourse et de la privatisation de ce parc en 2006.
Le bilan est objectivement mauvais. Vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, les lois se multiplient – six en six ans – mais elles ne changent rien quand elles n’aggravent pas la situation, car la volonté politique fait défaut, ne produit aucune contrainte et ne dégage pas les moyens à la hauteur d’une crise du logement exceptionnelle.
Prenons l’exemple des Hauts-de-Seine, que je connais bien.
En matière de logement social, quatorze communes sur trente-six ne respectent pas la loi SRU, par exemple. Parmi ces quatorze communes – toutes de droite –, douze se permettent en outre de ne pas respecter les objectifs du plan départemental d’action en faveur des personnes défavorisées, issu de la loi Borloo de 2006, alors que le département des Hauts-de-Seine continue à concentrer les populations les plus en difficulté dans les quelques villes qui dépassent largement les objectifs de la loi.
Le système craque de partout. Dans leur récent rapport sur la loi Borloo, mes collègues Gérard Hamel et Jean-Yves Le Bouillonnec relèvent que son « application est relativement lente » et s’interrogent sur « la pertinence d’adopter des mesures au terme de deux lectures devant chacune des assemblées, pour ensuite les modifier avant leur mise en œuvre effective. »
À Levallois-Perret, toujours dans les Hauts-de-Seine, l’adjointe au logement du député-maire UMP écrit noir sur blanc aux locataires de l’office municipal qu’elle est contrainte d’appliquer la loi MOLLE, alors qu’elle n’y est pas favorable. Nous ne la contredirons pas, nous qui avons si largement dénoncé les dangers de cette loi pour la mixité sociale.
Aussi proposons-nous de faire de 2010 l’année du logement social, celle qui permettra de tout repenser en termes de réalisation, de financement, de rénovation et d’urbanisme.
Pourquoi tant d’intérêt pour le logement social, nous demanderez-vous ? Notamment parce que le taux d’effort pour se loger dans le parc privé atteint des niveaux déraisonnables, les loyers y étant 45 % plus chers que dans le parc public.
Et tandis que le Gouvernement s’obstine, dans son idéologie sociale-libérale, à financer, quoiqu’à un niveau faible, l’aide à la personne plutôt que l’aide à la pierre. Pour relever ce défi éminemment grave, il faudrait mettre en place une sécurité sociale du logement, pour que ce poste ne dépasse pas 20 % du budget des familles, et aussi augmenter de manière significative l’APL.
Dans les plans locaux d’urbanisme, il faudrait imposer une disposition obligeant à inclure 40 % de logements sociaux dans tout programme de plus de douze logements, dans les villes qui ne respectent pas la loi.
Il faudrait obtenir le réengagement financier de l’État à hauteur de 2 % du PIB pour l’aide à la pierre et la construction effective de 120 000 logements vraiment sociaux, c’est-à-dire des logements PLUS et PLAI, jusqu’à satisfaction des besoins.
Enfin, face à la pénurie actuelle, il faudrait faire cesser immédiatement le scandale de la vente des logements sociaux.
Les députés communistes, républicains et du Parti de gauche vous proposent donc de changer la donne immédiatement, en adoptant des mesures d’urgence pour le logement, dont certaines sont issues des politiques ambitieuses menées directement par des élus locaux, malgré la politique gouvernementale et la complicité de certaines collectivités.
Nous proposons ainsi de pénaliser plus lourdement les communes défaillantes en matière d’application de la loi SRU, de protéger les plus démunis en prenant des mesures contre les expulsions et les coupures de gaz et d’électricité, de mobiliser les logements vacants par leur réquisition immédiate, de relever les plafonds de ressources pour l’attribution des logements sociaux, de plafonner le loyer de solidarité, de rendre facultatives les conventions d’utilité sociale entre l’État et les organismes HLM, de développer la collecte de l’épargne en relevant le plafond des versements sur le livret A, et enfin de renforcer la participation des employeurs au financement du logement.
La majorité n’a proposé aucun amendement. Nous ne pouvons imaginer que c’est par désintérêt pour le sujet. Nous invitons donc l’ensemble de la représentation nationale à soutenir nos propositions concernant l’une des premières préoccupations de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
 

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Marie-Hélène
Amiable

Députée des Hauts-de-Seine (11ème circonscription)
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