M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre Gosnat, qui saura poursuivre dans cette ambiance consensuelle et sympathique. (Sourires.)
M. Pierre Gosnat. Bien évidemment, monsieur le président ! Gilles Carrez est du Val-de-Marne comme moi !
M. le président. Il est vrai que c’est un voisin : seule la Seine vous sépare !
M. Pierre Gosnat. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, j’ai écouté avec beaucoup d’attention ce que vient de dire Gilles Carrez. J’ai eu l’étrange l’impression d’assister à une sorte de réunion familiale lors d’une cérémonie d’adieux. Il y avait quelque chose d’émouvant : on saluait tout le monde, les partants et les autres… À croire que vous aviez déjà tourné la page !
Mme Valérie Pécresse, ministre. De la législature seulement !
M. Pierre Gosnat. Quoi qu’il en soit, je remercie Gilles Carrez, mon collègue du Val-de-Marne, pour le travail qu’il accomplit. D’ailleurs, j’ai souvent remarqué, ici comme en d’autres endroits, qu’il n’avait pas tout à fait la même position que le Gouvernement. Il nous est même arrivé de nous retrouver sur quelques sujets très importants.
Mais pour ma part, je me félicite du vote du Sénat. Il n’y a pas de motif à le critiquer et je ne comprends pas la remarque de Mme la ministre : le Sénat a parfaitement sa légitimité. Nous ne sommes pas les seuls à pouvoir avoir raison, à moins que l’on ne décide que le Sénat ne doit pas exister. Vous savez que les communistes, d’ailleurs, ne sont pas forcément des défenseurs de cette assemblée ; mais en tout état de cause, elle existe, et son vote ne saurait être critiqué.
Et pour ce qui est de celui de l’Assemblée, je me faisais une réflexion : je trouve notre hémicycle un peu désert ce soir, eu égard à l’importance du vote que nous allons produire. Tristan Bernard avait raison de dire : « Venez armés, l’endroit est désert ! »
M. Jean-Claude Mathis. Ils vont arriver !
M. Yves Nicolin. Et combien y a-t-il de communistes ? Vous êtes tout seul !
M. Pierre Gosnat. Je reviens au contenu de ce projet de loi de finances rectificative pour 2012 : de nouvelles mesures de rigueur, qui viennent conclure de la pire des façons le quinquennat de Nicolas Sarkozy.
Rappelez-vous comment ces cinq années ont commencé : l’État français s’est montré dispendieux comme jamais il ne le fut, pour servir les intérêts des plus riches, des actionnaires et des puissants. C’est ainsi que vous avez fait adopter dès le 22 août 2007, à travers la loi TEPA, le bouclier fiscal et une diminution des droits de succession. Quand vous parlez de dépenses, monsieur Carrez, c’est de cela qu’il faut parler !
M. Jean Mallot. Il a raison !
M. Pierre Gosnat. Puis les cadeaux fiscaux se sont multipliés comme des petits pains…
M. Jean Mallot. Des gros pains, plutôt !
M. Pierre Gosnat. Diminution par deux du montant de l’impôt de solidarité sur la fortune, adoption de la niche Copé qui permet aux grands groupes d’échapper à l’impôt sur les sociétés lors de la vente d’une filiale, suppression de l’impôt de bourse, suppression de la taxe professionnelle… Je l’ai dit tout à l’heure, monsieur le rapporteur général, à Ivry, cela nous coûte 30 millions sur trois ans ! Ce sont en tout 12 milliards d’euros qui échappent chaque année depuis cinq ans aux ressources de l’État, soit au total 60 milliards d’euros, l’équivalent du budget annuel de l’éducation nationale. Voilà la réalité !
M. Jean Mallot. C’est vrai !
M. Pierre Gosnat. Face aux attaques des spéculateurs et de leur bras armé, les agences de notations…
M. Jean Mallot. Cela fait rire l’UMP, en plus ! Quel scandale !
M. Pierre Gosnat. Ce n’est pas marrant !
Face aux attaques des spéculateurs, Nicolas Sarkozy, son gouvernement et les députés UMP ne se sont pas décidés à revenir en arrière, à réfléchir et à annuler les privilèges consentis.
Bien au contraire, vous avez opté pour la fuite en avant. Vous avez ainsi décidé de rançonner, pour un montant de 31 milliards d’euros, les familles moyennes et modestes au travers de trois plans d’austérité présentés en moins de six mois. Le doublement de la taxe sur les complémentaires santé et les mutuelles, le déremboursement de certains médicaments, l’augmentation de la TVA sur les produits de première nécessité et cette nouvelle augmentation de la TVA sur les produits courants ne sont que la facture des cadeaux fiscaux et des exonérations que Nicolas Sarkozy a accordés aux nantis de ce pays.
M. Jean Mallot. Il a raison !
M. Pierre Gosnat. Le chef de l’État ne s’est pas comporté en président de la République, celui qui protège, mais en président des riches. Nicolas Sarkozy a fait le choix des puissances de l’argent contre celui de l’intérêt supérieur du peuple de France.
Par ailleurs, votre projet de taxe Tobin, madame la ministre, ne change rien aux propos que je viens de tenir. C’est ce que l’on pourrait appeler une taxe « Canada Dry ». Personne ne peut croire que Nicolas Sarkozy, après trois années d’inaction, s’en prend enfin aux spéculateurs et cherche, comme il le disait dans son discours de Toulon en 2008, à sanctionner au moins financièrement les responsables du naufrage et de cette crise dont nous subissons aujourd’hui encore les effets néfastes. Avec ce simulacre de taxe sur les transactions financières, l’UMP tente une manœuvre de diversion…
M. Yves Nicolin. Ce n’est pas vrai !
M. Pierre Gosnat. …destinée à faire oublier aux Français les moins aisés que ce sont eux qui supportent et paient 85 % des mesures d’austérité contenues dans ce PLFR.
M. Jean Mallot. Ils ne sont pas dupes !
M. Pierre Gosnat. Le dispositif qui nous est présenté ce soir est une usine à gaz législative. Cela s’explique par votre volonté de n’appliquer cette taxe qu’à une infime partie des échanges spéculatifs : ainsi, une centaine seulement de titres d’entreprises seront concernés par votre taxe alors que la France compte 770 entreprises cotées en bourse. Vous voulez nous faire adopter un mécanisme au rabais, madame la ministre : cette contribution ne rapportera au pays que 1,1 milliard d’euros par an alors qu’en 2010, le volume des échanges financiers a atteint en France 146 000 milliards d’euros, selon le rapport présenté par Philippe Douste-Blazy en septembre 2011.
Je vous rappelle que la proposition de taxation des transactions financières défendue communément par le groupe GDR et nos collègues allemands, les députés de Die Linke, le 1er décembre 2011, permettait d’apporter 15 milliards d’euros de ressources supplémentaires à l’État : autrement dit, 14 milliards d’euros d’écart entre une vraie mesure et sa caricature ! C’est bien la preuve que lorsque vous parlez de taxe sur les transactions financières, il y a pour le moins un abus de langage !
La majorité présidentielle est habituée aux manipulations de ce genre. La meilleure preuve, mes chers collègues, en est cette déclaration de Nicolas Sarkozy en octobre 2011 dans l’émission Face à la crise lors de laquelle il s’opposait à une hausse généralisée de la TVA en déclarant : « Pour une raison assez simple : c’est que ça pèserait sur le pouvoir d’achat des Français, sur la consommation des Français, ce qui serait injuste. » alors qu’un rapport de la Cour des comptes de mars 2011, analysant la hausse de la TVA en Allemagne, indiquait, contrairement à ce que vous disiez, madame la ministre, « qu’une augmentation de trois points de la TVA avait contribué pour 2,6 points à la hausse des prix en 2007. »
M. Jean Mallot. Exactement !
M. Pierre Gosnat. Et que faites-vous ? Vous décidez d’une augmentation de la TVA ! Vous adoptez, dans ce PLFR, la mesure la plus injuste et la plus dangereuse pour nos concitoyens. L’aspect social de cette TVA n’est qu’un mirage, une tromperie imaginée. La députée UMP Chantal Brunel elle-même avouait à L’Express, le 14 février dernier : « La TVA, j’ai vu, mais le social, pas vraiment… » Les consommateurs eux non plus n’ont rien vu de social dans cette TVA. En revanche, ils savent qu’ils connaîtront des fins de mois encore plus difficiles. Alors que les promoteurs de la TVA dite sociale annonçaient des augmentations de salaire pour les travailleurs, il n’en sera rien, et les produits français n’en tireront aucun avantage de compétitivité. Cette TVA prétendument sociale et son corollaire, l’exonération des cotisations allocations familiales, n’ont qu’un but : « défaire méthodiquement », pour reprendre les propos de Denis Kessler, le système de sécurité sociale issu du Conseil national de la Résistance.
M. Jean Mallot. C’est exactement cela !
M. Pierre Gosnat. Vous voulez que la sécurité sociale soit financée par les consommateurs, qu’ils soient salariés, chômeurs ou retraités, en lieu et place d’un financement par des cotisations de sécurité sociale assises sur un partage des richesses créées par le travail. La logique sous-jacente de ce transfert de financement n’est que de donner encore et toujours plus d’argent au patronat et aux riches actionnaires. Comme le dit le baron Seillière dans Les Échos de ce matin, « les préoccupations économiques et morales ne sont pas convergentes… » Et d’ajouter : « De toute façon, pour quelqu’un qui est au SMIC, ces chiffres n’ont aucun sens. »
Quant à l’argument que vous brandissez de la création de 100 000 emplois, il est fortement contesté. À supposer que ce chiffre soit bon, il en coûterait à la collectivité 130 000 euros par emploi créé !
En tout état de cause, permettez-moi d’être sceptique sur ces prétendues créations de postes. M. Eric Heyer, directeur adjoint du département analyse et prévision à l’Observatoire français des conjonctures économiques déclare : « Si les entreprises ne répercutent pas entièrement la baisse de cotisation sur les prix, ou si les autres pays européens réagissent à ce qui s’apparente à une dévaluation, alors il faut craindre des destructions de postes ».
De fait, les patrons et les actionnaires sont les seuls bénéficiaires de cette TVA. Ils pourront, grâce à elle, profiter d’une nouvelle exonération de cotisations de sécurité sociale d’un montant de 13 milliards d’euros, qui tombe quasiment du ciel à quelques jours des élections.
La preuve a été faite par des économistes de gauche comme de droite :…
Mme Marie-Christine Dalloz. Lesquels ? Il faudrait nous les citer !
M. Pierre Gosnat. Cette hausse de la TVA ne freinera en rien les délocalisations et n’aidera en rien à maintenir l’emploi.
Il y a donc urgence à appliquer dans ce pays d’autres propositions, comme celles présentées par le Front de gauche : nous revaloriserons le SMIC à 1 700 euros…
M. le président. Il va falloir conclure, cher collègue.
M. Pierre Gosnat. Je termine, monsieur le président.
Nous revaloriserons le SMIC à 1 700 euros pour permettre aux salariés de vivre dignement. Nous rétablirons l’impôt de solidarité sur la fortune. Par la fiscalité, nous établirons un revenu maximum fixé à vingt fois le revenu médian, c’est-à-dire, tout de même, à 360 000 euros maximum par an. Nous instaurerons quatorze tranches d’impôt sur le revenu afin d’établir la progressivité de l’impôt pour que les familles moyennes et modestes paient proportionnellement moins d’impôts que les riches.
M. Yves Nicolin. Vive l’Union soviétique !
M. Pierre Gosnat. Voilà quelques mesures significatives portées par le Front de gauche et son candidat Jean-Luc Mélenchon.
Bien entendu, madame la ministre, nous voterons contre votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mais je tiens, à nouveau, à féliciter pour son travail mon collègue et voisin Gilles Carrez.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Merci !
Discussions générales
Lect. définitive - PLFR pour 2012
Publié le 29 février 2012
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