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Discussions générales

Lect. définitive - organisation du service et information des passagers dans les entreprises de transport aérin

M. le président. La parole est à M. Pierre Gosnat.
M. Pierre Gosnat. Mes chers collègues, l’agenda délirant de cette fin de mandature nous oblige à nous prononcer à nouveau sur cette proposition de loi quelques jours seulement après son adoption en nouvelle lecture. C’est un coup de force. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Vous vous en doutez, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche n’ont pas changé d’avis : ils sont résolument opposés à cette proposition de loi de casse du droit de grève. Du reste, mardi dernier, mes collègues et camarades Roland Muzeau et André Chassaigne étaient avec les salariés et le front syndical, tout près de l’hémicycle, pour dire ensemble notre refus d’une telle réforme. Il faudrait peut-être que vous l’entendiez !
Je voudrais, tout d’abord, revenir sur le calendrier absurde de cette navette parlementaire. Le texte dont nous débattons a été examiné il y a quelques heures seulement au Sénat : ce n’est plus une navette, c’est un supersonique !
M. Philippe Meunier. Dans le domaine aérien, cela n’a rien d’étonnant !
M. Thierry Mariani, ministre. C’est le ministère des transports, que voulez-vous !
M. Pierre Gosnat. Si je me félicite du vote des sénatrices et des sénateurs, je déplore votre précipitation, qui est d’autant plus absurde qu’entre-temps, un accord – certes, loin d’être exemplaire – signé par les pilotes et la direction d’Air France est venu en quelque sorte remettre en cause l’utilité de ce texte.
M. Thierry Mariani, ministre. Ce n’est pas vrai !
M. Yves Nicolin. Air France n’est pas la seule compagnie concernée par le texte !
M. Pierre Gosnat. Dès lors, comment justifier votre précipitation, si ce n’est par une sorte d’acharnement à faire passer un texte électoraliste, dont l’objectif est d’opposer les passagers des transports aériens aux salariés de ce secteur. La division, toujours la division : c’est votre fonds de commerce !
M. Éric Diard, rapporteur. C’est le vôtre !
M. Pierre Gosnat. En faisant croire que les dysfonctionnements de l’aérien sont le fait des grèves, vous cherchez à escamoter la cause première des retards, des blocages, de la désorganisation et du manque d’information : la libéralisation du transport aérien. En effet, le démantèlement des opérateurs publics – rappelons-nous d’Air France et d’Air Inter – et la ruée d’une multitude d’acteurs sur ce nouveau marché au titre de la règle de la concurrence dite libre et non faussée ont abouti à la création d’une véritable jungle. Les entreprises de ce secteur précarisent, licencient, sous-traitent, dégradent les conditions de travail, accélèrent les rotations, délocalisent les contrats de travail et la maintenance des appareils, augmentent le temps de travail et sabrent dans les procédures de sécurité. La qualité du service en pâtit grandement, et vous en êtes d’ailleurs souvent les témoins.
Ainsi, tout récemment, la compagnie française Air Méditerranée a créé une filiale grecque et immatriculé ses appareils en Grèce. Les contrats de travail concernés sont alignés sur le droit du travail grec, de sorte que l’entreprise profite de la diminution des cotisations et des salaires, qui sont divisés par deux. Qu’avez-vous fait pour vous y opposer ? Quant à nous, nous nous insurgeons contre ces pratiques qui, de toute évidence, deviennent la règle et sont étendues aux dizaines de milliers de salariés français du secteur aérien.
Ce sont ces pratiques indignes qui créent les dysfonctionnements que vous faites mine de déplorer.
N’est-il pas temps de se poser les vraies questions ? Quand ferez-vous le bilan des politiques ultralibérales menées depuis trente ans ?
M. Éric Diard, rapporteur. Nous nous éloignons du sujet !
M. Pierre Gosnat. Quand rendra-t-on obligatoire un audit sur les privatisations, les ouvertures de capital et les filialisations ? Quel est le bilan du tout libéral, qui consiste dans la destruction systématique du service public ? Ce dogme a du plomb dans l’aile, comme le montre la crise actuelle. Pourtant, vous vous acharnez, et ce débat en est une nouvelle preuve.
Puisque nous sommes convoqués pour la deuxième fois en une semaine afin d’examiner cette proposition de loi absurde, j’exige, au nom de notre groupe et, plus généralement, du Front de gauche, que le Conseil constitutionnel soit saisi.
La semaine dernière, mon collègue André Chassaigne a évoqué les multiples aberrations que comporte ce texte, qu’il s’agisse de sa démarche réactionnaire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) – oui, réactionnaire, puisqu’il marque un retour en arrière – ou de son contenu technique. Pour ma part, j’insisterai sur le caractère manifestement anticonstitutionnel de votre attaque contre le droit de grève dans l’aérien. En effet, chacun le sait, ce droit a valeur constitutionnelle. Pour le supprimer – puisque tel est votre objectif –, il vous faut donc vous fonder sur d’autres principes de même valeur. C’est ainsi que vous avez apporté des limitations au droit de grève lorsqu’un service public est concerné ; il s’agissait d’une première entaille. Or, elle est de nature à établir l’inconstitutionnalité du présent texte, puisque les entreprises du secteur des transports aériens sont des entreprises privées qui ne sont pas chargées de missions de service public.
M. Éric Diard, rapporteur. Vous n’avez pas lu le texte !
M. Pierre Gosnat. Seule peut être invoquée l’exception des dessertes de la Corse, mais elle ne saurait justifier un bridage généralisé du droit de grève en France.
Vous invoquez également la sécurité des personnes et des biens. Mais, comme le remarquent MM. Éric Millard et Antoine Lyon-Caen, professeurs de droit à l’université de Paris-ouest, cette obligation n’a de valeur constitutionnelle que si les activités concernées présentent des dangers particuliers, comme c’est le cas de la production d’énergie nucléaire. Cet argument n’est donc pas valable pour le transport aérien, dont les activités ne présentent pas un tel danger.
Enfin, l’exposé des motifs de votre proposition de loi prétend justifier la suppression du droit de grève par le fait qu’un mouvement social constituerait un « trouble à l’ordre public ». Tout est dit : pour vous, la grève n’est pas un moyen de défense des droits des salariés, c’est un désordre qu’il faut combattre. Pourquoi ? Parce que la grève et les mouvements sociaux vous font peur : les rassemblements de travailleurs, l’action collective et la contestation d’un système que vous servez quotidiennement vous sont insupportables !
M. Éric Diard, rapporteur. C’est votre discours dépassé qui est insupportable !
M. Pierre Gosnat. Prenons l’exemple de la mobilisation de la semaine du 6 février contre cette proposition de loi. A-t-elle troublé l’ordre public, monsieur le ministre ? Non. Je cite à nouveau les représentants de la doctrine juridique que j’ai mentionnés : « L’utilisation d’un mot ne suffit pas à établir un objectif de valeur constitutionnelle ».
Ainsi, votre charge contre le droit de grève n’est tout simplement pas fondée en droit. C’est la raison pour laquelle il nous semble particulièrement indispensable de saisir le Conseil constitutionnel.
Ce qui rendra impossible l’exercice du droit de grève, c’est bien sûr le dispositif d’auto-déclaration de participation au mouvement quarante-huit heures à l’avance.
Le Syndicat national des pilotes de ligne note, à juste titre, qu’il s’agit là de créer un préavis individuel, alors même que la loi n’impose pas de préavis collectif.
M. Éric Diard, rapporteur. Ça a changé !
M. Pierre Gosnat. D’autre part, avec la pression qui existe aujourd’hui sur les salariés, les multiples plans sociaux, le nombre de personnels en CDD, selon le SNPL, « un salarié désireux de conserver son emploi n’aurait d’autre alternative que de ne pas faire grève ». Vous le savez très bien, et c’est la raison pour laquelle vous présentez cette loi !
Alors qu’aujourd’hui, en période de crise et d’explosion du chômage, se priver de journées de salaire en participant à un conflit social est déjà un acte de courage, il deviendra bientôt impossible de le faire sans risquer de perdre son emploi ! Pourtant, les salariés qui participent à ces mobilisations n’ont d’autre objectif que de défendre leurs droits, leurs emplois, leurs conditions de travail – particulièrement malmenées dans le domaine du transport aérien. Plus généralement, c’est un outil de travail, une part de la richesse productive de la nation qu’ils veulent préserver.
Le front syndical est totalement uni face à votre initiative. Les salariés sont vent debout contre cette réforme…
M. Éric Diard, rapporteur. Ça ne s’est pas tellement vu ! Ils ont oublié de m’écrire !
M. Pierre Gosnat. …qui signifie, pour eux, la fin de leur pouvoir de revendication. Dans votre obsession antisociale, vous les maltraitez à coup de lois rétrogrades ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Éric Diard, rapporteur. C’est votre discours qui est rétrograde !
M. Pierre Gosnat. Sachez que nous, communistes, resterons toujours à leur côté sur le front des luttes pour l’emploi, les salaires et les droits. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Philippe Meunier. Il n’y a plus de communistes ! Vous ne le saviez pas ?
M. Pierre Gosnat. C’est la raison pour laquelle, une fois de plus, nous voterons résolument contre ce texte. Nous défendons, pour notre part, une nouvelle constitution pour une VIe République (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP)...
M. Thierry Mariani, ministre. Voyez-vous ça !
M. Pierre Gosnat. Permettez que dans cette assemblée, on parle de république, mes chers collègues !
M. Philippe Meunier. Celle des soviets ?
M. Pierre Gosnat. Une VIe République, disais-je, dans laquelle le droit de grève serait inattaquable.
C’est pour promouvoir ce projet que le Front de gauche organise, le 18 mars, une grande marche à Paris jusqu’à la Place de la Bastille – à laquelle je vous invite, mes chers collègues de droite !
M. Yves Nicolin. Non merci ! Nous aurons mieux à faire !
M. Philippe Meunier. Il y en a qui travaillent, monsieur !
M. Pierre Gosnat. J’appelle l’ensemble de nos concitoyens à nous y rejoindre, avec notre candidat Jean-Luc Mélenchon !

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