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Discussions générales

Italie : accord relatif au tunnel routier de Tende

 
Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Chers collègues,
Ce projet de loi se propose de réaliser les travaux de sécurisation nécessaires sur le tunnel de Tende.
Il serait inopportun de s’opposer à la réalisation de ces travaux, qui concernent la sécurité de ses usagers. Là ne sera pas mon propos.
Les député-e-s communistes et républicains ont souhaité toutefois s’exprimer au sujet de ce texte de loi pour rappeler quelques éléments relatifs à la politique des transports dans ce pays, qui sauront intéresser nos concitoyens au moment même où le débat qui occupe le devant de la scène est celui du Grenelle de l’Environnement, de la lutte contre les gaz à effet de serre, de la promotion du développement durable. Autant de mots consensuels, en faveur desquels la majorité et son Président affiche une volonté d’agir que nous souhaiterions examiner d’un peu plus près.
 
Nous savons tous ici que le domaine des transports constitue l’un des secteurs clés par rapport au défi énergétique et à la question du réchauffement climatique.
En effet, dans un contexte d’augmentation des échanges et des déplacements, le transport, principale activité consommatrice de pétrole et productrice de pollution atmosphérique, contribue pour près de 30% aux émissions françaises de gaz à effet de serre, contre 21% en 1990. Si rien n’est fait, les transports seront pour 80% dans l’accroissement des émissions d’ici à 2050 annulant ainsi tous les efforts entrepris dans les autres secteurs…
 
Nous savons également tous ici que face à ce défi climatique, certains modes de transport sont plus « écolo-compatibles » que d’autres, pardonnez-moi l’expression, mais elle est parlante.
Pourtant, le rail, mode de transport le plus sûr et le moins polluant, souffre d’un recul patent.
Alors que le réseau routier et autoroutier est saturé et engendre de fortes pollutions, le fret ferroviaire européen est en déclin : le transport de marchandise a plus que doublé depuis les années 1970, mais le fret ferroviaire a perdu un quart de ces parts de marché. Entre 1970 et 1998, le transport par route, lui, a été multiplié par 2,5 et a gagné 87% de parts de marché en volume, au détriment du rail.
Malgré l’augmentation du transport de marchandises, et alors qu’il serait nécessaire de réaliser de forts investissements sur le réseau ferroviaire, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France s’est vue privée de sa principale source de financement depuis la privatisation des autoroutes. Même sur les bancs de votre propre majorité, le paradoxe avait été relevé, à l’époque. En outre, la répartition du budget de l’AFIFT pour l’année précédente témoigne clairement, d’un choix pro-routier, avec 45% des moyens au routier, contre 55% pour l’ensemble de tous les autres modes. Toutefois, le bleu budgétaire n’est pas encore rendu public. Peut-être créerez-vous la bonne surprise ? Nous attendons de voir...
Autre signe du manque de volontarisme dont souffre le secteur ferroviaire, la dette de RFF : Comment continuer avec une contribution pour la gestion de la dette de RFF maintenue à 730 millions d’€, après avoir été réduite de 70 millions en 2006 ?
Ainsi, si le transport ferroviaire est en difficulté et en recul, c’est avant tout en raison d’un manque de volontarisme politique patent. L’examen de vos budgets des transports successifs sur les dernières années en témoigne aussi clairement.
 
Pour ce qui concerne la région alpine, nous nous réjouissons particulièrement du projet ferroviaire Lyon Turin, qui devra assurer du transport de voyageurs et de marchandises, qui devrait permettre de réduire la circulation des voitures et des poids lourds.
En effet, il y a urgence : en vingt ans, dans cette région aussi, la part du rail entre la France et l’Italie a chuté de plus de moitié. Et là aussi, à l’inverse, le nombre de poids lourds traversant les Alpes franco-italiennes n’a pas cessé d’augmenter : en 1984, on en comptait 1 million, en 2004, 2,8 millions et on en prévoit 4 millions d’ici à 2025. Les nuisances pour les habitants de la région, ainsi que pour l’équilibre écologique sont réelles. Pourtant, ce projet a souffert de lenteurs importantes.
 
Comment, votre majorité prétend-elle respecter les objectifs de Kyoto sans renouveau du chemin de fer ? Donner la priorité au ferroviaire, tant pour le fret que pour le transport de passagers, nécessite une réelle politique volontariste de rééquilibrage des modes de transports ! La concurrence entre la route et le rail joue en défaveur de ce dernier, qui suppose des investissements coûteux non financés par les pouvoirs publics, qui ont depuis plusieurs décennies largement donné la priorité au secteur routier, par le financement du réseau routier et les cadeaux fiscaux au patronat routier, comme le fioul détaxé.
 
Il serait indispensable de mener une politique d’investissement résolue en faveur du ferroutage, des transports combinés et d’une réalisation accélérée de la liaison Lyon-Turin. Il faudrait, comme l’avait recommandé en 2000 la commission de la production, alors présidée par mon ami André Lajoinie, lancer un grand emprunt européen pour réaliser en Europe un réseau de ferroutage efficace. Quel gisement d’emploi serait un tel grand chantier d’avenir au service du développement durable !
 
Autre carence en termes de développement de moyens de transport non polluants : le merroutage, entre les ports du sud de la France et ceux du nord de l’Italie. Actuellement, seule une expérience privée a lieu au départ de Toulon vers le port desservant Rome, avec la compagnie Dreyphus. Une politique innovante et écologique devrait permettre de développer ce moyen de transport, aux côtés du ferroviaire. Or votre gouvernement n’a guère donné de signes en sa faveur.
 
La promesse du Président de la République d’augmenter de 25% en cinq ans la part du fret non routier dans les transports risque fortement de rester lettre morte et d’être un pur affichage.
Il est vrai que nous sommes habitués, avec ce gouvernement, aux affichages mensongers ; vous avez donné le la dès cet été avec le projet de loi prétendant favoriser l’emploi et le pouvoir d’achat des Français, et vous avez également prétendu vouloir œuvrer en faveur de la continuité du service public.
Mais il paraît bien difficile de se résoudre à la confusion entre la politique et les affichages électoralistes.
Ce que nous défendons, pour un environnement respecté et un aménagement du territoire digne de ce nom, c’est une maîtrise publique et planifiée des transports, pardon si le mot vous fait peur, seule capable d’investir en conciliant aménagement du territoire, respect de l’environnement et égalité de traitement des usagers.
Nous ne voterons pas contre ce texte, puisque l’effet premier n’est pas contestable.
 

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